Rentrer des mots-clés sur un moteur de recherche Internet est un acte de la vie quotidienne, banalisé mais pas neutre Les résultats sont souvent pertinents, fournissant notamment des sites et liens hypertextes. Ils renvoient vers des entreprises qui payent le bon référencement sur la première page: il s'agit des « liens commerciaux sponsorisés » ou « promotionnels ». Les entreprises exploitant les moteurs de recherche commercialisent donc des mots ou signes qui deviennent ainsi des motsclés mis à la disposition des annonceurs. Logiquement, différents litiges ont opposé les titulaires de marques enregistrées aux moteurs de recherche et aux entreprises qui réservent des mots-clés correspondant à de telles marques. La nouvelle économie issue de l'Internet soulève ainsi la question de savoir si la mise à disposition, l'aide à la sélection ainsi que la réservation de ces mots-clés, constituent ou non des actes de contrefaçon de marque et, dans l'affirmative, quels sont les responsables. Cette épineuse question suppose que l'on s'intéresse aux rôles joués par les hébergeurs de contenus, et de se demander si l'exonération de responsabilité prévue en leur faveur peut bénéficier aux moteurs de recherche.
François CORONE
Docteur en droit Avocat à la Cour
1er avril 2010 - Légicom N°44
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(1) Note de l'éditeur: Cet article, rédigé avant le23 mars 2010 ne tient pas compte de l'arrêt rendupar la Cour de l'Union européenne à cette date,dans les affaires opposant Google aux sociétésLouis Vuitton, Viaticum et CNRRH.
(2) Il s'agit notamment d'AdWords pour Google etd'AdCenter pour MSN.
(3) Il peut notamment être interdit, si les conditionsénoncées au paragraphe 1 sont remplies( )d) d'utiliser le signe dans les papiers d'affaires etla publicité».
(4) T. Rabant et M. Berguig, « Moteurs derecherche et liens sponsorisés: quand la jurisprudencese cherche », Légipresse n° 252, juin2008, II, p. 83.
(5) Nous n'envisagerons dans cette étude que laresponsabilité des moteurs de recherche au regarddu droit des marques. Leur responsabilité peutaussi se poser sous l'angle de la responsabilitécivile laquelle a été retenue par un certain nombrede décisions ou encore de la publicité trompeuse.Voir à titre d'exemples: Paris, 4e Ch. Section A,28 juin 2006, Google France et Google Inc / LouisVuitton Malletier qui condamne Google tout à lafois au titre de la contrefaçon de marque, de laconcurrence déloyale et de la publicité trompeuse;TGI Paris, 3e Ch. 3e section, 7 janvier 2009,Voyageurs du Monde et Terre d'Aventure /Google et autres qui condamne Google sur le fondementde l'article 1382 du Code civil et retientégalement la publicité trompeuse ; TC Paris,24 novembre 2006, One Tel c/ Google France,Google Inc et Olfo qui retient la responsabilitécivile de Google.
(6) Cass. com 20 mai 2008, Google France etGoogle Inc / Louis Vuitton Malletier, arrêt n° 609FS-D; Google France / Cnrrh, n° 611 FS-FB etGoogle / Viaticum et Luteciel, arrêt n° 610 FS-B).
(7) Décision de la Cour Suprême autrichienne du26 juin 2008, Aff. C-278/08 dont les questionscomplètent celles posées par la Cour de cassation.
(8) Décision de la Hoge Raad des Pays-Bas du17 décembre 2008, Aff. C-558/08, JO du 7 mars2009.
(9) Conclusions de l'avocat général, M M PoiaresMaduro, présentées le 22 septembre 2009 dans lesaffairesC- 236/08, C-237/08 et C-238/08.
(10) Arrêts Arsenal Football Club du 12 novembre2002, C-206/01, point 51, Anheuser-Busch du16 novembre 2004, C-245/02, point 59 et AdamOpel du 25 janvier 2007, C-48/05, point 21.
(11) Arrêt L'Oréal du 18 juin 2009, C-487/07,point 59.
(12) Voir arrêt Céline du 11 septembre 2007,point 17 (C-17/06, Rec. p. I -7041) et arrêt ArsenalFootball Club du 12 novembre 2002 (C-206/01, Rec. p.I -10273).
(13) J. Passa, «Les conditions générales d'uneatteinte au droit sur la marque», Propr. Indus.,février 2005, p. 8.
