La question de la réutilisation des informations issues du secteur public est l'objet d'un intérêt renouvelé. La formulation d'un discours favorable à l'ouverture des fonds informationnels du secteur public émanant des réutilisateurs eux-mêmes, des associations, des journalistes, ou bien encore des géants de l'Internet et de l'informatique militent activement pour l'Open data. Par ailleurs, deux textes importants sont venus afficher les ambitions nouvelles de la politique gouvernementale en faveur de la réutilisation des données publiques. Dans ce programme d'action, le droit occupe une place relativement marginale. Placés sous le signe de l'Open Data, le décret du 21 février 2011 et la circulaire du 26 mai 2011 qui l'accompagne créent la mission Etalab chargée de constituer le portail unique des informations publiques de l'État. Ce principe d'ouverture des données publiques ne concerne en réalité seulement certaines d'entre elles et soulève nombre d'interrogations quant à leur mise à disposition par l'accès ou la diffusion. Le décret du 26 mai 2011 pose un principe de gratuité des informations publiques. Le texte, en vérité, rend plus difficile la tarification, mais ne l'empêche pas et ne remet aucunement en cause la commercialisation des données publiques.
Laurent TERESI
Maître de conférences à l'IUT Paul Sabatier (Toulouse 3)
1er février 2012 - Légicom N°47
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(2) Lignes directrices de la Commission européennesur la synergie secteur public secteur privésur les marchés de l'information (1989).
(3) En France et en Europe en général, à la différencede la situation prévalant outre-Atlantique, cesont les services de l'État qui, suite à la constitutionde grandes bases de données publiques, ontcommencé à procéder à la diffusion de l'informationélectronique, soit qu'elle entrait dans le cadrede leurs missions, soit qu'elle en constituait leprolongement. V. sur cette évolution, M. Ronai,« De l'activisme informationnel à la régulation »,in Exploiter les données publiques, Le communicateur,dossier n° 32, 1996, p. 12.
(4) V. par exemple, C. cass., com., 4 décembre2001, France Télécom c. SA Lectiel, Bull. civ. IV,n° 193, p. 184, comm. M. Malaury-Vignal,Contrats Concurrence Consommation, 2002,comm. 46 ; CE, 29 juillet 2002, Société Cegedim,Rec. p. 280, concl. Maugüe, Cjeg, 2003, n° 594,Droit Administratif, 2002, p. 9, note M. Bazex,Jcp E, 2003, p. 179, note J.-M. Bruguière ; CE,24 juillet 2006, Société Cegedim, concl. C. Vérot,Rjep/Cjeg, mai 2007, n° 642, p. 194, comm. B. duMarais, Concurrences 2007/1, p. 175.
(5) V. L. Teresi, Droit de réutilisation et exploitationcommerciale des données publiques, coll.Travaux du Ceric, La Documentation française,2011.
(6) Directive 2003/98 CE du Parlement européen etdu Conseil du 17 novembre 2003 concernant laréutilisation des informations du secteur public,Joue L. 345/90 du 31 décembre 2003. V. également,en matière d'information géographique, ladirective 2007/2 CE du Parlement européen et duConseil du 14 mars 2007, établissant une infrastructured'information géographique dans la communautéeuropéenne, Joue, L. 108/1 du 24 mai2007.
(7) Ce qui était d'ailleurs largement prévisible. Leconstat était déjà fait en 2007 (M. Levy et J.-P.Jouyet, L'économie de l'immatériel, la croissancede demain, La Documentation française, 2007,p. 124). Et la Commission européenne a annoncéle 9 septembre 2010 une nouvelle consultation surles modifications éventuelles à apporter à la directive2003/98, en partant du l'observation habituellesuivant laquelle les données publiques ne setrouvent pas exploitées de manière optimale.
(8) À quoi il faut rajouter des difficultés objectivesde mise en oeuvre, les administrations étant peuhabituées à connaître et traiter ce genre dedemandes.
(9) R. Lacombe, P.-H. Bertin, F. Vauglin etA. Viellefosse, Pour une politique ambitieuse desdonnées publiques : les données publiques auservice de la transparence et de l'innovation,13 juillet 2011. Les auteurs du rapport notent quela problématique a émergé récemment ; ce n'estbien sûr pas le cas. V. également le manifeste« Open Data : les données publiques nous appartiennent» sur le site de l'Ifrap (http://www.ifrap.org/Manifeste-Open-Data-Les-donneespubliques-nous-appartiennent,12159.html) oùl'on peut lire que « l'opinion publique réclameune ouverture des données généralisée ».
