La détermination des droits et libertés invocables constitue l'une des questions centrales de la question prioritaire de constitutionnalité. Les acteurs de cette nouvelle procédure ont pu s'interroger notamment sur la possible invocation de l'incompétence négative du législateur ou encore des objectifs de valeur constitutionnelle.Cette problématique trouve une illustration particulière en matière de communication.L'on tentera de répondre ici à la question posée par les organisateurs ...
Pierre DE MONTALIVET
Professeur agrégé de droit public à l'Université de Bretagne-Sud ...
1er mars 2012 - Légicom N°48
3423 mots
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(2) Le droit de la communication sera ici entendude manière large, comme englobant la presse,l'audiovisuel, Internet, le cinéma, l'édition, l'affichageou encore la publicité. Étant donné laperspective retenue, à savoir la QPC, ne serontpas ici étudiées les normes de compétence et deprocédure en la matière.
(3) Cette liberté est consacrée par l'article 10 de laDéclaration des droits de l'homme.
(4) Cette liberté trouve son fondement dans unprincipe fondamental reconnu par les lois de laRépublique et dans l'article 1er de la Constitution.La liberté d'opinion et la liberté de consciencesont liées à la liberté de communication car ellesen constituent le fondement et impliquent nonseulement la liberté d'avoir ou de ne pas avoir telleopinion ou croyance, mais aussi celle d'exprimercette opinion ou cette croyance. Ceci étant, lesdomaines d'application de ces libertés sont faiblementliés à la communication : la jurisprudence duConseil constitutionnel qui leur est relativeconcerne les domaines de la fonction publique, del'enseignement, de l'interruption volontaire degrossesse ou encore de l'exercice du culte.
(5) Cette liberté est mentionnée par l'article 34 dela Constitution. Le Conseil constitutionnel, dansle cadre de la QPC, n'y a pas pour l'instant faitréférence.
(6) Ce droit, proclamé par l'article 7 de la Chartede l'environnement, n'a pas pour l'instant étéutilisé dans un domaine autre qu'environnemental(v. CC, n° 2008-564 DC, 19 juin 2008, Loi relativeaux organismes génétiquement modifiés,Rec., p. 313, cons. 48 et s. ; CC, n° 2011-183/184QPC, 14 octobre 2011, Association France NatureEnvironnement [Projets de nomenclature et deprescriptions générales relatives aux installationsclassées pour la protection de l'environnement],J.O., 15 octobre 2011, p. 17466, cons. 6 et s.).
(7) Cons. V. aussi CC, n° 2009-580 DC, 10 juin2009, Loi favorisant la diffusion et la protectionde la création sur Internet, J.O., 13 juin 2009,p. 9675, cons. 15.
(8) Sur tous ces points, v. notamment Pierre deMontalivet, « Droit constitutionnel de la communication», JurisClasseur Administratif, Paris,Éditions du JurisClasseur, mars 2011, fasc. 1465.
(9) La QPC a permis au Conseil constitutionneld'évoquer à différentes reprises la liberté de communication(v. not. CC, n° 2010-3 QPC, 28 mai2010, Union des familles en Europe, J.O., 29 mai2010, p. 9730, cons. 6). Le Conseil a pu d'ailleursfaire conjointement référence à la « liberté d'expressionet de communication » en matière de QPC(ibid., cons. 6). Enfin, la QPC lui a permis d'enrichirsa jurisprudence en la matière, en montrantque le « droit d'expression collective des idées etdes opinions », qui constitue l'une des facettes de laliberté de communication, bénéficie aux associations.Le Conseil a en effet fait référence à « laliberté de ces associations de faire connaître lespositions qu'elles défendent » (ibid., cons. 7).
(10) CC, n° 2011-131 QPC, 20 mai 2011,Mme Térésa C. et autre [Exception de vérité desfaits diffamatoires de plus de dix ans], J.O.,20 mai 2011, p. 8890.
