Le projet de loi «Création et Internet», appelé aussi «HADOPI », n'est pas neutre au regard du dispositif « Informatique et libertés ». Le droit d'auteur est confronté à la vie privée des internautes qui contribuent de par leur comportement à fragiliser le droit à la copie privée et à rendre public l'espace privé. Les ayants droit ne sont pas restés en marge de cette évolution, en officialisant le «traçage» et le «fichage» des internautes friands de téléchargement de fichiers protégés par le droit d'auteur. Le projet de loi «HADOPI» lisse les obstacles que constitue la protection des données personnelles en ouvrant des brèches dans le système de protection de la loi de 1978. En effet, le droit d'auteur vient alors imparfaitement réguler les données personnelles en renforçant le traçage des internautes et de leurs données de connexion, en légalisant de nouveaux fichiers sans en contrôler véritablement la finalité, et en identifiant bien imparfaitement les internautes dans le cadre de la fameuse «riposte graduée». Le dispositif issu de ce projet met en place des tolérances que l'on peut qualifier d'inacceptables si l'on s'en tient à la protection des données personnelles.
Nathalie Mallet-Poujol
Directrice de recherche au CNRS – ERCIM, UMR 5815 – Université de ...
1er mars 2009 - Légicom N°42
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(2) Projet de loi favorisant la diffusion et la protectionde la création sur Internet, n° 405, déposédevant le Sénat, le 18 juin 2008.
(3) Éditorial publié, le 6 juin 2008, sur www.numeram.com; v. aussi la position de l'Association desfournisseurs d'accès et de services Internet, AFA,Communiqué de l'AFA du 24 juin 2008.
(4) C. Bernault et autres, DADVSI 2, HADOPI, «Créationet Internet» De bonnes questions? De mauvaisesréponses, D. 2008, Point de Vue, p. 2290;v. aussi, H. Bitan, Premières observations sur le projetde loi «Création et Internet»: RLDI, juillet 2008,n° 1343; A. Gitton, «HADOPI- DADVSI II- Ripostegraduée»: RLDI, août-septembre, 2008, n° 1371.
(5) HADOPI, du nom du projet d'instauration d'unenouvelle autorité administrative indépendantedénommée «Haute Autorité pour la diffusion desoeuvres et la protection des droits sur Internet».
(6) V.-L. Benabou, «Droit d'auteur versus vie privée(et vice versa)»: Propriétés Intellectuelles,juillet 2005, n° 16, p. 269.
(7) A. Dietz, «Mutation du droit d'auteur: changementde paradigme en matière de droitd'auteur?»: RIDA, n° 138, octobre 1988, p. 23.
(8) V.-L. Benabou, «Droit d'auteur versus vie privée(et vice versa)»: Propriétés Intellectuelles,préc. p. 271.
(9) J. Frayssinet, «L'accouplement du droit de laprotection des données personnelles avec le droitd'auteur: la naissance d'un avorton, l'article 9-4°de la loi modifiée relative à l'informatique, auxfichiers et aux libertés», Légipresse, novembre2004, n° 216. II. p. 123; v. aussi J. Frayssinet,«Attention, en cas d'abus le SELL peut être dangereuxpour la contrefaçon de logiciels de jeux!»,Légipresse, mai 2005, n° 221. I. 75; v. aussiE. Derieux, «Internet et protection des donnéespersonnelles»: RLDI mai 2008, n° 1186.
(10) Le terme plus consensuel de «réponse» estdésormais préféré par le gouvernement à celui deriposte, v. l'exposé de Ch. Albanel devant le Sénat,le 29 octobre 2008, sur le site senat.fr/seances.
(11) Loi n° 2006-961 du 1er août 2006: JO 3 août.
(12) Rédaction légèrement modifiée par le Sénat,les 29 et 30 octobre 2008, dans les termes suivants:Art. L. 336-3 «La personne titulaire del'accès à des services de communication aupublic en ligne a l'obligation de veiller à ce quecet accès ne fasse pas l'objet d'une utilisation àdes fins de reproduction, de représentation, demise à disposition ou de communication au publicd'oeuvres ou d'objets protégés par un droit d'auteurou par un droit voisin sans l'autorisation destitulaires des droits prévus aux livres Ier et II lorsqu'elleest requise. Le fait, pour cette personne,de manquer à l'obligation définie au premier alinéapeut donner lieu à sanction, dans les conditionsdéfinies par l'article L. 331-25.»