(10) Ce n'est là que l'un des aspects de l'« Open-Governement », un mouvement issu de la sphèreInternet et des technologies et qui tend à appliqueraux affaires publiques les principes qui sont aucoeur de l'Open-Source. V. Lacombe (R.) et alii,Pour une politique ambitieuse des données publiques: les données publiques au service de latransparence et de l'innovation, préc. p. 25.
(11) Le portail Open Data, qui regroupe un ensemblede données issues de l'administration fédérale,est mis en ligne date du 21 mai 2009 auxÉtats-Unis. Au Royaume-Uni, un portail similaireest ouvert le 30 septembre 2009.
(12) La Fing (fédération Internet nouvelle génération),LiberTIC ou encore l'association Regardscitoyens expriment à travers des études, articles etmême parfois des sites regroupant des donnéespubliques leur engagement pour l'ouverture desdonnées publiques.
(13) Le journalisme de données (data journalism)commence à se développer en France. À ce titre,il convient de signaler que la Commission d'accèsaux documents administratifs a été saisie à plusieursreprises par des journalistes qui se voyaientrefuser la communication de séries de donnéesaux fins de réutilisation.
(14) En dehors du rapport précité, v. Les donnéespubliques un nouvel eldorado, Regards sur l'actualité,avril 2011, La Documentation française,juillet 2011 ; v. le dossier consacré par La Gazettedes communes à la question (http://www.lagazettedescommunes.com/dossiers/reutilisation-desdonnees-publiques-des-promesses-vertigineuses/)
(15) À lire le texte de la circulaire du 26 mai 2011,on serait en présence d'une véritable révolutionculturelle, inimaginable il y a quelques annéesseulement. Qu'on en juge : « la réutilisation libre,facile, gratuite des informations publiques est unlevier essentiel pour favoriser la dynamique d'innovation( ) la créativité des développeurs et desentrepreneurs ne saurait se heurter à des cloisonstrop artificielles qui ont trop souvent constitué desfreins de l'innovation dans notre pays ( ) Cettestratégie d'ouverture des données publiques(Open data) illustre l'ambition de la politiqueindustrielle et d'innovation du Gouvernement.»
(16) Décret n° 2011-194 du 21 février 2011 portantcréation d'une mission « Etalab » chargée de lacréation d'un portail unique interministériel desdonnées publiques, Joel, 22 février 2011, texten° 2 ; Circulaire du 26 mai 2011, relative à lacréation du portail unique des informations publiquesde l'État « data.gouv.fr » par la mission« Etalab » et l'application des dispositions régissantle droit de réutilisation des informationspubliques.
(17) Décret n° 2011-577 du 26 mai 2011, relatif àla réutilisation des informations publiques détenuespar l'État et ses établissements administratifs,Joel, 27 mai 2011, texte n° 3.
(18) V. le portail, Data-Rennes (http://www.data.rennes-metropole.fr/)
(19) V. le portail ParisData (http://opendata.paris.fr/opendata/jsp/site/Portal.jsp)
(20) Il serait trop long de recenser toutes ces initiatives,mais les villes de Nantes, de Marseille ou deToulouse se sont engagés dans des processussimilaires. Pour les ministères, v. la démarchepionnière du ministère de la Justice qui a constituérépertoire des information publiques (http://www.rip.justice.fr/) et donné naissance pour l'occasionà la licence libre Information Publique.
(21) V. dossier de La Gazette des communes, préc.Aux États-Unis, où le mouvement est né, il s'estheurté aux contraintes budgétaires. Les créditsconsacrés au développement du portail ont par lasuite été nettement diminués.
(22) V. F. Reister, Amélioration de la relationnumérique à l'usager, rapport issu des travaux dugroupe expert numérique, La Documentationfrançaise, septembre 2011.
(23) Le livre vert sur l'information du secteurpublic, évoquait déjà ces deux aspects (Livre vertsur l'information émanant du secteur public dansla société de l'information, l'information émanantdu secteur public : une ressource clef pour l'Europe,COM(1998)585.)
(24) H. Maisl, Droit des données publiques, coll.Systèmes, Litec 1996, p. 135
(25) Encore qu'on puisse s'interroger sur le caractèreartificiel ou accessoire de l'argument relatif àla transparence lorsqu'il est mis en avant par desopérateurs du secteur privé.
(26) V. les premières études commanditées par laCommission européenne (Pira international,Commercial Exploitation of Europe's PublicSector Information, 2001)
(27) V. particulièrement les 16 propositions durapport R. Lacombe, et alii, Pour une politiqueambitieuse des données publiques : les donnéespubliques au service de la transparence et del'innovation, préc.
