Dans le cadre de cette contribution, le livre numérique est envisagé dans sa conception la plus large englobant l'ouvrage édité et diffusé sous forme numérique, destiné à être lu sur un écran dédié à cet effet ou non. La « forme numérique » est elle-même multiple car le fichier numérique est structuré dans un format et il en existe plusieurs , ce qui n'est pas sans incidence lorsque l'on s'intéresse aux exceptions en droit d'auteur. Pourtant le Cpi énumère des exceptions qui visent toutes les oeuvres sans distinction de genre ou de format sauf en présence d'une précision législative expresse ou lorsque la solution découle de la nature même de l'exception. Mais les mesures techniques de protection sont susceptibles de porter atteinte à l'effectivité de ces exceptions. Néanmoins, ces mesures s'avèrent incapables de distinguer selon la finalité poursuivie par la personne qui réalise l'acte d'exploitation. Elles sont dès lors susceptibles de contrarier un acte parfaitement légitime, car effectué par exemple en vertu d'une exception légale. Dans un tel contexte, la question de la conciliation entre la protection de l'ayant droit et du bénéficiaire de l'exception est posée. En l'état du droit et de la technique, les solutions ne sont pas convaincantes. C'est la raison pour laquelle la problématique des exceptions du droit d'auteur est évoquée dans cette contribution à travers le prisme des mesures techniques de protection.
Benoît GALOPIN
Docteur en droit Centre d'études et de recherche en droit de l'immatériel
1er mars 2014 - Légicom N°51
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(2) Par mimétisme peut-être avec le monde analogiqueoù les deux éléments sont indissociables.
(3) La formulation retenue semble démontrer que ladéfinition posée ne prétend pas définir de façongénérale et définitive le livre numérique maisplutôt préciser à quelles conditions celui-ci estsoumis au prix unique : « La présente loi s'appliqueau livre numérique lorsqu'il est une oeuvre del'esprit créée par un ou plusieurs auteurs et qu'il està la fois commercialisé sous sa forme numérique etpublié sous forme imprimée ou qu'il est, par soncontenu et sa composition, susceptible d'êtreimprimé, à l'exception des éléments accessoirespropres à l'édition numérique » (Loi n° 2011-590du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique,art. 1er. C'est nous qui soulignons en italiques ;v. également les précisions apportées par le décretn° 2011-1499 du 10 novembre 2011).
(4) Vocabulaire de l'édition et du livre (liste determes, expressions et définitions adoptés), Jorfn° 0081 du 4 avril 2012, p. 6130.
(5) Ibid. Sur cette distinction, v. S. Carrié, « Le livrenumérique : un Ocni (Objet culturel non identifié)», Cce, oct. 2005, Études n° 36 spéc. p. 22.
(6) Le livre numérique répond alors aux caractéristiquesde l'oeuvre multimédia : J.-M. Bruguière etV. Fauchoux, « Le livre numérique. Quel statutjuridique ? », Rldi 2011/73, n° 2439, spéc. p. 90,envisagent ainsi l'application du régime distributifdéfini par la jurisprudence en matière de jeuxvidéo. Rappr. E. Derieux, « Le livre à l'ère numérique.Questions juridiques sans réponses », Rldi2010/60, n° 1997 spéc. p. 90 : « Les citations etnotes de bas de pages actuelles seront-elles remplacéespar des liens hypertextes, renvoyant àd'autres oeuvres ? Tant dans leur dimensionmorale que patrimoniale, les droits des auteurs deces oeuvres devront, au moment de leur exploitationtout au moins, être pleinement respectés.L'écrit, oeuvre individuelle, constituant un livre,devient ainsi une oeuvre multimédia (composite oude collaboration) ».
(7) Pour un panorama et un historique des formatsen matière de livre numérique, v. A. Jacquesson,« Du livre enchaîné aux Drm », bbf 2011, t. 56,n° 3, p. 36 et s. spéc. p. 38-39.
(8) Ce dernier, qui s'est imposé comme le standarddu livre numérique depuis qu'il a été choisicomme tel par l'Idpf (International DigitalPublishing Forum), a pour particularité de présenterune grande souplesse d'adaptation du texte àl'appareil de lecture. En cela il diffère fondamentalementdu Pdf. Alors que le format Pdf proposeune représentation graphique d'une page, leformat ePub, pour sa part, interprète un documenthiérarchisé, plus exactement un dossier comprenantséparément les différents éléments du livre(texte, images, règles de style, métadonnées )que la machine va se charger d'assembler dans lebon ordre.
