Le développement de l'offre numérique n'a pas permis d'envisager une application en l'état de la loi Lang. Aussi l'idée d'une loi spécifique de nature à réguler ce nouveau marché s'est-elle imposée à travers la loi du 26 mars 2011 relative au prix du livre numérique. Celle-ci a pour double objectif d'accompagner la mutation technologique que représente le livre numérique tant pour les professionnels que pour les lecteurs, et de préserver la diversité et la création littéraire sur notre territoire. Dans cette perspective, c'est un cadre souple de régulation du prix qui a été privilégié de façon à ne pas trop altérer ce marché émergent. Moyennant quoi la principale difficulté fut de définir le livre numérique, objet de la loi, en restreignant son champ d'application au seul livre homothétique. Ce qui n'est pas satisfaisant, au même titre que le territoire choisi pour son application. En effet, la loi s'impose logiquement à tout éditeur de livre numérique établi en France pour en assurer la diffusion commerciale en France. Elle s'impose également aux détaillants qui proposent des offres de livre numérique aux acheteurs situés en France, posant ainsi la question de sa conformité au droit de l'Union européenne. Enfin, le législateur a éludé la question de son application dans le temps, occultant ainsi la possibilité d'une baisse du prix à l'issue d'une certaine durée. L'analyse prospective de ce dispositif montre très rapidement des limites de nature à remettre en cause la régulation du prix du livre numérique souhaitée par la loi.
Genèse de la loi du 26 mai 2011 Le livre poursuit, doucement mais sûrement, son entrée dans l'ère du numérique.Si le marché est encore émergent, les mutations du secteur sont déjà profondes : l'évolution de l'objet (le livre en tant que tel) s'accompagne d'une évolution des usages et des canaux de distribution. Les pouvoirs publics ne pouvaient ignorer de telles mutations dans un secteur comme celui du livre, où l'interventionnisme étatique est important (1). En 1981, ...
1er mars 2014 - Légicom N°51
6084 mots
Veuillez patienter, votre requête est en cours de traitement...
(2) En dernier lieu, v. les amendements votés auSénat, dans le cadre de la discussion du projet deloi relatif à la consommation, sur la création d'unMédiateur du livre (sept. 2013).
(3) Loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prixdu livre.
(4) Sans pour autant le définir.
(5) Sur ce point, v. la proposition de loi du Sénat du8 sept. 2010, n° 695, Exposé des motifs.
(6) Autorité de la concurrence, Avis n° 09-A-56 du18 déc. 2009 relatif à une demande d'avis duministre de la Culture et de la Communicationportant sur le livre numérique.
(7) Exposé des motifs, préc.
(8) Ibid.
(9) Ibid.
(10) V. infra n° 17.
(11) V. infra n° 15 et s.
(12) Article 5 : « les détaillants peuvent pratiquerdes prix inférieurs au prix de vente au public [ ]sur les livres édités ou importés depuis plus dedeux ans, et dont le dernier approvisionnementremonte à plus de six mois ».
(13) Sénat, compte rendu analytique officiel du26 oct. 2010.
(14) Pour une critique de ce postulat,v. C. Alleaume, « Loi relative au prix du livrenumérique : trop d'ambition dans sa portée, pasassez dans son objet », Légipresse, n° 286, sept.2011, p. 505, n° 14.
(15) En ce sens, v. l'avis précité de l'Autorité de laconcurrence, point 29.
(16) F. Pollaud-Dulian, Rtd Com, 2011, p. 556.
(17) En ce sens, v. J.-M. Bruguière et V. Fauchoux,« Le livre numérique. Quel statut juridique ? »,Rldi, 2011, n° 73, p. 84, n° 30.
(18) Sur ce point, v. B. Kerjean, « Livre numériqueet contrat d'édition, la révolution est en marche ! »,CCE, sept. 2013, prat. 15.
(19) En ce sens, v. la proposition n° 24 du rapportPierre Lescure, Mission « Acte II de l'exceptionculturelle », Contribution aux politiques culturellesà l'ère numérique », mai 2013.
(20) Décret n° 2011-1499 du 10 nov. 2011.
(21) Article 1er al. 4
(22) Article 5.
(23) Dans le même sens, v. C. Alleaume, art. préc.n° 21.
(24) Décret du 10 nov. 2011, préc.
(25) Article 3 du décret.
(26) Article 4 du décret.
(27) Ces dernières restent donc du domaine desnégociations individuelles avec les éditeurs.
(28) V. contribution sur la fiscalité
(29) Les consommateurs attendraient un différentielde prix de l'ordre de 35 à 40 % entre physiqueet numérique alors que le différentiel réel est de15 % à 30 % (Rapport sur « Les enjeux de l'applicationdu taux réduit de Tva au livre numérique »,nov. 2011).
(32) Autorité de la concurrence, avis préc.,point 116.
(33) Commission européenne, Émission d'un aviscirconstancié et d'observations en application del'article 9, paragraphe 2, et de l'article 8, paragraphe2, de la directive 98/34/CE du 22 juin1998.
(34) Cf. notamment arrêt du 30 nov. 1995 dansl'affaire C-55/94, Gebhard, paragraphe 37.
(35) Commission européenne, avis préc.
(36) N. Georges et L. de Carvalho, « La loi du26 mai 2011 relative au prix du livre numérique :une loi d'exception pour préserver la créationéditoriale », Rlc, n° 31, avril-juin 2012.
(37) Article 1er du décret n° 2012-146 du 30 janv.2012 relatif aux infractions à la loi n° 2011-590du 26 mai 2011 relative au prix du livrenumérique.
(38) Pour une critique de cette approche restrictive,v. C. Alleaume, art. préc. n° 13.
(39) Article 1er du décret.
(40) Discours prononcé à l'occasion de l'examen dela proposition de loi sur le prix unique du livrenumérique à l'Assemblée nationale le 15 févr. 2011.
(41) Loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 portantadaptation du droit de la preuve aux technologiesde l'information et relative à la signature électronique.