L'essentiel L'étude du statut juridique des informations non appropriées écarte tous les questionnements liés à l'application du Cpi. L'information, définie par son caractère technique, substantiel, identifié et secret, bénéficie d'un régime d'appropriation fondé essentiellement sur les mécanismes de droit commun des biens. Ce sont ces « autres » informations qui seront envisagées dans le cadre de cette étude et qui représentent en pratique la grande majorité des informations. Le statut juridique de l'information non appropriée signifie que l'on dépasse le simple stade du fait pour entrer dans le cadre d'une appréhension juridique de ce dernier. Non appropriable en tant que telle, l'information pourra être contrôlée par celui qui la collecte. Si la collecte est libre et ouverte, l'utilisation de l'information collectée est, en revanche, soumise, pour tout ou partie, à la volonté du collecteur. Ce n'est pas le statut de l'information qui change, c'est le traitement de celle-ci qui évolue. Ce traitement adapté en fonction du stade d'appréhension de l'information est influencé par de nombreux facteurs qui semblent contenir les prémices du statut juridique de l'information non appropriée. Au constat que l'information est un bien pouvant faire l'objet d'une réservation tel que le proposa Catala, il est aujourd'hui possible de dégager des éléments d'un régime juridique pour cette information non appropriée. Ce régime est influencé, d'une part, en raison de la nature même de l'information, d'autre part, au regard du pouvoir de la personne qui collecte l'information.
Voilà maintenant plus de trente ans que le statut juridique de l'information et son intégration dans le régime commun ou un régime spécial du droit des biens sont discutés. L'article fondateur de Catala (1) qui survenait après quelques premières ébauches (2) a nourri depuis une activité doctrinale intense (3).Il ne semble plus nécessaire de reprendre et discuter ces différentes contributions.M. Vivant (4) a fait une synthèse de cet ensemble qui peut être reprise ici. Relevant le ...
Nicolas BINCTIN
Professeur agrégé des Facultés de Droit, Université de Poitiers - CECOJI
1er janvier 2013 - Légicom N°49
7075 mots
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(2) Catala « Ébauche d'une théorie juridique del'information », Rev. de droit prospectif 1983,n° 1, p. 185 ; D., 1984, chron p. 975 ; Le Droit àl'épreuve du numérique, Puf 1998, p. 224 (seulecette dernière version est utilisée pour les développementssuivants) ; même auteur, « La propriétéde l'information », Mélanges Raynaud,Dalloz-Sirey 1985, p. 97.
(3) Notamment, P. Leclercq, « Essai sur le statutjuridique des informations », ministère de laJustice, 1980 ; L'Information sans frontière(1980), La Doc. Française, Paris ; J.-P. Chamoux,Impacts économiques et juridiques de l'informatisation,Paradoxes 1982, p. 116.
(4) R. M. Hilty, « La privatisation de l'informationpar la propriété intellectuelle : problèmes et perspectives.Introduction », Revue Internationale dedroit économique, 2006/4, p. 353 ; M. Vivant, « Laprivatisation de l'information par la propriété intellectuelle», Revue Internationale de droit économique,2006/4, p. 361 ; même auteur, « À propos desbiens informationnels », Jcp éd. G 1984, I, n° 3132 ;C. Lucas de Leyssac, « Une information seule estellesusceptible de vol ou d'une autre atteintejuridique aux biens ? », D. 1985, p. 43 ; J. Devèze,« Le vol de biens informatiques », Jcp G 1985, I,3210 ; A. Piédelièvre « Le matériel et l'immatériel.Essai d'une approche de la notion de bien », Lesaspects du droit privé en fin du XXe siècle, MélangesMichel de Juglart, Montchrestien 1986, p. 55 ;C. Geiger, « La privatisation de l'information par lapropriété intellectuelle. Quels remèdes pour lapropriété littéraire et artistique ? », RevueInternationale de droit économique, 2006/4,p. 389 ; P. Leclercq, « L'information est-elle unbien ? », Droit et informatique. L'hermine et lapuce, Masson, 1992 p. 91 ; J.-C. Galloux, « Ébauched'une définition juridique de l'information », D.,1994, chr., p. 229 ; N. Mallet-Pujol, « Appropriationde l'information : l'éternelle chimère », D., 1997,Chron. 330 ; E. Daragon, « Étude sur le statut del'information », D., 1998, chron. p. 63 ; J. Passa,« La propriété de l'information : un malentendu ? »,Droit & Patrimoine, mars 2001, p. 64.
(5) M. Vivant, « La privatisation de l'informationpar la propriété intellectuelle », op. cit.
(6) P. Catala, « Ébauche d'une théorie juridique del'information », op. cit.
(7) J.-C. Galloux, « Ébauche d'une définition juridique.», op. cit. ; contra, W. Dross, Droit civil Les choses, Lgdj 2012, n° 483-1.