(11) CC, n° 2010-3 QPC, 28 mai 2010, préc.,cons. 7 : « Considérant qu'aux termes du dernieralinéa de l'article L. 211-3 du même code : Chaqueassociation familiale ou fédération d'associationsfamiliales, dans la limite de ses statuts, conservele droit de représenter auprès des pouvoirs publicsles intérêts dont elle a assumé la charge ; qu'il enrésulte que, si le troisième alinéa de cet articleimpose la reconnaissance, par les pouvoirspublics, de la représentativité de l'Union nationaleet des unions départementales des associationsfamiliales, les pouvoirs publics peuventprendre en compte les intérêts et les positionsdéfendues par les associations familiales relevantde l'article L. 211-1 du même code ; que la dispositioncontestée ne porte aucune atteinte à laliberté de ces associations de faire connaître lespositions qu'elles défendent ; que, dès lors, legrief tiré de l'atteinte à la liberté d'expression deces associations n'est pas fondé. »
(12) La Cour a affirmé de manière assurée que laloi ne portait « pas atteinte aux principes constitutionnelsde liberté d'expression et d'opinion »,motivant d'ailleurs insuffisamment sa décision(Cass., crim., 7 mai 2010, n° 09-80774, LesNouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel,n° 29, 2010, p. 253, note Pierre de Montalivet).Malgré les imperfections de cet arrêt, il est probableque le Conseil constitutionnel, s'il avait étésaisi, aurait suivi la position de la Cour européennedes droits de l'homme, qui a conclu à laconventionnalité de la répression des proposnégationnistes (Comm. Edh, 24 juin 1996, Maraisc/ France, n° 31159/96 ; Cour Edh, 24 juin 2003,Garaudy, n° 65831/01), rejoignant la solutionadoptée par la Cour de cassation elle-même (v.par ex. Cass. crim., 20 décembre 1994, D., 1995,IR, p. 64). Dans le même sens, la Cour a refusé detransmettre une QPC portant sur l'article 35 ter Ide la loi du 29 juillet 1881, relatif à la diffusion del'image d'une personne placée en détention provisoire,en estimant que cette disposition législative« ne constitue pas une atteinte manifestementdisproportionnée aux principes de liberté d'expressionet de libre communication ». Cass. crim.,28 septembre 2010, n° 10-90096.
(13) Les objectifs de valeur constitutionnelle ontpour originalité de constituer des règles de fond,découlant des dispositions constitutionnellesconsacrant des libertés sans pour autant constituereux-mêmes des libertés. Sur ces objectifs,v. notamment Pierre de Montalivet, Les Objectifsde valeur constitutionnelle, Paris, Dalloz, coll.« Thèmes et commentaires », série « Bibliothèqueparlementaire et constitutionnelle », 2006.
(14) CC, n° 2010-4/17 QPC, 22 juillet 2010,M. Alain C. et autre [Indemnité temporaire deretraite outre-mer], J.O., 23 juillet 2010, p. 13615,cons. 7. Dans le contrôle a priori, l'objectif peutservir de fondement à une déclaration d'inconstitutionnalitéen matière de communication (v. CC,2011-644 DC, 28 décembre 2011, Loi de financespour 2012, J.O., 29 décembre 2011, p. 22562,cons. 17).
(15) CC, n° 2010-29/37 QPC, 22 septembre 2010,Commune de Besançon et autre [Instruction CNIet passeports], J.O., 23 septembre 2010, p. 17293,cons. 5.
(16) CC, n° 2010-77 QPC, 10 décembre 2010,Mme Barta Z. [Comparution sur reconnaissancepréalable de culpabilité], J.O., 11 décembre2010, p. 21711, cons. 3.