(28) Cependant, le rapport pour l'année 2010 duConseil d'orientation de l'édition publique et del'information administrative, fait le point sur lesprincipales interrogations suscitées par la valorisationde l'information publique
(29) Dans un récent conflit opposant les archivesdépartementales à une entreprise qui exploite unsite Internet de généalogie, les archivistes se sont,à juste titre, inquiétés de l'utilisation qui pourraitêtre faite des données à caractère personnel. V.Cada, avis n° 20103177, Président du Conseilgénéral de l'Allier ; Cnil, Délibération n° 2010-460 du 9 décembre 2010 portant recommandationrelative aux conditions de réutilisation des donnéesà caractère personnel contenues dans desdocuments d'archives publiques.
(30) Pour les militants de l'Open Data, elle setrouve simplement résolue par l'indisponibilitédes données personnelles.
(31) N. Kayser-Bril, « Pour un Open Data des usagers», (http://owni.fr/2011/02/21/pour-un-opendata-des-usagers/).
(32) Ibid. L'auteur estime, et l'idée est intéressante,que les catalogues de données représentent uneavancée, mais ils ne relèvent pas d'une démarchede transparence. « Avec les catalogues, l'administrationdécide toujours de ce qui est public et de cequi reste sous clé ( ) l'approche par l'offre tellequ'on la pense aujourd'hui est porteuse d'inégalités( ) les lobbyistes de l'Open Data demandent àl'administration de dépenser l'argent du contribuablepour créer des bases de données. Or celles-ci ont vocation à être utilisées en priorité par les lobbyistes de l'Open Data. Le contribuable quipaye pour la mise en ligne des données n'est pas leprincipal bénéficiaire de l'opération ».
(33) Au Royaume-Uni, la transposition de la directiven'a pas donné lieu à la mise en place d'uneobligation de mise à disposition.
(34) Cada, conseil n° 20072651 du 5 juillet 2007,ministre de l'Agriculture et de la Pêche, à proposde la protection de la vie privée et du secret desaffaires.
(35) Cada, avis n° 20083074 du 31 juillet 2008,Recteur de l'académie de Paris.
(36) Cada, conseil n° 20083077 du 31 juillet2008, Président du Conseil général du Lot.
(37) Cada, conseil n° 20064952, 23 novembre2006, Préfet de la Vienne, à propos de la communicationdes informations recensées dans le fichierdes cartes grises.
(38) Cada, conseil n° 20066377 du 14 septembre2006, Président de la Communauté d'agglomérationdu grand Toulouse, relativement à la communicationde photographies numérisées issues d'unmarché public et sur lesquelles les tiers détiennentdes droits de propriété intellectuelle (v. également,Cada, conseil n° 20070034, 5 avril 2007,Communauté urbaine Marseille ProvenceMétropole). La question du droit d'auteur desagents publics se pose donc avec une importanceparticulière dans ce contexte. La loi du 1er août2006 sur les droits d'auteurs et droits voisins dansla société de l'information bouleversait les équilibresantérieurs et mettait en place un régime difficileà interpréter, cependant les décretsd'application n'ont, à notre connaissance, toujourspas été publiés. V. M. Vivant et J.-M. Bruguière,Droit d'auteur, coll. Précis, Dalloz 2009. V. également,L. Teresi, Droit de réutilisation et exploitationcommerciale des données publiques, préc.
(39) Cada, Conseil n° 20063038 du 29 juillet2006, Président du Conseil générale de l'Isère ;plus récemment Cada, 200990221, du 15 janvier2009, Président du Conseil régional des Pays-de-Loire.
(40) Cada, conseil n° 20071442, juillet 2007,Agence départementale de l'aide aux collectivitéslocales des landes, même si la Cada interprète demanière plus restrictive les exceptions sous a) etc) de l'article 10.
(41) Cada, conseil n° 20082643 du 31 juillet2009, Président du Conseil général de la Loire.
