L'essentiel L'action en contrefaçon de brevet représente une arme importante à la disposition des acteurs économiques dans le cadre de leurs rapports commerciaux et concurrentiels. Cependant, cette action est parfois dangereuse à manier. Lorsqu'elle est mise en oeuvre sans précaution, elle peut porter atteinte au secret des affaires des parties au litige alors qu'il est nécessaire de donner au titulaire de droits des moyens efficaces d'établir la matérialité et l'étendue de la contrefaçon. Or, aucune disposition générale ne garantit le respect du secret des affaires lors du contentieux brevet. Dès lors la confidentialité ne peut être préservée qu'au cas par cas par des professionnels irréprochables, et dans l'urgence de la situation. Ensuite, les mesures d'expertise propres à préserver les éléments confidentiels, bien qu'indispensables dans certains cas, sont loin d'être des solutions idéales. Enfin, lorsque survient une violation injustifiée du secret des affaires à l'occasion d'une action en contrefaçon, il n'existe pas de sanction satisfaisante, la notion d'abus de procédure étant appliquée de façon restrictive par les tribunaux, et l'obtention de dommages et intérêts subordonnée à la démonstration d'un préjudice qu'il est souvent très difficile de quantifier précisément. Le juste milieu entre l'efficacité de l'action en contrefaçon et la préservation du secret des affaires est donc difficile à trouver. Il convient peut-être de combiner la saisie-contrefaçon à la française et le club de confidentialité à l'anglo-saxonne !
L'action en contrefaçon de brevet représente une arme importante à la disposition des acteurs économiques dans le cadre de leurs rapports commerciaux et concurrentiels. La guerre des brevets sur les smartphones qui fait rage depuis quelques années à l'échelle mondiale en fournit une illustration frappante. L'importance du contentieux dans le domaine pharmaceutique est un autre exemple. Mais, comme toute arme, l'action en contrefaçon de brevet est parfois dangereuse à manier. Lorsqu'elle ...
Renaud FULCONIS
Avocat au Barreau de Paris, Cabinet August & Debouzy Avocats
1er janvier 2013 - Légicom N°49
7489 mots
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(2) Texte adopté par l'Assemblée nationale enpremière lecture le 23 janvier 2012, n° 826, http://www.assemblee-nationale.fr/13/ta/ta0826.asp.
(3) « Contre l'espionnage industriel, Bercy relancel'idée d'instituer un secret des affaires », LeMonde, du 6 octobre 2012.
(4) La règle paraît valoir également pour les professionnelsayant un statut voisin, à savoir d'unepart les mandataires agréés près l'Office européendes brevets (français ou étrangers) et d'autrepart les professionnels habilités à représenter lespersonnes devant le service de la propriété industriellede l'un des États de l'Espace économiqueeuropéen, dès lors que leur présence est nécessairepour les opérations de saisie-contrefaçon etqu'ils sont soumis à des règles déontologiquesassurant leur indépendance.
(5) Assistant l'huissier, l'expert informatiquen'agit pas stricto sensu en tant qu'expert judiciaire,puisqu'il n'est pas désigné en tant que telpar le magistrat et ce même s'il est identifiédans la requête.
(6) Voir par exemple l'arrêt de la Cour de cassationdu 28 avril 2004, pourvoi 02-20330, où lahaute juridiction, au visa de l'article 6-1 de laConvention européenne de sauvegarde des droitsde l'homme et de l'article L. 615-5 du Code dela propriété intellectuelle, précise que « le droit àun procès équitable, consacré par le premier destextes susvisés, exige que l'expert mentionné parle second pour assister l'huissier instrumentaireprocédant à la saisie-contrefaçon soit indépendantdes parties ».
(7) Une incertitude subsiste en ce qui concerne lesdocuments figurant sur un serveur distant situéhors de la compétence territoriale de l'huissier (etpar exemple à l'étranger) : il est possible de prévoirdans la requête d'autoriser la saisie de tousdocuments accessibles depuis un poste présent surles lieux de la saisie. Cette solution pratique laisseentière la question de la légalité de l'autorisationaccordée à l'huissier.