(9) Ainsi l'exception d'information par voie depresse de l'article L. 122-5 9°, par exemple, estelleexpressément limitée aux oeuvres d'art graphique,plastique ou architecturale.
(10) On conçoit ainsi difficilement une « revue depresse » d'oeuvres musicales ou architecturales
(11) Pour une étude récente du régime (exceptionet rémunération) de la copie privée en droit français,v. A. Lucas, « Les dits et les non-dits de lacopie privée », Propr. intell. avr. 2012, n° 43,p. 232 et s.
(14) Il est vrai que la question n'a pas été tranchéeen jurisprudence et reste largement débattue endoctrine. En faveur d'un caractère supplétif v. not.C. Alleaume, « La contractualisation des exceptions,La situation en France », Propr. intell. 2007,n° 25, p. 436 et s. En faveur d'un caractère impératifv. not. J. Passa, « Caractère impératif ousupplétif des exceptions au droit d'auteur ? », Rldin° 94 suppl. n° 3138, p. 13 et s. ; ainsi que nostravaux : Les exceptions à usage public en droitd'auteur, LexisNexis coll. Irpi, t. 41, 2012, p. 360et s.
(15) C. Caron, Droit d'auteur et droits voisins,LexisNexis, 3e éd., 2013, p. 362 : « Peut-êtreconviendra-t-il de se demander si seules lesoeuvres exclusivement logicielles sont concernéesou si, au contraire, il convient de considérer quedes oeuvres partiellement logicielles sont excluesde l'exception. »
(16) Pour une étude des possibilités offertes enmatière de handicap visuel : L. Maumet, « Livrenumérique : l'expertise des publics déficientsvisuels », bbf 2011, t. 56, n° 5, p. 11 et s.
(17) C. Meyer-Lereculeur, ministère de la Cultureet de la Communication, Inspection générale desAffaires culturelles, rapport n° 2013-12,Exception « handicap » au droit d'auteur et développementde l'offre de publications accessibles àl'ère numérique, avril 2013, disponible en lignesur le site du ministère de la Culture.
(18) Décret n° 2008-1391 du 19 déc. 2008 relatif àla mise en oeuvre de l'exception au droit d'auteur,aux droits voisins et au droit des producteurs debases de données en faveur de personnes atteintesd'un handicap, Jorf, 24 déc. 2008, p. 19948.
(19) Par exemple en format braille, ou en très groscaractères, ou encore format d'édition adaptéepour l'écoute en synthèse vocale.
(20) Désignée comme organisme dépositaire desfichiers numériques d'oeuvres imprimées par ledécret n° 2009-131 du 6 février 2009, Jorf,n° 0033 du 8 févr. 2009 p. 2231.
(21) https://exceptionhandicap.bnf.fr/platon-web/
(22) Qui définit le « standard ouvert » comme « toutprotocole de communication, d'interconnexion oud'échange et tout format de données interopérableet dont les spécifications techniques sontpubliques et sans restriction d'accès ni de mise enoeuvre ».
(23) Particulièrement adéquats pour adapter leslivres en format Daisy (Digital accessible informationSystem), ce dernier étant spécialementconçu pour faciliter la lecture par les personnessouffrant de déficientes visuelles : www.daisy.org
(24) Consistant à scanner le document puis à faireintervenir un logiciel de reconnaissance decaractères.
(25) C. Meyer-Lereculeur, rapport précit., p. XV,proposition n° 1.
(26) « Rentrée littéraire en Daisy » : des livresnumériques disponibles aussi pour les lecteursaveugles ou malvoyants, Communiqué de pressedu Syndicat national de l'édition, Paris, 16 sept.2013, disponible sur le site du SNE, www.sne.fr
(27) Sur lesquelles, v. not. S. Von Lewinski,Travaux de l'Ompi sur les exceptions et limitationsnotamment en faveur des déficients visuels,Rida, n° 225, juill. 2010, p. 52 et s., et déjàJ. Sullivan, Étude sur les limitations et exceptionsau droit d'auteur établies en faveur des déficientsvisuels, établie dans le cadre de l'Ompi,Sccr/15/7, 20 févr. 2007.
(28) Traité de Marrakech visant à faciliter l'accèsdes aveugles, des déficients visuels et des personnesayant d'autres difficultés de lecture destextes imprimés aux oeuvres publiées, adopté parla conférence diplomatique, Marrakech,17-28 juin 2013, texte disponible sur le site del'OMPI : www.wipo.int/edocs/mdocs/diplconf/fr/vip_dc/vip_dc_8.pdf
(29) Article 5, Échange transfrontière d'exemplairesen format accessible.