(13) V. sur cette obligation de surveillance, lesréserves de la CNIL, selon lesquelles «le respect,par l'employeur, de l'obligation de sécurisationdes postes informatiques des employés comporteun risque de surveillance individualisé de l'utilisationd'Internet et appelle en conséquence desgaranties particulières sur les conditions de miseen oeuvre effective de cette obligation vis-à-vis desemployés concernés», CNIL Délibération n° 2008-101 du 29 avril 2008 portant avis sur le projet deloi relatif à la Haute autorité pour la diffusion desoeuvres et la protection des droits sur Internet(avis n° 08008030), document diffusé sur le sitede LaTribune.fr.
(14) D. Lefranc, « Le piratage déraciné ? » :D. 2008. Point de vue, p. 2087.
(15) Article L. 34-1, II. CPCE, modifié par la loin° 2006-64 du 23 janvier 2006 - art. 5: JO 24 janv.2006; v. aussi l'art. L. 34-1, III CPCE: III. Pourles besoins de la facturation et du paiement desprestations de communications électroniques, lesopérateurs peuvent, jusqu'à la fin de la périodeau cours de laquelle la facture peut être légalementcontestée ou des poursuites engagées pouren obtenir le paiement, utiliser, conserver et, lecas échéant, transmettre à des tiers concernésdirectement par la facturation ou le recouvrementles catégories de données techniques qui sontdéterminées, dans les limites fixées par le V, selonl'activité des opérateurs et la nature de la communication,par décret en Conseil d'État prisaprès avis de la Commission nationale de l'informatiqueet des libertés».
(16) Tel qu'issu du décret n° 2006-358 du 24 mars2006, JO 26 mars; selon l'art. R10-13.I. CPCEI. En application du II de l'article L. 34-1 lesopérateurs de communications électroniquesconservent pour les besoins de la recherche, de laconstatation et de la poursuite des infractionspénales: a) Les informations permettant d'identifierl'utilisateur; b) Les données relatives auxéquipements terminaux de communication utilises;c) Les caractéristiques techniques ainsi quela date, l'horaire et la durée de chaque communication;d) Les données relatives aux servicescomplémentaires demandés ou utilisés et leursfournisseurs; e) Les données permettant d'identifierle ou les destinataires de la communication.
(17) Rapport de la Mission Olivennes, sur le sitedu ministère de la Culture, p. 21; v. J.-B. Auroux,Rapport Olivennes: «les grandes lignes de la loiDADVSI 2?»: RLDI décembre 2007, n° 1122;M. Coulaud et J.-B. Mariez, «L'évolution de laprotection des oeuvres sur les réseaux numériquesou le choix du mode contractuel»: RLDI janvier2008, n° 1155.
(18) Rapport de la Mission Olivennes, op. cit. p. 32;v. à cet égard la censure par le Conseil constitutionnelde l'art. 9-3° de la loi du 6 août 2004.
(19) Rédaction inchangée lors de l'examen par leSénat en octobre 2008.
(20) Rédaction après examen du Sénat, en octobre2008: «Art. L. 331-33. La commission de protectiondes droits peut conserver les donnéestechniques mises à sa disposition pour la duréenécessaire à l'exercice des compétences qui luisont confiées à la présente sous-section et, auplus tard, jusqu'au moment où la suspension del'accès prévue par ces dispositions a été entièrementexécutée».
(21) Infra III.B.
(22) CNIL, Dix ans d'informatique et libertés, Economica1988, p. 42.
(23) Ibid.
(24) V. cependant la censure par le Conseil constitutionnelde l'art. 9-3° de la loi du 6 août 2004relatif aux fichiers d'infractions constitués par despersonnes morales de droit privé.
(25) Cons. const., déc. n° 2004-499 du 29 juillet2004: Comm. com. électr., octobre 2004, com.108, note Ch. Caron et nov. 2004, com. 146, noteA. Lepage.
(26) Infra III.A.
(27) Sur les autres motifs de refus, infra III. A.
(28) CE 23 mai 2007: Comm. com. électr. 2007,com.90, note Ch. Caron: D. 2007 AJ. 1605, noteJ. Daleau; Légipresse 2007, n° 243, III, p. 141,note J. Frayssinet ; Propriétés intellectuelles,juillet 2007, n° 24, p. 334, obs. J.-M. Bruguière;RLDI 2007/28, n° 912, obs. L. Costes; RIDA2007, n° 213, p. 291, obs. P. Sirinelli; RLDI2007/29, n° 970, note E. Drouard, RLDI préc.,n° 971, note L. Szuskin et M. de Guillenchmidt.