(14) Dans ses conclusions présentées devant laCJUE, l'avocat général, Monsieur Poiares constateque le service offert aux annonceurs par Google àtravers AdWords relève bien d'une activité commerciale,nonobstant le fait que la rémunérationn'intervient qu'à un stade ultérieur et conclu quel'usage est donc bien établi.
(15) TGI Nanterre, 13 octobre 2003, Légipressen° 208, III, p. 13, Viaticum et Luteciel / GoogleFrance, commentaire M-E Haas et L. Tellier-Loniewski, affaire «bourse des vols».
(16) Versailles, 12e Ch. Section 1, 10 mars 2005,Google / Viaticum et Luteciel. La Cour de Versaillesa repris la même solution dans son arrêt du23 mars 2006, Google / Cnrrh à propos de l'usagede la marque «Eurochallenges».
(17) Paris, 4e Ch. Section A, 28 juin 2006, GoogleFrance et Google Inc / Louis Vuitton Malletier.
(18) Aix en Provence, 2e Ch., 6 décembre 2007,TWD Industries / Google France et Google Inc.
(19) TGI Paris, 3e Ch. 2e section, 14 mars 2008,Citadines / Google France et Google Inc.
(20) Paris, 4e Ch. Section B, 1er février 2008,Gifam et autres / Google
(21) TGI Paris 3e Ch. 2e section, 8 décembre 2005,Kertel / Google et Cartephone.
(22) TGI Paris, 3e Ch. 1re section, 31 octobre 2006,Iliad / Google et Helios Sercice. Voir égalementTGI Paris, 3e Ch. 3e Section, 12 juillet 2006,GIFAM / Google France qui considère quel'usage que Google fait des mots-clés n'est pas unusage à titre de marque ce qui exclu la contrefaçon,seul l'annonceur effectuant cet usage.
(23) TGI Paris, 3e Ch. 3e section, 7 janvier 2009,Voyageurs du Monde, Terres d'Aventure / Googleet autres. Le Tribunal retient en revanche la responsabilitéde Google, sur le fondement des dispositionsde l'article 1382 du Code civil, qui commetune faute «en ne vérifiant pas après le choixpar l'annonceur d'un mot-clé constituant unemarque ou une dénomination sociale ou un nomde domaine que cette utilisation par l'annonceurest licite tant au regard du droit des marquesqu'au regard des règles de loyauté ducommerce.».
(24) Ainsi, à quelque mois d'intervalle, des solutionstotalement divergentes ont été données parla même juridiction composée, il est vrai, dansdes formations différentes.
(25) Versailles, 12e Ch. Section 1, 24 mai 2007,Google France / SAS Des Hôtels Méridien, RG:06/03009.
(26) Cass. com. 20 mai 2008 précités.
(27) CJUE 25 janvier 2007, C-48/05, point 29.
(28) Cass. com. 20 mais 2008, Google/ Viaticum etLuteciel. La même question est posée par la Courde cassation dans les deux autres arrêts rendus le20 mai 2008 dans les affaires CNRRH et LouisVuitton si ce n'est que dans cette dernière la questionest posée dans le cadre de liens renvoyantvers des sites sur lesquels sont proposés des produitscontrefaisants.
(29) Les paragraphes 1 et 2 de l'article 9 du règlementn° 40/94 sont l'équivalent, concernant lesmarques communautaires, de l'article 5 de ladirective 89/104: «1. La marque communautaireconfère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaireest habilité à interdire à tout tiers, en l'absencede son consentement, de faire usage dans lavie des affaires: a) d'un signe identique à lamarque communautaire pour des produits ou desservices identiques à ceux pour lesquels celle-ciest enregistrée; b) d'un signe pour lequel, en raisonde son identité ou de sa similitude avec lamarque communautaire et en raison de l'identitéou de la similitude des produits ou des servicescouverts par la marque communautaire et lesigne, il existe un risque de confusion dans l'espritdu public; le risque de confusion comprend lerisque d'association entre le signe et la marque;c) d'un signe identique ou similaire à la marquecommunautaire pour des produits ou des servicesqui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels lamarque communautaire est enregistrée, lorsquecelle-ci jouit d'une renommée dans la Communautéet que l'usage du signe sans juste motif tireindûment profit du caractère distinctif ou de larenommée de la marque communautaire ou leurporte préjudice.
(30) Conclusions de Monsieur Poiares Maduroprésentées le 22 septembre 2009, paragraphes 62et suivants.
(31) Paris 4e Ch., 28 juin 2006 et 1er février 2008préc.
(33) TGI Paris, 3e Ch. 2e section, 14 mars 2008,Citadines /Google et Faraday 24 et Fredy W.