(30) Droits d'auteur : Michel Barnier se félicite del'accord sur l'amélioration de l'accès aux livrespour les personnes malvoyantes, Communiqué depresse, Commission Européenne, IP/13/624,27 juin 2013.
(31) Directive n° 2001/29, art. 5.3 b) : « Les Étatsmembres ont la faculté de prévoir des exceptionsou limitations aux droits prévus aux articles 2 et 3dans les cas suivants : [ ] b) lorsqu'il s'agitd'utilisations au bénéfice de personnes affectéesd'un handicap qui sont directement liées au handicapen question et sont de nature non commerciale,dans la mesure requise par ledithandicap ».
(32) Article 4.4.
(33) Ce qui ne serait d'ailleurs pas nécessairementen opposition avec les souhaits des personneshandicapées elles-mêmes. V. « Union mondialedes aveugles, Comment certaines exceptions au droit d'auteur pourraient favoriser l'accès équitabledes aveugles et des malvoyants à l'informationet leur pleine intégration dans la société »,Bull. dr. auteur, juin 2003, (http://portal.unesco.org/) : « Les exceptions dont nous avons besoins'appliqueraient à des activités à but non lucratifqui, de ce fait, ne menaceraient ni les intérêtslégitimes des titulaires de droits ni l'exploitationnormale des oeuvres. Quand une version vraimentaccessible d'une oeuvre est disponible auxmêmes conditions que ses autres versions, noussommes contents de l'acheter ou de l'emprunter,comme tout le monde ».
(34) F. Stasse, Rapport au ministre de la Culture etde la Communication sur l'accès aux oeuvresnumériques conservées par les bibliothèquespubliques, avril 2005, disponible en ligne, www.ladocumentationfrancaise.fr
(35) F. Stasse, précit. p. 15. Rappr. S. Carrié, « Lesbibliothèques à l'heure du numérique », Cce,2006, chron. 15, spéc. p. 15.
(36) Pour illustrer ce problème très spécifique auformat numérique, la Commission européennerelate un cas particulièrement instructif : « Pourmarquer le 900e anniversaire du Domesday Booken 1985, une nouvelle édition multimédia a étécompilée. En 2002, il n'était presque plus possiblede lire le disque car les ordinateurs capablesd'interpréter son format étaient devenus rares.Pour le préserver, il a fallu développer un systèmecapable d'accéder au disque en utilisant des techniquesd'émulation. Paradoxalement, alors qu'il yavait des difficultés pour accéder à sa versionnumérique de 1985, le Domesday Book original,vieux de 900 ans, pouvait encore être consulté »(Comm. CE, Communication de la Commissionau Parlement européen, au Conseil, au Comitééconomique et social européen et au Comité desrégions, i2010 : bibliothèques numériques,Com (2005) 465 final, 30 sept. 2005, disponibleen ligne, http://eur-lex.europa.eu, p. 9)
(37) Pour plus d'information sur ces débats,v. notre article : « Retour sur l'exception pédagogiqueaprès la loi d'orientation et de programmationpour la refondation de l'école de laRépublique », Légipresse, n° 309, oct. 2013.
(38) En ce sens, A. Lebois, « Les exceptions à desfins de recherche et d'enseignement, la consécration? », Rldi, suppl. 2007/25, n° 840, spéc. p. 20.
(39) En effet, une oeuvre de l'écrit scannée ou ressaisiesous forme numérique par un enseignantrevêtira certes une forme numérique au stade deson exploitation mais elle n'aura pas été à proprementparler « réalisée pour » une édition numériquede l'écrit.
(40) Il est vrai que l'exception est antérieure dedeux ans à l'arrivée timide des premières liseusesen France, en 2008 ; de quatre ans à celle destablettes de type iPad, en 2010.
(41) Loi n° 2013-595 du 8 juil. 2013 d'orientationet de programmation pour la refondation del'école de la République, art. 77, Jorf, n° 0157 du9 juil. 2013 p. 11379.
(42) L'édition en perspective, Rapport d'activitédu Syndicat national de l'édition, 2012-2013, not.p. 23 (disponible en ligne : www.sne.fr).