(42) V. lettre d'information de la Cada, du 5 mai2010, où l'on peut lire « les établissements culturelsne disposent pas d'un pouvoir discrétionnaireleur permettant d'apprécier l'opportunité de fairedroit ou non à une demande de réutilisation. »
(43) Cada, conseil n° 20082643 du 31 juillet2009, Président du Conseil général de la Loire,« il résulte qu'il appartient à ces services de définirleurs propres règles de réutilisation, dans lerespect, d'une part, des dispositions législatives etréglementaires en vigueur, notamment la loi du6 janvier 1978 en ce qui concerne les données àcaractère personnel et le code de la propriétéintellectuelle, et d'autre part, des principes générauxdu droit (principe d'égalité devant le servicepublic) et des règles dégagées par le juge notammenten matière de fixation de redevances pourréutilisation. Ces règles peuvent utilement s'inspirerdu chapitre II du titre Ier de la loi du17 juillet 1978 ».
(44) Cette dernière disposition ne jouant pas quepour l'avenir, mais aussi pour le passé, nombre debases de données publiques contenant des donnéespersonnelles avaient été rendues accessiblespar voie réglementaire, la pratique avait d'ailleursété validée par la Cnil. V. L. Teresi, Réutilisationet exploitation commerciale de l'informationpublique, préc.
(45) Dans sa lettre d'information n° 7 de juillet2009, La Commission d'accès aux documentsadministratifs évoquait « les interrogations » desservices administratifs « sur la possibilité de diffuseret de laisser réutiliser ou non certains documents,et selon quelles modalités ».
(46) L'article 18 de la loi du 17 juillet 1978 établissant,en cas de violation des conditions de réutilisationfixées à l'article 12 de la loi ou d'unelicence de réutilisation, des pénales.
(47) Il est vrai toutefois que de tels mécanismesinstitutionnels n'existent pas forcément dans lespays qui ont fait le choix de libérer leurs données.Au Royaume-Uni, l'Opsi (Office of Public SectorInformation) dispose uniquement d'un pouvoir derecommandation.
(48) Cada, avis n° 20112919, 27 juillet 2011,Président de la Communauté urbaine de Nantes,à propos de la communication des plans dezonage du Plu diffusés sous format pdf et dont leréutilisateur demandait la communication sous unformat exploitable. On observera encore que lacommunication de données publiques à travers unservice ou un produit à valeur ajouté n'entravepas la possibilité de demander la communicationdes données non enrichies à l'administrationCada, avis n° 20060864 du 16 février 2006,Mairie de Paris, à propos d'un CD-Rom commercialisépar la ville de Paris et contenant des donnéesenrichies par rapport aux noms des ruesauxquelles le demandeur voulait accéder.
(49) Décret n° 2011-194 du 21 février 2011 portantcréation d'une mission « Etalab » chargée dela création d'un portail unique interministérieldes données publiques, Joel, 22 février 2011,texte n° 2.
(50) Préc.
(51) V. S.-F. Servière, « La gratuité des donnéespubliques ne doit pas être virtuelle », http://www.ifrap.org/La-gratuite-des-donnees-publiques-nedoit-pas-etre-virtuelle,12140.html
(52) Décret n° 2005-1755 du 30 décembre 2005relatif à la liberté d'accès aux documents administratifset à la réutilisation des informations publiques,pris pour l'application de la loi n° 78-753 du17 juillet 1978, JO du 31 décembre 2005,p. 20827
(53) Et la question se pose dans les mêmes termesdans d'autres États de l'Union européenne. AuRoyaume-Uni, la plupart des diffuseurs publicsinstitutionnels sont appelés à s'autofinancer. Lamise à disposition, contre rémunération, de donnéespubliques représente une ressource budgétaireimportante. La récente ouverture des donnéespubliques a d'ailleurs occasionné plusieurs difficultésde mise en place dans un contexte de restrictionsbudgétaires. V. Lacombe et alii, Pour unepolitique ambitieuse des données publiques : lesdonnées publiques au service de la transparenceet de l'innovation, préc.
(54) V. pour une analyse complète de la question,L. Teresi, Droit de réutilisation et exploitationcommerciale des données publiques, préc.
(55) Décret du 22 novembre 2004, relatif à l'institutde géographie nationale, JO du 24 novembre2004, p 19876. Terneyre (P.), « le nouveau statutde l'institut de géographique national ou commentle droit de la concurrence vient s'immiscerdans tous les secteurs de l'action publique. » Rev.Lamy de la concurrence, n° 2, février 2005,p. 49.
(56) CE, ass., 10 juillet 1996, Société Direct MailPromotion, Rec. p. 227, concl. M. Denis-Linton,Rfda 1996.p. 11 ; note H. Maisl, Ajda 1996, p. 89.
(57) CE, ass., 16 juillet 2007, Syndicat national dedéfense de l'exercice libéral de la médecine àl'hôpital, Ajda 2007, p. 1807, note J. Boucher etB. Bourgeois-Machureau.