(17) L'ambivalence du pluralisme ressort égalementde la jurisprudence du Conseil d'État. Eneffet, dans une ordonnance de 2001 (CE, ord. réf.,24 février 2001, Tibéri, Rec., p. 85 ; D. 2001,Jurisp., p. 1748, note Richard Ghevontian ; RFDA,2001, p. 629, note Bernard Maligner), le Conseilavait affirmé que « le principe du caractère pluralistede l'expression des courants de pensée etd'opinion est une liberté fondamentale » au senset pour l'application des dispositions de l'articleL. 521-2 du Code de justice administrative. Plusrécemment, dans un arrêt Hollande de 2009, il aaffirmé que « le pluralisme des courants de penséeet d'opinion [ ] constitue en lui-même un objectifde valeur constitutionnelle ». CE, Ass., 8 avril2009, MM. Hollande et Mathus, n° 311136, LesCahiers du Conseil constitutionnel, n° 28, 2010,p. 156, comm. Pierre de Montalivet.
(18) CC, n° 2011-128 QPC, 6 mai 2011, SyndicatSUD AFP [Conseil d'administration de l'AgenceFrance-Presse], J.O., 7 mai 2011, p. 7852.
(19) V. Cass. crim., 16 juillet 2010, n° 10-90081, àpropos d'une QPC portant sur l'article 31 de la loidu 29 juillet 1881 fixant l'amende encourue pourdiffamation publique envers un représentant del'autorité publique à un montant plus élevé quecelui de l'amende encourue pour la diffamationpublique envers un particulier. V. également CE,4 octobre 2010, Syndicat interprofessionnel desradios et télévisions indépendantes, n° 336918,refusant de transmettre une QPC portant sur desdispositions de l'article 29-3 de la loi du 30 septembre1986 tel que modifié par l'article 77 de laloi du 5 mars 2009, dispositions desquelles ilrésulte que les services audiovisuels relèvent,pour certaines des décisions les concernant,d'autorités administratives différentes selon qu'ilsconstituent des services à vocation locale ou desservices à vocation nationale.
(20) Diane de Bellescize, Laurence Franceschini,Droit de la communication, Paris, PUF, coll.« Thémis », 2005, p. 36.
(21) CC, n° 2000-433 DC, 27 juillet 2000, Loimodifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986relative à la liberté de communication, Rec.,p. 121, cons. 28.
(22) L'on ne s'appesantira pas ici sur le droit à unprocès équitable, qui ne semble pas avoir été utilisédans le domaine de la communication. Il n'endemeure pas moins que ce droit est invocable enla matière. L'on pourrait citer aussi le droit aurecours, mais son invocation n'est pas toujoursefficace : v. CA Paris, pôle 1, ch. 1, 27 janvier2011, Société L'Yonne républicaine, cité inEmmanuel Derieux, « Contrôle de constitutionnalitédu droit des médias. Disposition de la loi du29 juillet 1881 contraire à la Constitution. Preuvede la vérité de faits diffamatoires remontant à plusde dix ans. Risque d'effet boomerang à l'encontrede ceux qui ont ouvert la boîte de Pandore »,Lamy droit de l'immatériel, n° 73, juillet 2011,p. 44. V. également Cass. crim., 7 décembre 2010,n° 10-83698, refusant de renvoyer une QPC portantsur la limitation du délai de pourvoi en cassationà trois jours non francs par l'article 59 de laloi du 29 juillet 1881.
(23) CC, n° 88-248 DC, 17 janvier 1989, Conseilsupérieur de l'audiovisuel, Rec., p. 18, cons. 35.
(24) Ibid., cons. 29.
(25) T. S. Renoux, M. de Villiers, Code constitutionnel,Paris, Litec, 2004, p. 218.
(26) V. CC, n° 88-248 DC, 17 janvier 1989, préc.,cons. 30 et surtout CC, n° 2000-433 DC, 27 juillet2000, préc., cons. 56.
(27) CC, n° 86-224 DC, 23 janvier 1987, Conseilde la concurrence, Rec., p. 8, cons. 22.