(43) Projet de loi d'orientation et de programmationpour la refondation de l'école de la République,Étude d'impact, p. 40 ; Y. Durand, Rapport fait aunom de la Commission des affaires culturelles etde l'éducation sur le projet de loi d'orientation etde programmation pour la refondation de l'écolede la République, n° 767, enregistré à la Présidencede l'Assemblée nationale le 28 févr. 2013, t. 1,p. 548 ; F. Cartron, Rapport fait au nom de la commissionde la culture, de l'éducation et de la communicationsur le projet de loi, adopté parl'Assemblée nationale, d'orientation et de programmationpour la refondation de l'école de laRépublique, n° 568, enregistré à la Présidence duSénat le 14 mai 2013, p. 29.
(44) Y. Durand, Rapport précit., t. 1, p. 548.
(45) P. Lescure, Rapport de la mission « Acte II del'exception culturelle » contribution aux politiquesculturelles à l'ère numérique, mai 2013,t. 1, fiche C-10, p. 439.
(46) A. Jacquesson, « Du livre enchaîné aux Drm »,bbf 2011, t. 56, n° 3, p. 36 et s. Le paysage estcependant morcelé, certaines maisons d'éditionfaisant un argument commercial du fait de n'avoirpas recours aux Drm.
(47) Sur ce régime, v. T. Maillard, La réception desmesures techniques de protection et d'informationen droit français, thèse Paris-Sud, 2009.
(48) Ce qui correspond (souvent) à leur finalité(C. Caron, Droit d'auteur et droits voisins,LexisNexis, 3e éd., 2013, p. 335).
(49) La finalité de l'emprunt figure par exemplefréquemment au nombre des conditions poséespar le législateur à l'exercice des exceptions. Or,comment la mesure technique protégeant un livrenumérique pourrait-elle apprécier la finalité d'uneextraction destinée à une citation, par exemple ?
(50) S. Dusollier, « L'introuvable interface entreexceptions au droit d'auteur et mesures techniquesde protection », Cce,. 2006, étude 29.
(51) On peine à trouver la cohérence qui auraitguidé le législateur dans le choix des exceptionsgaranties (A. Lucas, H.-J. Lucas et A. Lucas-Schloetter, Traité de la propriété littéraire etartistique, LexisNexis, 4e éd., 2012, p. 803,relèvent que le choix des exceptions garanties« n'obéit à aucune logique apparente »).
(52) P.-Y. Gautier, Propriété littéraire et artistique,Puf, 8e éd., 2012, p. 353.
(53) A. Latreille, « Conditions de régulation etpérimètre des exceptions », Rldi, 2013/94 suppl.,n° 3137, spéc. p. 12 : « Trop complexe ou tropsubtil, assorti d'innombrables tempéraments,engoncé dans une logique de droit de la consommationet parasité par de très nombreuses notionsvoisines, on comprend aisément son insuccès ».
(54) En vertu de la procédure prévue par l'articleL. 331-36 al. 2 du Cpi.
(55) V. Game, « Le dépôt légal des oeuvres numériques», in Le nouveau droit d'auteur au lendemainde la loi du 1er août 2006, dossier, D. 2006,p. 2191 et s.
(56) J.-M. Bruguière et V. Fauchoux, art. précit.,p. 87.
(57) C. Meyer-Lereculeur, rapport précit., p. XVproposition n° 2.
(58) M. Dreyer, déjà, avait attiré l'attention sur lesrisques que présentaient les mesures techniquesde protection pour le dépôt légal (E. Dreyer,« Brèves observations sur le projet de réforme dudépôt légal », Légipresse, n° 223, juil./août 2005,I, p. 113 et s. spéc. p. 114).
(59) Avis n° 2013-1 de l'Hadopi du 30 janv. 2013relatif à l'exception de dépôt légal : www.hadopi.fr/actualites/actualites/avis-de-l-hadopisuite-la-saisine-de-la-bnf
(60) Illustration de ce droit souple, récemment misen lumière par le Conseil d'État (Conseil d'État,Étude annuelle 2013 : le droit souple, La Documentationfrançaise, 2013).
(61) Accompagnée d'une consultation publique,dont les termes peuvent être consultés sur le sitede l'Hadopi : www.hadopi.fr/sites/default/files/page/pdf/Avis_BnF.pdf
(62) Avis n° 2013-1, précit., p. 5-6.
(63) On peine cependant à comprendre quelleforme pourrait prendre ce « délai d'adaptation » :s'agirait-il d'une période durant laquelle les nouvellesmodalités de dépôt légal ne seraient pasobligatoires ?