Le marché du livre numérique est encore en France un marché émergent du fait de l'arrivée tardive des liseuses, de l'étendue des mesures techniques de protection et de la protection des libraires traditionnels par la loi sur le prix du livre. La transition entre le livre papier et le livre numérique est néanmoins amorcée depuis deux ans, par l'action des professionnels et du législateur. Le 26 mai 2011 a ainsi été adoptée la loi sur le prix unique et la rémunération juste et équitable du livre. Fin 2011, la loi de finances a réduit le taux de Tva du livre numérique à 7 %. Le 1er mars 2012, une nouvelle gestion collective a été mise en place pour l'exploitation des livres indisponibles. Le 21 mars 2013, un accord-cadre relatif au contrat d'édition à l'ère du numérique a été conclu entre le Conseil permanent des écrivains et le Syndicat national de l'édition. Ces textes vont au-delà de la question du prix du livre et envisagent plus largement les rapports entre les différents acteurs du marché, loin d'être totalement saisis par le droit positif. Les problématiques liées à l'arrivée du livre numérique scellent la rupture avec le droit existant, installant les praticiens dans l'attente de nouvelles dispositions législatives et de l'adoption d'un Code des usages. Sept points de rupture sont envisagés ici, de façon originale, comme étant autant de pierres à l'édifice du droit du livre numérique.
Pierre DEPREZ
Avocat associé au Barreau de Paris Cabinet Deprez, Guignot & Associés
1er mars 2014 - Légicom N°51
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(2) Pour l'année 2010. Ces chiffres sont tirésde l'observatoire du livre et de l'écrit, www.lemotif.fr
(3) JO, 28 mai 2011, p. 9234. Sur cette disposition,Propriétés intellectuelles, 2011, n° 40, p. 302,obs. Bruguière.
(4) Ce à quoi il faut ajouter le décret n° 2013-182du 27 févr. 2013 portant application des articlesL. 134-1 à L. 134-9 du Code de la propriété intellectuelleet relatif à l'exploitation numérique deslivres indisponibles du xxe siècle, JO, n° 0051,1er mars 2013. Sur cette loi sur les livres indisponiblescf. Propriétés intellectuelles, 2012, n°44,p. 346, obs. Bruguière.
(5) Sur cette discussion, cf. tout particulièrementX. Près, Les sources complémentaires du droitd'auteur français, Puam 2004.
(6) C. Caron, « Les usages et pratiques professionnelsen droit d'auteur », Propriétés intellectuelles,2003, no 7, p. 127.
(7) www.sne.fr ; v. dans ce numéro p. 97 et s.
(8) Code des usages de la variété, Chambre syndicalede l'édition musicale, www.csdem.org
(9) B. Starck, « À propos des accords de Grenelle.Réflexions sur une source informelle de droit »,JCP, 1970, I, 2363.
(10) Propriétés intellectuelles, 2012, n° 42, p. 36,obs. Bruguière.
(14) Soutenir la librairie pour consolider l'ensemblede la chaîne du livre : une exigence et uneresponsabilité partagées, www.culturecommunication.gouv.fr/Disciplines-et.../Etudes-et-rapports.Et plus particulièrement p. 24 et s du Rapport.
(15) Rapport P. Zelnik, J. Toubon, G. Cerruti,Création et Internet, 2010, ministère de la Cultureet de la Communication.
(16) Sur une réflexion semblable à propos de lacompétence de la Hadopi en matière d'interopérabilité,cf. M. Vivant et J.-M. Bruguière, Droitd'auteur et droits voisins, Dalloz 2012, n° 999.
(17) Sur ce texte, cf. Propriétés intellectuelles,2013, n° 47, p. 195, obs. J.-M. Bruguière.
(18) J.-M. Bruguière et V. Fauchoux, « Le livrenumérique : quel statut juridique ? », Rldi, 2011,n° 73, p. 84.
(19) Puisqu'il est clair qu'un livre numérique estbien aujourd'hui un ouvrage au sens de l'articleL. 132-4 du Cpi.