(29) Sur le troisième motif, infra III.A.
(30) Délib. CNIL, 8 et 22 novembre 2007; v. communiqué,17 déc. 2007, www.cnil.fr ; RLDIdécembre 2007, «En bref», p. 29.
(31) V. TGI Paris, 24 déc. 2007 : RLDI, fév. 2008,n° 1167; v. aussi, sur la validation par la CNILd'un traitement opéré sur le fondement de l'article9, 4o, Cass. crim., 4 avr. 2007, n° 07-80.627,Comm. com. électr. 2007, com. 90, note Ch.Caron; Propriétés intellectuelles, juillet 2007,n° 24, p. 334, obs. J.-M. Bruguière; RLDI septembre2007, n° 1013.
(32) CA Rennes, 23 juin 2008: RLDI juillet 2008,n° 1325.
(33) Infra, Conclusion.
(34) Projet d'art. L. 331-34 CPI
(35) Délib. CNIL du 29 avril 2008 préc.
(36) Délib. CNIL du 29 avril 2008 préc.
(37) Projet d'art. L. 331-31 CPI; v. la rédaction,après examen par le Sénat en octobre 2008: Art.L. 331-31. «La Haute Autorité établit un répertoirenational des personnes qui font l'objet d'unesuspension en cours de leur accès à un service decommunication au public en ligne en applicationdes articles L. 331-25 à L. 331-27.La personne dont l'activité est d'offrir un accès àdes services de communication au public en lignevérifie, à l'occasion de la conclusion de tout nouveaucontrat portant sur la fourniture d'un telservice, si le [ ] cocontractant figure sur cerépertoire».
(38) Projet d'art. L. 331-31 CPI; v. aussi la suitede cet article 331-31 «Les sanctions prises enapplication du présent article peuvent faire l'objetd'un recours en annulation ou en réformationpar les parties en cause devant les juridictionsjudiciaires.Un décret en Conseil d'État détermine les conditionsdans lesquelles les sanctions peuvent fairel'objet d'un sursis à exécution.Un décret détermine les juridictions compétentespour connaître de ces recours».
(39) Délib. CNIL du 29 avr. 2008; Dans le but«d'encadrer plus strictement les conditions d'accèsdes FAI au répertoire national», la CNIL a proposéque l'article L. 331-35 soit modifié de la manièresuivante: «[...] ce traitement a pour finalité lamise en oeuvre, par la commission de protectiondes droits, des mesures prévues à la présentesous-section et la prise de tous les actes de procédureafférents, ainsi que du répertoire nationaldes personnes dont l'accès à un service de communicationau public en ligne a été suspendu. Ildoit également permettre aux personnes dontl'activité est d'offrir un accès à des services decommunication au public en ligne de procéder àla vérification prévue à l'article L. 331-33 sous laforme d'une simple interrogation [...]».
(40) V. la rédaction de l'article L. 331-34 CPIaprès examen du Sénat en octobre 2008: «Estautorisée la création, par la Haute Autorité, d'untraitement automatisé de données à caractèrepersonnel portant sur les personnes faisant l'objetd'une procédure dans le cadre de la présentesous-section.«Ce traitement a pour finalité la mise en oeuvre,par la commission de protection des droits, desmesures prévues à la présente sous-section et detous les actes de procédure afférents, ainsi que durépertoire national visé à l'article L. 331-31, permettantnotamment aux personnes dont l'activitéest d'offrir un accès à un service de communicationau public en ligne de disposer des informationsstrictement nécessaires pour procéder à lavérification prévue à ce même article, sous laforme d'une simple interrogation.«Un décret en Conseil d'État, pris après avis dela Commission nationale de l'informatique et deslibertés, fixe les modalités d'application du présentarticle. Il précise notamment:« les catégories de données enregistrées et leurdurée de conservation;« les destinataires habilités à recevoir communicationde ces données, notamment les personnesdont l'activité est d'offrir un accès à desservices de communication au public en ligne;« les conditions dans lesquelles les personnesintéressées peuvent exercer, auprès de la HauteAutorité, leur droit d'accès aux données lesconcernant conformément aux dispositions de laloi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique,aux fichiers et aux libertés».
(41) B. Retailleau, Avis n° 59 (2008-2009), déposéau Sénat le 28 octobre 2008.
(42) V. «Dix raisons de dire non à la loi HADOPI»préc.
(43) V. infra note 49.
(44) Délib. CNIL, 18 oct. 2005 préc.
(45) CE 23 mai 2007 préc.