(28) CC, n° 2010-15/23 QPC, 23 juillet 2010,Région Languedoc-Roussillon et autres [Article 575du Code de procédure pénale], J.O., 24 juillet2010, p. 13727, cons. 4.
(29) V. notamment Cass. crim., 7 décembre 2010,n° 10-83698, préc.
(30) CC, n° 88-248 DC, préc., cons. 35.
(31) CC, n° 2009-580 DC, 10 juin 2009, préc.,cons. 18 : « Considérant, en l'espèce, qu'il résultedes dispositions déférées que la réalisation d'unacte de contrefaçon à partir de l'adresse Internetde l'abonné constitue, selon les termes dudeuxième alinéa de l'article L. 331-21, la matérialitédes manquements à l'obligation définie àl'article L. 336-3 ; que seul le titulaire du contratd'abonnement d'accès à Internet peut faire l'objetdes sanctions instituées par le dispositif déféré ;que, pour s'exonérer de ces sanctions, il luiincombe, en vertu de l'article L. 331-38, de produireles éléments de nature à établir que l'atteinteportée au droit d'auteur ou aux droits voisinsprocède de la fraude d'un tiers ; qu'ainsi, en opérantun renversement de la charge de la preuve,l'article L. 331-38 institue, en méconnaissancedes exigences résultant de l'article 9 de laDéclaration de 1789, une présomption de culpabilitéà l'encontre du titulaire de l'accès à Internet,pouvant conduire à prononcer contre lui des sanctionsprivatives ou restrictives de droit ».
(32) CC, n° 2011-164 QPC, 16 septembre 2011,M. Antoine J. [Responsabilité du « producteur »d'un site en ligne], J.O., 17 septembre 2011,p. 15601, cons. 7.
(33) L'invocation de l'article 8 de la Déclarationdes droits de l'homme a pu ne pas convaincre leConseil constitutionnel (CC, n° 2010-41 QPC,29 septembre 2010, Société Cdiscount et autre[Publication du jugement de condamnation],J.O., 30 septembre 2010, p. 17783, à propos del'article L. 121-4 du Code de la consommationréprimant la publicité mensongère). De même,l'invocation du principe de légalité des délits etdes peines n'a pas conduit la Cour de cassation àtransmettre la QPC visant la loi Gayssot (Cass.,crim., 7 mai 2010, n° 09-80774, préc.).
(34) CC, n° 2010-45 QPC, 6 octobre 2010,M. Mathieu P. [Noms de domaines Internet], J.O.,7 octobre 2010, p. 18156, cons. 5. Selon leConseil, « en l'état actuel des moyens de communicationet eu égard au développement généralisédes services de communication au public en ligneainsi qu'à l'importance prise par ces services dansla vie économique et sociale, notamment pourceux qui exercent leur activité en ligne, l'encadrement,tant pour les particuliers que pour les entreprises,du choix et de l'usage des noms dedomaine sur Internet affecte les droits de la propriétéintellectuelle, la liberté de communicationet la liberté d'entreprendre ».
(35) CC, n° 81-132 DC, 16 janvier 1982, Loi denationalisation, Rec., p. 18.
(36) V. CC, n° 85-200 DC, 16 janvier 1986, Cumulemploi-retraite, Rec., p. 9 ; CC, n° 88-244 DC,20 juillet 1988, Loi portant amnistie, Rec., p. 119.
(37) CC, n° 2000-436 DC, 7 décembre 2000, Loirelative à la solidarité et au renouvellementurbains, Rec., p. 176.
(38) V., pour le contrôle a priori, la décision du8 janvier 1991 relative à la publicité en faveur del'alcool et du tabac, même si son invocation n'apas fait échec aux dispositions restrictives en lamatière (CC, n° 90-283 DC, 8 janvier 1991, Loirelative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme,Rec., p. 11).
(39) CC, n° 2010-45 QPC, 6 octobre 2010, préc.,cons. 6.