(20) Tel est le cas par exemple de certains éditeursjaponais pour les mangas. Il est vrai que l'hypothèseest encore aujourd'hui marginale.
(21) Certains ont fait observer, B. Kerjean,« Pratique contractuelle. L'obligation d'exploitationdans le contrat d'édition littéraire à l'épreuvedu numérique », Cce, 2012, prat. 15, qu'une solutionidentique était adaptée en matière de droitsvoisins, « la rupture du contrat de travail del'artiste n'emportant pas pour autant la résiliationdes clauses de cession ». Mais s'agit-il ici vraimentde la même chose ?
(22) Propriétés intellectuelles, 2013, n° 48, p. 297,obs. A. Lucas.
(23) Des contrats d'édition avaient été conclus àpartir de 1852 avec des éditeurs de musique parles librettistes d'Offenbach, portant cession desdroits de reproduction. Ces droits correspondaientà l'époque aux partitions, et aux droits graphiques.Le disque apparaît beaucoup plus tard.Se pose alors la question de savoir si les éditeursen sont cessionnaires, alors même que le procédéétait inconnu au jour de la cession ? Oui pourla Cour de cassation selon qui : « Les contratsont pour objet la cession pleine et entière parles auteurs aux éditeurs de la propriété de leursoeuvres, sans restriction ni réserves ». Cass. civ,10 nov. 1930, DP 1932, 1, p. 29.
(24) Cass. civ 1°, 25 mai 2005, Cce 2005,comm. 109 Caron. La première chambre civilejuge qu'en reconnaissant aux héritiers de Colettela titularité des droits d'exploitation audiovisuelleet phonographique sur trois romans, Claudine àl'école, Claudine à Paris et Claudine s'en va,« alors que la vente des oeuvres en 1907 emportait,en l'absence de toute limitation dans l'acte,la cession au profit de l'éditeur de tous modesd'exploitation, fussent-ils alors inconnus, ( ) lacour d'appel a méconnu la loi du contrat ».
(25) J.-L. Goutal, « Multimedia et réseaux : l'influencedes technologies numériques sur les pratiquescontractuelles en droit d'auteur », D. 1997,p. 357
(26) Il devrait l'être au moyen d'une loi dite créationen préparation.
(27) Au demeurant les auteurs et les éditeurs représentéspar le Sne peuvent se sentir tenus par cetaccord du 21 mars.
(28) Sur la notion de livre indisponible, cf.Propriétés intellectuelles, 2012, n° 44, p. 346,obs. J.-M. Bruguière.
(29) http://relire.bnf.fr/
(30) Notamment F. Macrez, « L'exploitation numériquedes livres indisponibles : que reste-t-il dudroit d'auteur ? », D. 2012, p. 749.
(31) Sur cette discussion, cf. M. Vivant etJ.-M. Bruguière, Droit d'auteur et droits voisins,Dalloz 2012, n° 848.
(32) S. Ricketson, The Berne Convention for theProtection of Literary and Artistic Works, 1886-1986, p. 223, n° 5.84.
(33) Sur la formulation d'une telle critique dansle cadre de cette loi du 1er mars 2012, cf.F. Macrez, article précité et pour une réfutationF.-M. Piriou, « Nouvelle querelle des anciens etdes modernes : la loi du 1er mars 2012 relative àl'exploitation numérique des livres indisponiblesdu xxe siècle », Cce, 2012, études 17.
(34) Au demeurant, il n'est pas certain que leprincipe du recours à la gestion collective contredisecette disposition. Comme on l'a souligné(F.-M. Piriou, article précité) : « Dans le guidede la Convention de Berne publié en 1978 parl'Ompi et rédigé par son directeur, ClaudeMassouyé, celui-ci souligne qu'une formalitédoit s'entendre dans le sens d'une conditionnécessaire à la validité du droit ; il s'agit généralementd'obligations à caractère administratif,imposées par la législation nationale et dont ledéfaut d'accomplissement entraînera la perte dudroit ou l'absence de protection ». Il donne ainsil'exemple du dépôt de l'oeuvre et son enregistrement,du paiement de taxes ou autres que l'onconnaît bien en matière de droit des marquesou des brevets, et qui, à l'époque, existaient auxÉtats-Unis et dans d'autres pays non signataires.
