Les signes distinctifs sont des instruments d'identification des entreprises dans un contexte concurrentiel éloigné des préoccupations d'intérêt général. Pour autant, la gestion des collectivités publiques n'est pas incompatible avec le milieu des affaires car il s'agit d'attirer des investisseurs, entreprises et usagers. Lorsque les prérogatives de puissance publique ne permettent pas d'atteindre cet objectif, le recours aux techniques du marketing est valorisé et procède de l'accroissement des budgets publicitaires. L'emploi des signes distinctifs s'est alors banalisé, ne serait-ce que pour permettre l'identification des services offerts par les collectivités publiques. Leur protection est nécessaire, de façon à faire face aux réclamations des tiers, aux usurpateurs ou parasites indélicats. C'est donc tout naturellement que les collectivités se tournent vers la protection qui leur est offerte par le Cpi dans le respect, toutefois, de l'accomplissement de leur mission d'intérêt général qui commande de préserver la disponibilité des signes géographiques dans leur fonction de localisation. La constitution d'un droit de marque permet à la collectivité de protéger avec une certaine vigueur son image et les investissements à condition de se doter d'un portefeuille de marques.
Confronter le droit des marques aux collectivités territoriales est un exercice peu spontané. Instruments d'identification des entreprises et de leurs activités dans la compétition économique, ces signes distinctifs sont a priori très éloignés des préoccupations des collectivités territoriales qui prennent en charge les intérêts de l'ensemble des personnes situées sur leur territoire et déploient à ce titre des activités qui n'ont pas, en principe, à souffrir du jeu de la ...
Julien CANLORBE
Docteur en droit Avocat au Barreau de Paris
1er février 2012 - Légicom N°47
6466 mots
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(2) Dans une certaine mesure, marques et collectivitésterritoriales se rattachent même à desinspirations totalement contradictoires, commel'illustre l'article 6.IV du Code des marchéspublics qui limite la possibilité de citer lesmarques dans les spécifications techniques afind'éviter « de favoriser ou d'éliminer certainsopérateurs économiques ou certains produits ».Pour une application, v. TA Lille, ord. réf., 29 déc.2010 : Legalis.net.
(3) Sur cette pratique du city branding, v. La marqueet le territoire, dossier Marketing Magazine,avril 2011, n° 48.
(4) V. par exemple l'action intentée par le titulairede la marque Autoliberté contre la marqueAutolib' détenue par la Ville de Paris, Tgi Paris,11 mars 2011 : Pibd 2011, n° 943, III, p. 471.V. aussi, CA Aix-en-Provence, 20 oct. 2010 : RG09/17123 (dépôt de la marque Festival mondialde l'image sous marine par la Ville d'Antibes enviolation des droits d'une association).
(5) Pour une présentation générale, D. Frochot,Propriété intellectuelle et droit de l'informationappliqués aux collectivités territoriales,Territorial Éditions, 2006, p. 171.
(6) Sur ce principe, A. Bouvel, Principe de spécialitéet signes distinctifs, Litec, Irpi, 2004.
(7) C. Buhl, Le droit des noms géographiques,Litec, Ceipi, 1997, p. 99.
(8) G. Bonet, « La marque constituée par un nomgéographique en droit français », Jcp éd. E 1990,I, 15931.
(9) J. Lacker, Paris impossible ? La collectivité, lamarque et le nom de domaine, à chacun sa place,Rldi 2007/31, n° 1027.
(10) S. Durrande, La boussole et la boule de cristal.Quelques observations sur le choix d'un nomgéographique comme marque, Mélanges Bonet,Litec, Irpi, 2010, p. 171.
(11) A.-S. Cantreau et C. Salomon, « Le nom descollectivités territoriales : une protection renforcéeen France par l'enregistrement à titre de marque »,Gaz. Pal. 23 oct. 2010, n° 296, p. 22.
(12) La déchéance est encourue par le titulairefaute d'un usage sérieux de sa marque pendantune période de cinq années, sanction que prévoitégalement l'art. 15 du Règlement sur lamarque communautaire (Rmc). Sur ce risque, v.A. Chéron, « Une collectivité peut-elle déposer lenom de sa commune ou le numéro de son départementen tant que marque ? », Ajct 2011, p. 228.
(13) CE, 16 août 1862 : Rec. 1862, p. 679.