(34) TGI Paris, 3e ch. 1re section, 31 octobre 2006,Iliad/ Google et Helios Service.
(35) TGI Paris, 3e Ch. 2e section, 22 février 2008,SA Idéo Technologies / JDEO Solutions et autres.
(36) Il s'agit d'enchères «en aveugle».
(37) Dans ses conclusions présentées à la CJUE,M. Poiares aboutit à cette conclusion mais pourune raison légèrement différente en considérantque l'usage fait par l'annonceur des mots-clés, estun usage privé, à ce stade. Cf. Conclusions précitées,paragraphe 150.
(38) Cass. com. 20 mai 2008, Google / Cnnrh etautres: «La réservation par un opérateur économique,par voie de contrat de référencementpayant sur Internet, d'un mot-clé déclenchant encas de requête utilisant ce mot, l'affichage d'unlien proposant de se connecter à un site exploitépar cet opérateur afin d'offrir à la vente des produitsou services, d'un signe reproduisant ou imitantune marque enregistrée par un tiers afin dedésigner des produits identiques ou similaires,sans l'autorisation du titulaire de cette marque,caractérise-t-elle en elle-même une atteinte audroit exclusif garanti à ce dernier par l'article 5de la première Directive 89/104/CEE du Conseildu 21 décembre 1988?». On relèvera toutefoisque la CJUE n'est pas limitée par le champ de laquestion.
(39) Décision de la Hoge Raad des Pays-Bas du17 décembre 2008, Aff. C-558/08, J.O du 7 mars2009.
(40) Dans son arrêt du 1er février 2008 précité, laCour de Paris s'attache toutefois à la phase d'affichageen attribuant un rôle actif au moteur derecherche: «c'est bien Google qui fait apparaîtreces marques à l'écran de l'internaute en associationavec les produits ou services, objets de l'interrogation».
(41) Arrêt 1er février 2008, Gifam et autres /Google, préc.; Versailles, 12e Ch. section 1,2 novembre 2006, Overture / Accor.
(42) TGI Paris, 3e Ch. 3e section, 7 janvier 2009, préc.
(43) Conclusions de M. Poiares, paragraphe 79.
(44) Le cas des marques utilisées dans le corps desannonces elles-mêmes ou sur les produits venduspar les sites des annonceurs étant une autre questiondont la CJUE n'est pas saisie par la HauteCour française.
(45) Conclusions de M. Poiares, paragraphe n° 84.
(46) Ibid., paragraphe n° 89.
(47) Il est intéressant de noter que la Cour de cassationdes Pays-Bas soulève ce point dans saquestion b.
(48) L'article 5, paragraphe 2, de la directive89/104 concerne la protection particulière quipeut être accordée aux marques renommées prévoit:«Tout État membre peut également prescrireque le titulaire est habilité à interdire à tout tiers,en l'absence de son consentement, de faire usagedans la vie des affaires d'un signe identique ousimilaire à la marque pour des produits ou desservices qui ne sont pas similaires à ceux pourlesquels la marque est enregistrée, lorsque cellecijouit d'une renommée dans l'État membre etque l'usage du signe sans juste motif tire indûmentprofit du caractère distinctif ou de la renomméede la marque ou leur porte préjudice.».L'article 713-5 du CPI prévoit ainsi: «La reproductionou l'imitation d'une marque jouissantd'une renommée pour des produits ou servicesnon similaires à ceux désignés dans l'enregistrementengage la responsabilité civile de son auteursi elle est de nature à porter préjudice au propriétairede la marque ou si cette reproduction ouimitation constitue une exploitation injustifiée decette dernière.»
(49) Conclusions précitées, paragraphe n° 113.M. Poiares met en balance les principes de laliberté d'expression et du commerce et les intérêtsdes titulaires de marques et s'appuie sur la licéitéde l'usage de la marque d'autrui à des fins purementdescriptives ou dans le cadre de la publicitécomparative.
(50) CJUE 18 juin 2009, Aff. C-487/07, L'oréal c.Bellure, point 63.
(51) Voir les décisions précitées: TGI Paris, 3e Ch.1re section, 31 octobre 2006; TGI Paris, 3e Ch. 2esection, 22 février 2008; TGI Paris, 3e Ch. 2e section,14 mars 2008; Versailles, 12e Ch. Section 2,23 mars 2006.
(52) Les questions posées par la Cour de cassationdes Pays-Bas à la CJUE concernent toutes le caractèrelicite ou non de l'utilisation de mots-clésreprenant des marques, par l'auteur de la publicité,en envisageant de nombreux cas.