(46) Supra I.A.
(47) Ch. Albanel, Intervention devant le Sénat, 29oct. 2008, sur le site senat.fr/seances, p. 12.
(48) Rapport n° 53 (2008-2009) de M. Thiollière,déposé le 22 octobre 2008, devant le Sénat.
(49) Délib. CNIL du 29 avr. 2008 préc.
(50) La formule «acquérir un caractère nominatif»n'était pas très heureuse, puisque les adresses IPsont des données personnelles. Elles ont certes, uncaractère indirectement nominatif, la révélationprécise de l'identité n'étant possible qu'après rapprochementavec les données d'identificationdétenues par les FAI, d'où l'emploi, de notre part,de l'expression relatif «anonymat».
(51) Même si on aurait préféré lire la formule suivante:«une conciliation qui est manifestementéquilibrée»!, Cons. Const. décision n° 2004-499DC du 29 juillet 2004 préc.
(52) Délib. CNIL du 29 avr. 2008 préc.
(53) Exposé des Motifs
(54) Selon l'Exposé des Motifs, «Cette suspensions'applique strictement et limitativement à l'accèsà des services de communication au public enligne. Elle ne concerne donc pas par exempledans le cas d'offres commerciales compositesincluant d'autres types de services la téléphonieou la télévision. La suspension n'affecte pas leversement du prix de l'abonnement au fournisseurdu service, car celui-ci ne doit pas assumerles conséquences d'un comportement dont la responsabilitéincombe à l'abonné qui demeurebien entendu libre de mettre fin à son abonnement,selon les modalités de résiliation prévuespar son contrat».
(55) V. art. L. 331-25 CPI du projet de loi «Lorsqu'ilest constaté que l'abonné a méconnu l'obligationdéfinie à l'article L. 336-3 dans l'annéesuivant la réception d'une recommandationadressée par la commission dans les conditionsdéfinies à l'article L. 331-24, la commission peut,après une procédure contradictoire, prononcer,en fonction de la gravité des manquements et del'usage de l'accès, l'une des sanctions suivantes:«1° La suspension de l'accès au service pour unedurée de trois mois à un an assortie de l'impossibilité,pour l'abonné, de souscrire pendant lamême période un autre contrat portant sur l'accèsà un service de communication au public en ligneauprès de tout opérateur».
(56) Art. L. 331-25 CPI, 1° bis (nouveau), ajoutépar le Sénat en oct. 2008 : «En fonction de l'étatde l'art, la limitation des services ou de l'accès àces services, à condition que soit garantie la protectiondes oeuvres et objets auxquels est attachéun droit d'auteur ou un droit voisin».
(57) J. Frayssinet, Légipresse novembre 2004 préc.p. 119.
(58) Rapport n° 53 (2008-2009) de M. Thiollière,déposé le 22 octobre 2008, devant le Sénat.
(59) Cons. const. 29 juillet 2004 préc.
(60) V.-L. Benabou, Propriétés Intellectuelles,juillet 2005, préc. p. 276.
(61) Résolution du Parlement européen du 10 avril2008 sur les industries culturelles en Europe(2007/2153 (INI), point n° 23; v. aussi le vote duParlement européen du 29 septembre 2008 sur lePaquet Télécoms et l'amendement 138.
(62) Délib. CNIL du 29 avril 2008 préc.
(63) Cons. Const. DC, 96-378 du 23 juillet 1996sur la loi de réglementation des télécommunications.
(64) Délib. CNIL du 29 avr. 2008 préc.
(65) B. Retailleau, Avis n° 59 (2008-2009), déposéau Sénat le 28 octobre 2008.
(66) V. le Document de travail sur les questions deprotection des données liées aux droits de propriétéintellectuelle, du Groupe de travail«article 29», 18 janv. 2005, WP 104, sur le sitewww.europa.eu.int ; v. l'avis n° 2004-1 duCSPLA du 2 mars 2004 relatif à la propriété littéraireet aux libertés individuelles, Légipresse2004, n° 210, IV, p. 29.
(67) CJCE 29 janv. 2008, Promusicae: Comm.com. électr. mars 2008, com. 32, note Ch. Caron;D. 2008. AJ. 480, note J. Daleau; JCP 2008. II.10099, note E. Derieux; Légipresse avril 2008,n° 250. III. 57, note J. Lesueur.
(68) V. Ch. Albanel, Sénat 29 octobre 2008 préc.p. 15.
(69) V. l'allusion du sénateur I. Renar au fichier de«Mme Edvige», le 30 octobre 2008