(14) En ce sens, Cass. com., 23 juin 2009, Bil Toki :D. 2009, p. 1967 ; Légipresse 2009, n° 267, III,p. 233, J. Canlorbe. La liste des signes réservésà laquelle renvoie l'article 6 ter de la Conventiond'Union de Paris visé par le Cpi et le Rmc estune liste fermée. Leur protection est particulièrementefficace puisque, en l'absence d'uneautorisation de l'autorité compétente, l'Officed'enregistrement est tenu de refuser la délivrancede marques constituées par de tels signes : v. parexemple, Cjce, 16 juill. 2009, aff. C-202/08 P etC-208/08 P, American Clothing, au sujet de lafeuille d'érable, emblème du Canada.
(15) Sur les conditions d'adoption de ce texteet la réticence de l'Assemblée Nationale à son introduction en droit français, v. F. Fajgenbaum etT. Lachacinski, « Paris l'été : avis de beau tempspour la capitale française et les collectivités territoriales», Propr. intell. 2008, n° 27, p. 172 ; J-ClMarques, fasc. 7110, n° 78.
(16) Proposition de loi n° 3144 enregistrée à laPrésidence de l'Assemblée nationale le 13 juin2006 « visant à renforcer la protection du chiffresymbole des collectivités territoriales en modifiantle Code de la propriété intellectuelle ».
(17) Cass. com., 23 juin 2009, précit.
(18) Cass. com., 6 mai 2008, n° 06-22.144 : danscet arrêt, la Cour de cassation censure la Courd'appel pour n'avoir pas recherché si ce nom« n'était pas indissociable de celui de la villede Nice, en raison de ce que cette dernière, propriétairedu site La Victorine depuis 1961, et surlequel étaient exploités depuis 1919 les studiosde cinéma La Victorine, s'était toujours attachéeà maintenir cette activité et sa réputation internationale».
(19) Pour les armoiries d'une ville, CA Nîmes,12 août 1996 : Juris-data n° 113612.
(20) F. Pollaud-Dulian, La Propriété industrielle,Economica 2011, n° 1412.
(21) Ce qui devrait normalement le soustraire auprincipe de spécialité des signes distinctifs
(22) Tgi Paris, 11 oct. 2006 : Pibd 2006, n° 842,III, p. 819. Dans le même sens, Tgi Paris, 14 mars2007 : Pibd 2007, n° 855, III, p. 458 (à propos dudépôt de la marque Paris 2012) ; Tgi Paris, 6 juill.2007 : Pibd 2007, n° 861, III, p. 646 (relevant quela marque Paris sans fil est susceptible de créerun « risque d'association » avec les activités de laVille de Paris dans le domaine des nouvelles technologiesde l'information et de la communication,et notamment dans le développement du haut ettrès haut débit et du système wifi).]
(23) V. les exemples cités J.-Cl. Marques, fasc.7110, n° 80.
(24) Davantage qu'un droit exclusif sur son nomc'est, suivant la formule d'un auteur, un « droit depriorité » sur son enregistrement qu'offre l'articleL.711-4, h) du Cpi à la collectivité territoriale :J. Larrieu, « Un an de protection des noms decommunes », Propr. industr. 2008/4, n° 3.
(25) Cass. com., 23 juin 2009, précit.
(26) Sur la question de l'adoption par des sociétésprivées de noms commerciaux proches ou identiquesde sigles d'organismes officiels, v. Questionécrite AN n° 98152 : Pibd 2011, n° 940, I, p. 66.
(27) Cpce, art. 45-2 nouveau issu de la loi n° 2011-302 du 22 mars 2011, elle-même adoptée enraison de la déclaration d'inconstitutionnalité prononcéepar le Conseil constitutionnel le 6 octobre2010 de l'article L. 45 ancien relatif à l'attributiondes noms de domaine sur Internet.
(28) Cpce, art. R. 20-44-43, modifié par le toutrécent décret n° 2011-926 du 1er août 2011.
(29) V. ainsi les interrogations de la doctrine spécialisée: J. Passa, Traité de droit de la propriétéindustrielle, T. 1, Lgdj, 2e éd., 2009, n° 163 ;F. Pollaud-Dulian, op. cit., n° 1412.
(30) CA Montpellier, 4 févr. 2003, Juris-datan° 212040 (Rennes le Château).
(31) CA Paris, 1er fév. 2006 : Pibd 2006, n° 827,III, p. 256 (Courchevel) ; Tgi Paris, 11 mars 2010(Paris Essor) : RG 09/16538.
(32) Cass. com., 23 juin 2009, précit., et sur renvoi,CA Toulouse, 31 mai 2011 : Pibd 2011, n° 945,III, p. 538.