(53) TGI Paris, 3e Ch. 1re section, 18 septembre2009, JCP Ed. Entreprise et Affaires, n° 48, 2109,p. 18, note Lucie Giret et Matthieu Bourgeois.
(54) Bien que concernant Google et non l'annonceur,on se rapproche ici de l'exigence probatoirequant à un effet réel du processus d'utilisation desmots-clés à titre publicitaire, manifestée par laCour de Versailles dans son arrêt précité du2 novembre 2006 dans l'affaire Overture/ Accord.
(55) Voir en ce sens les conclusions de l'avocatgénéral précitées, paragraphe 89 et suivantsdans le cas où l'annonce ne reproduit pas lamarque.
(56) Versailles, 12e Ch., section 2, 23 mars 2006,Google/Cnnrh, préc.
(57) À notre avis, la reprise de l'élément nominald'une marque semi figurative, en tant que motclé,devrait s'analyser comme l'usage d'un signeidentique à la marque, dès lors que l'élémentnominal est substantiel
(58) «1. Les États membres veillent à ce que, encas de fourniture d'un service de la société del'information consistant à stocker des informationsfournies par un destinataire du service, leprestataire ne soit pas responsable des informationsstockées à la demande d'un destinataire duservice à condition que:a) le prestataire n'ait pas effectivement connaissancede l'activité ou de l'information illicites et,en ce qui concerne une demande en dommages etintérêts, n'ait pas connaissance de faits ou de circonstancesselon lesquels l'activité ou l'informationillicite est apparenteoub) le prestataire, dès le moment où il a de tellesconnaissances, agisse promptement pour retirerles informations ou rendre l'accès à celles-ciimpossible.Par ailleurs l'article 2, sous a), de la directive2000/31 définit les «services de la société de l'information» par référence à l'article 1er, paragraphe2, de la directive 98/34 du 22 juin 1998,telle que modifiée par la directive 98/48 du20 juillet 1998 comme visant: «tout servicepresté normalement contre rémunération, à distancepar voie électronique et à la demande individuelled'un destinataire de services». Et l'article1er, paragraphe 2, de la directive 98/34modifiée précise: «Aux fins de la présente définition,on entend par les termes: à distance': un service fourni sans que les partiessoient simultanément présentes, par voie électronique': un service envoyé àl'origine et reçu à destination au moyen d'équipementsélectroniques de traitement (y compris lacompression numérique) et de stockage de données,et qui est entièrement transmis, acheminé etreçu par fils, par radio, par moyens optiques oupar d'autres moyens électromagnétiques, à la demande individuelle d'un destinatairede services': un service fourni par transmissionde données sur demande individuelle».
(59) TGI Strasbourg, 20 février 2007, Atry /Google.À noter que dans une décision du 15 décembre2009, concernant la plateforme de vente auxenchères eBay, la même juridiction a fait bénéficiercelle-ci du régime exonératoire de responsabilitéréservé aux prestataires techniques, TGIStrasbourg, 15 décembre 2009, www.legalis.net.
(60) Voir notamment Paris 28 juin 2006, Versailles23 mars 2006, Aix 6 décembre 2007 et Paris1er février 2008, préc.
(61) Cass. com. 20 mai 2008, Arrêt n° 609 FS-D:«Dans l'hypothèse où un tel usage ne constitueraitpas un usage susceptible d'être interdit par letitulaire de la marque, en application de la directiveet du règlement, le prestataire de service deréférencement payant peut-il être considérécomme fournissant un service de la société del'information consistant à stocker des informationsfournies par un tiers destinataire du serviceau sens de l'article 14 de la Directive 2000/31 du8 juin 2000, de sorte que sa responsabilité nepourrait être recherchée avant qu'il ait étéinformé par le titulaire de marque de l'usage illicitedu signe par l'annonceur?».
(62) En ce sens T. Rabant et M. Berguig, «Moteursde recherche et liens sponsorisés: quand la jurisprudencese cherche », Légipresse n° 252, juin2008, II, p. 83.
(63) Conclusions de M. Poiares précitées, paragraphe136, qui se fonde sur une interprétation del'article 15 de la directive selon lequel: «1. LesÉtats membres ne doivent pas imposer aux prestataires,pour la fourniture des services visée auxarticles 12, 13 et 14, une obligation générale desurveiller les informations qu'ils transmettent oustockent, ou une obligation générale de rechercheractivement des faits ou des circonstancesrévélant des activités illicites.».