(8) La question a été débattue de savoir si le Codede la propriété intellectuelle constituait une lexspecialis excluant les règles générales du Codede procédure civile. La question semble maintenantréglée (Cass. com., 29 juin 1999, pourvoin° 97-12699).
(9) Voir par exemple le jugement du Tgi Parisdu 12 janvier 2012 (3e ch. 3e section, RGn° 09/10119) : un seul exemplaire de l'ordonnanceavait été délivré et deux saisies simultanéesont été menées. Le tribunal annule les deux saisies,ne pouvant savoir laquelle est valable
(10) Pour un exemple, Tgi Paris, 3e ch. 3e section,4 novembre 2011, RG n° 09/08869, ou encore ladécision cité en note 8.
(11) Cass. com., 10 février 2011, pourvoin° 10-13894. La haute juridiction vise aussi l'article503 du Code de procédure civile, qui imposela notification avant l'exécution des jugements.
(12) On peut notamment songer aux situations danslesquelles la preuve de la contrefaçon doit résulterd'une offre orale émanant d'un commerçant.
(13) Cass. civ. 2e, 9 avril 2009, n° 08-12.503.
(14) Voir par exemple l'arrêt de la Cour d'appelde Paris, pôle 5, ch. 2 du 20 janvier 2012, RGn° 10/00626.
(15) Néanmoins, s'agissant du principe de lacontradiction, une signification postérieure del'ordonnance devrait suffire. L'adversaire visé, àqui la requête et l'ordonnance sont dénoncées enmême temps que le procès-verbal, peut en effetprendre toutes les mesures souhaitées pour fairerespecter la contradiction, qu'il s'agisse d'unedemande de rétractation de l'ordonnance ou d'unedemande de cantonnement des pièces saisies.
(16) Un simple envoi à l'entité chargée de procéderà la signification à l'étranger ne semble pas denature à avoir un quelconque effet bénéfique auregard du principe du contradictoire.
(17) Par exemple, la Cour d'appel de Parisconfirme que l'assignation délivrée dans le délailégal à l'un des défendeurs suffit alors mêmeque les demandes à l'encontre de ce défendeursont ensuite rejetées (pôle 5, ch. 1 du 14 novembre2012, Pibd 974, III-811).
(18) Les huissiers sont réticents à « surveiller »ainsi l'exécution par un confrère d'une missionimpartie par le tribunal dans une ordonnance.L'ordonnance du 2 novembre 1945 prévoitcependant dans son article 1 qu'un huissier peutêtre requis pour « effectuer des constatationspurement matérielles », ce qui ne semble pasexclure les constatations relatives à l'exécutiond'une saisie-contrefaçon.
(19) Dans ce cas, les documents mis sous séquestrepeuvent ensuite faire l'objet d'une mesure d'expertise,comme précisé plus bas.
(20) La durée de ce délai est difficile à préciser.Elle doit s'apprécier d'une part au regard desdispositions de l'article R. 615-4 du Code de lapropriété intellectuelle, qui impose une action« sans délai », et d'autre part au regard du délaidont dispose le requérant pour assigner (trente etun jours, article R. 615-3 du même Code).
(21) La pratique de la troisième chambre dutribunal de grande instance de Paris est que lesignataire entend aussi la demande en rétractation.En droit, le signataire de l'ordonnance est le délégatairedu Président du tribunal et l'affectationdes demandes de rétractation relève donc de l'organisationdu tribunal en particulier pour ce quiest des ordonnances rendues par des magistratsayant quitté la chambre.
(22) Le juge doit apprécier l'opportunité desmesures ordonnées, au regard des preuves viséesdans la requête, sans que le requérant ne puissecompléter ces preuves. Voir ainsi Cass. civ. 2e,12 juillet 2012, pourvoi n° 11-18399, la solutionrendue au regard de l'article 145 du Code de procédurecivile s'appliquant certainement aux autresordonnances rendues sur requête.