(35) Sur ce constat, E.-E. Zola-Place, « L'exploitationnumérique des livres indisponibles du xxe siècle :une gestion collective d'un genre nouveau »,Légipresse, 2012, n° 295, p. 355.
(36) The Authors Guild c/ Google Inc., SouthernDistrict New York, 22 mars 2011, Propriétés intellectuelles,2011, n° 40, p. 320, obs. Bénabou.
(37) R. Demogue, Traité des obligations, tome III,1931, no 3.
(38) Exemple très clair Tgi Paris, 15 févr. 1984, D.1984, IR, p. 291.
(39) L'équité n'occupe pas en effet beaucoup deplace dans notre droit. En droit civil, le juge estinvité à donner aux conventions « toutes les suitesque l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligationd'après sa nature » (art. 1135 du Code civil).En droit des biens, l'accession est entièrementsubordonnée « aux principes de l'équité naturelle» (art. 565). Il est donc heureux que l'équité(et le droit naturel) trouve ici une petite place dansle droit de la propriété littéraire et artistique.
(40) Cass. 1re civ., 16 juill. 1998 : D. 1999, 306,note Dreyer, Jcpe 2000, p. 77, obs. Laporte-Legeais, Rida, 1998, n° 178, 241, obs. Kéréver,Rtd com. 1999, 394, obs. Françon. CA Paris,1re ch., 18 janv. 2000 : D. 2000, p. 203.
(41) « Achat et ventes de droits de livres numériques: panorama de pratiques internationales »,Bureau international de l'édition française, étuderéalisée par Perceval Pradelle, 10 mars 2011.
(42) Pour un modèle de clause, cf. B. Kerjean,« Pratique contractuelle. Livre numérique etcontrat d'édition, la révolution est en marche »,Cce, 2013, prat. 15.
(43) Sur la discussion autour de l'alignement dutaux de Tva du livre imprimé sur le livre numérique,cf. J.-M. Bruguière et V. Fauchoux, « Lelivre numérique : quel statut juridique ? », Rldi,2011, n° 73, p. 84. Cf. également la « Contributiondu Syndicat national de l'édition à la consultationde la Commission européenne relative auréexamen de la législation existante sur les tauxréduits de Tva », 4 janv. 2013, www.sne.fr. LaCommission européenne devrait se prononcer surla difficulté prochainement. Sur le prix unique,cf. N. Georges et L. de Carvalho, « La loi du26 mai 2011 relative au prix du livre numérique :une loi d'exception pour préserver la créationéditoriale », Revue Lamy de la Concurrence,n° 31, p. 125.
(44) Selon l'article 3 de la loi : « Le prix de vente,fixé dans les conditions déterminées à l'article 2,s'impose aux personnes proposant des offres delivres numériques aux acheteurs situés en France ».
(45) N. Georges et L. de Carvalho, article précité.
(46) Cjce, 10 avr. 1985, Association des centresdistributeurs Edouard Leclerc c/ Sarl Au blévert ; Cjce, 3 oct. 2000, Echirolles distribution c/Association du Dauphiné.
(47) Les Français lisent en effet de moins en moins(Le Figaro, « Deux tiers des Français ne lisent pasou peu », 12 mars 2009). Quand ils lisent, c'esten général une dizaine d'auteurs. Sommes-nouscondamnés à lire Marc Lévy ?
(48) N. Georges et L. de Carvalho, article précité.En sens contraire, voir dans ce numéro l'articlede P. Bonnet et B. Gleize, « Le prix du livrenumérique à l'épreuve de la loi du 26 mai 2011 ».
(49) Avis n° 09-A-56 du 18 déc. 2009 relatif à unedemande d'avis du ministre de la Culture et de laCommunication portant sur le livre numérique.
(50) Pour finalement clore la procédure à la suited'une décision d'acceptation d'engagements deséditeurs concernés et de Apple. http://eurlex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:52013XC0313(03):FR:NT