(33) CA Paris, 13 mai 2011 : PIBD 2011, n° 944,III, p. 502 (Les Forges de Belleville).
(34) S. Durrande, J-Cl Marques, fasc. 7110, n° 84.
(35) CA Paris, 12 déc. 2007 : Gaz. Pal. 24 avr.2008, n° 115, p. 41, L. Tellier-Loniewski etA.-S. Cantreau. Sur cet arrêt, v. également,F. Fajgenbaum et T. Lachacinski, précit.
(36) CA Paris, 26 septembre 2008 : RG 08/06434.
(37) Rmc, art. 8.4.
(38) Cette procédure se déroule par échange d'observationsdevant l'Inpi. Elle permet d'éviterles lourdeurs et les lenteurs d'une procédurejudiciaire et présente l'avantage d'être bienplus économique. En ce sens, F. Fajgenbaum etT. Lachacinski, précit.
(39) Outils dont l'efficacité a été renforcée par laLoi n° 2007-1544 du 29 oct. 2007 dite de luttecontre la contrefaçon.
(40) Sanctionnant l'adoption par une société de ladénomination sociale Paris Plage en violation desdroits de la Ville de Paris : Tgi Paris, 3 mai 2006(disponible sur le site Légifrance).
(41) Cpi, art. L. 713-2 et L. 713-3 et Rmc, art. 9.Sur la distinction entre la contrefaçon par reproductionet la contrefaçon par imitation qui supposela démonstration du risque de confusion, v.J. Passa, op. cit., n° 246 et 288.
(42) J. Passa, « Les conditions générales d'uneatteinte au droit sur une marque », Propr. industr.2005/2, Étude 2.
(43) N. Olszak, « L'appellation d'origine, un biensublime ? », Mélanges Simler, Litec - Dalloz,2006, p. 777.
(44) Cass. com., 20 nov. 2007 : Pibd 2008, n° 866,III, p. 41. En ce sens, v. aussi, plus ancien, CANancy, 21 févr. 1980 : Pibd 1980, n° 279, III,p. 227, pourvoi rejeté par Cass. com., 17 mai1982 : Pibd 1982, n° 312, III, p. 238.
(45) Tgi Paris, 11 oct. 2006 : Pibd 2006, n° 842, III,p. 819. Dans ce jugement, le tribunal relève aussique l'extension des activités de nettoyage d'unecollectivité territoriale ne justifie pas l'interdictionfaite aux entreprises déjà présentes sur ce marchéde poursuivre leurs activités sous leur dénomination,ce qui constituait peut-être un motif pluslégitime de rejet de l'action en contrefaçon. Dansun sens comparable, v. aussi, CA Paris, 9 avril2008 : RG 07/15740, et Tgi Paris, 3 nov. 2006,dans lequel le Tgi de Paris a refusé de considérerle signe Paris l'été comme une imitation de la marqueParis-Plage détenue par la Ville de Paris (citépar F. Fajgenbaum et T. Lachacinski, précit.).
(46) CA Versailles, 13 sept. 2007 : Propr. industr.2007/12, comm. 95, P. Tréfigny.
(47) Dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 dite de « simplification dudroit ».
(48) Cpi, art. R. 716- 12, L. 717-4, R. 717-11 etCoj, art. D. 211-6-1 et R. 211-7. La toute récenteproposition de loi n° 525 du sénateur Béteille du17 mai 2011 va dans le sens d'une accentuation decette spécialisation.
(49) T. confl., 2 mai 2011, req. n° 3770, Stéd'équipements Urbains c/ Frameto et Cmne deOuistreham : Propr. industr. 2011/6, comm. 50,Concl. Com. Gvt. J.-D. Sarcelet ; D. actualités,13 mai 2011, retenant la compétence du juge judiciairepour connaître d'une action en contrefaçondirigée contre une Commune et son fournisseur,peu important que les objets litigieux aient étéfournis à celle-ci en exécution d'un marchépublic et que la responsabilité des collectivitésterritoriales soit en principe soumise à un régimede droit public.
(50) V. récemment, reconnaissant la compétencedu tribunal de commerce à propos d'une actionen référé pour violation d'une obligation d'uncontrat de licence de brevet, Cass. com., 7 juin2011 : Pibd 2011, n° 945, III, p. 517.
(52) C. Cottier, « Le juge administratif et leslitiges sur les oeuvres de l'esprit », RIDA 2011,n° 227, p. 5, et récemment : CE, 27 avril 2011,req. n° 314577.