(23) Cass. com., 29 janvier 2008, pourvoin° 07-14709, au cas d'un défaut de transcriptionau Registre national des cessions du brevet ;14 décembre 2010, pourvoi n° 09-72946, au casd'un brevet expiré à la date de la requête.
(24) Voir par exemple l'ordonnance du délégatairedu président du Tgi de Paris du 8 novembre2011, rétractant les ordonnances critiquées, aumotif qu'elles avaient été obtenues « sans aviserle juge des relations particulières opposant lesdeux sociétés et sur la base d'un flux Internetà partir de fausses pages web dont l'intérêt entermes économiques n'a pas été établi et dont lecaractère artificiel a été démontré par la société »défenderesse (Tgi Paris, 3e ch. 1re section, RGn° 11/14789).
(25) Paris, pôle 1, 3e ch., 6 décembre 2011, Pibd2012, 957, IIIB-150.
(26) Voir par exemple l'arrêt de la Chambrecommerciale du 19 janvier 2010 (pourvoin° 08-18732), qui confirme que la demande enannulation d'un procès-verbal de saisie-contrefaçonest une défense au fond. Dans le mêmesens, Cass. com., 14 septembre 2010, pourvoin° 09-69862.
(27) Sauf à supposer une décision avant dire droit.Pour un exemple, Tgi Paris, 15 avril 2005, Pibd816, IIIB-563.
(28) Président du Tgi de Paris, ord., 27 juin 2012.
(29) Article R. 615-4 du Code de la propriétéintellectuelle. L'article 7.1 de la Directive 2004/48relative au respect des droits de propriété intellectuelleprévoit des mesures de préservation despreuves avant tout litige, sur le modèle de la saisiefrançaise, « sous réserve que la protection desrenseignements confidentiels soit assurée ».
(30) Tgi Paris, ord. JME, 3 septembre 2010, RGn° 09/13109 ; Contra : Président du Tgi Paris, ord.référé-rétractation, 6 décembre 2012.
(31) La question de la compétence pour ordonnerune nouvelle saisie est balisée (articles 812 al. 3et 958 du Code de procédure civile). La questionde savoir si de nouvelles mesures doivent êtredemandées sur requête ou en référé est plusouverte.
(32) Néanmoins, la mesure n'est pas enferméedans un délai sinon celui résultant indirectementde la compétence du juge de la mise en état pourordonner des mesures d'instruction (article 771,5° du Code de procédure civile).
(33) Cass. com., 13 décembre 2011, n° 10-28.088.
(34) Ainsi, il a été jugé que le droit d'informationne saurait permettre au demandeur à l'action« d'obtenir la communication d'éléments commerciaux,financiers, techniques de concurrentsrelevant du secret des affaires sans étayer sesdemandes d'une quelconque preuve d'un acte decontrefaçon [ ] ni aucune faute ou préjudice ».Dans le cas d'espèce, la mesure demandée aété refusée, au motif que le demandeur n'avaitpas démontré être « dans l'impossibilité d'obtenirles documents lui permettant d'appréhenderl'étendue des faits reprochés aux sociétés défenderessesqui sont des sociétés concurrentes »et que ses demandes « n'apparaissent ni justifiéesni proportionnées par rapport à l'enjeudu litige » (Tgi Paris, ord. JME, 26 novembre2009RG n° 2009/05011).
(35) Voir par analogie, pour des mesures au titre del'article 145 du Code de procédure civile, Cass.civ. 2e, 12 juillet 2012, pourvoi n° 11-18399.
(36) Certaines décisions visent une obligation deloyauté, en l'absence de contradiction.
(37) Voir un exemple dans la décision précitée,Tgi Paris, ord. JME, 3 septembre 2010, RGn° 09/13109.
(38) Tgi Paris, 7 janvier 2009, RG n° 2008/00116
(39) Projet d'accord 16222/12 daté du 14 novembre2012, article 34 c).