(8) J. Passa, « La propriété de l'information », op.cit., l'information comme « action consistant àcommuniquer à un public des faits ou des opinions».
(9) Voir notamment, Cass. crim., 16 nov. 2011,n° 10-87.866, à paraître, D. 2012. 137, obs.M. Léna ; AJ pénal 2012. 163, obs. J. LasserreCapdeville ; RSC 2012. 169, obs. J. Francillon ;Rtd com. 2012. 203, obs. B. Bouloc ; Jcp G 2012.II. 322 ; voir aussi, P. Berlioz, « Quelle protectionpour les informations économiques secrètes del'entreprise ? », Rtd com. 2012.263.
(10) Catala, « Ébauche d'une théorie juridique del'information », op. cit., notamment p. 234.
(11) Directive 96/9/CE du 11 mars 1996 concernantla protection juridique des bases de données,Joue n° L. 077, 27 mars 1996 p. 20.
(12) N. Binctin, Le Capital intellectuel, Litec 2007,n° 49 et sq. ; même auteur, Droit de la propriétéintellectuelle, 2e éd. Lgdj 2012, n° 594 et sq.
(13) En ce sens, Catala, « Ébauche d'une théoriejuridique », op. cit., p. 235 in fine.
(14) Voir N. Binctin, « L'accession mobilière »,Juris-Cl. Civ., article 565 à 577.
(15) N. Binctin, Droit de la propriété intellectuelle,op. cit., n° 1162 et sq.
(16) Loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative àl'ouverture à la concurrence et à la régulation dusecteur des jeux d'argent et de hasard en ligne,JORF, 13 mai 2010, p. 8881.
(17) Cass civ 1, 6 fév. 1996, France 3 c. FOCA,Bull. civ. 1, n° 70, p. 46.
(20) On peut ajouter d'autres informations sensiblesque celles visant directement une personne,notamment les informations collectées lors d'essaiscliniques pour l'obtention d'une AMM qui,suivant le mécanisme de l'article R. 5121-26 CSP,sont appropriées 10 ans.
(21) Commission européenne, Protection de la vieprivée dans un monde en réseau. Un cadre européenrelatif à la protection des données, adaptéaux défis du XXIe siècle, 25 janv. 2012, COM(2012)9 final. (http://ec.europa.eu/justice/data-protection/document/review2012/com_2012_9_fr.pdf)
(22) La Cnil souligne notamment la démarche decertains réseaux sociaux, tel que le réseau socialFamicity qui s'est engagé à suivre l'ensemble desrègles protectrices de la vie privée émises par leG29. Elle souligne également l'initiative duréseau social Diaspora, réseau social libre où lecontrôle des données personnelles par les utilisateursest a priori garanti par plusieurs techniques.La Cnil cite l'exemple d'autres sites proposantaussi des mesures protectrices, en particulier desmineurs, tels Mondokiddo, le Mini réseau, l'Universde Wilby ou Yoocasa.
(23) Cedh, le 3 juil. 2012, Robathin c. Autriche,requête n° 30457/06.
(24) Article 8 : 1. Toute personne a droit au respectde sa vie privée et familiale, de son domicile et desa correspondance. 2. I1 ne peut y avoir ingérenced'une autorité publique dans l'exercice de ce droitque pour autant que cette ingérence est prévue parla loi et qu'elle constitue une mesure qui, dansune société démocratique, est nécessaire à la sécuriténationale, à la sûreté publique, au bien-êtreéconomique du pays, à la défense de l'ordre et àla prévention des infractions pénales, à la protectionde la santé ou de la morale, ou à la protectiondes droits et libertés d'autrui.
(25) Cjce, 29 avr. 2004, C-418/01, Rec. I-5039.
(26) CADA, décision n° 20090221, 15 janvier 2009.
(27) CJUE, 12 juill. 2012, aff. C-138/11, Compass-Datenbank GmbH Vs Republik Österreich,
(28) Directive 2003/98/CE du 17 novembre 2003,concernant la réutilisation des informations du secteurpublic, Joue L 345, p. 90, dite directive ISP.
(29) Pt. 40. 29. Pt. 41.
(31) Voir supra le statut des informations inclusesdans les AMM.
(32) Ordonnance n° 2005-650 du 6 juin 2005relative à la liberté d'accès aux documents administratifset à la réutilisation des informationspubliques.
(33) Décret n° 2011-194 du 21 février 2011 portantcréation d'une mission « Etalab » chargée de lacréation d'un portail unique interministériel desdonnées publiques.
(34) Circulaire du 26 mai 2011 relative à la créationdu portail unique des informations publiquesde l'État « data.gouv.fr » par la mission « Etalab »et l'application des dispositions régissant le droitde réutilisation des informations publiques.
(35) Outre de nombreuses collectivités locales etles administrations centrales, ce mouvement estaussi adopté par la Sncf et la Ratp pour desdonnées visant le trafic sur leurs réseaux detransport.