Les amateurs ont toujours été présents dans l'histoire des médias, de la presse écrite à l'Internet, notamment au moment de l'apparition de chacun d'entre eux, avant que, écartant les amateurs, les professionnels ne s'en accaparent.Perçus par certains professionnels comme constituant une concurrence dangereuse, les amateurs sont susceptibles d'apporter diversité et complémentarité, éléments du pluralisme de l'information et des idées. Les contributions des amateurs sont souvent ...
Emmanuel Derieux
Professeur à l’Université Panthéon-Assas (Paris 2)
1er mai 2008 - Légicom N°41
8215 mots
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(2) Considérant ainsi mais leur définition estpeut-être elle-même un véritable défi! tousmoyens (d'information ou de communication),techniques ou supports par lesquels il est possiblede mettre des contenus ou des messages de toutenature à disposition d'un public', notion essentielleen droit des médias (voir notamment:Derieux, E., «La notion de publication' en droitde la communication», Droit et actualité, Étudesoffertes à Jacques Béguin, Litec, 2005, pp. 275-309 et, pour quelques autres définitions: Balle, F.,dir., Lexique d'information communication, Dalloz,2006, 476 p.; Derieux, E., Dictionnaire dedroit des médias, Victoires Éditions, 2004, 352 p.).
(3) «La rédactrice en chef du site Place-publique'fait travailler de concert professionnels de l'informationet citoyens ( ) L'idée du médiacitoyen est de donner une autre vision de lasociété, de rompre avec l'approche fataliste dessujets ( ) Place-publique' est née de cettelacune de la presse ( ) L'objectif du site est deproduire de l'information en faisant travaillerensemble des journalistes professionnels et descitoyens-journalistes' » (Dreyfus, S., «Unejournaliste au service des citoyens», La Croix,17 avril 2007).
(4) Johnson, B. et Ramesh, R., «Bloggers silencedas curbs bring internet blackout», The Guardian,1er octobre 2007.
(5) «La campagne présidentielle a servi de déclicpour de nombreux éditorialistes et journalisteslongtemps sceptiques devant le phénomène blog.Les vedettes du commentaire politique s'y sontmises progressivement. Il y a deux ans, peu d'éditorialistesmisaient sur le blog, convaincus qu'ils'agissait surtout d'un exutoire pour adolescentsou pour ménagère en mal de confessions intimes( ) L'élection présidentielle de 2007 a montréque les grandes plumes de la presse sont maintenantprêtes à jouer ( ) D'un côté, les francstireursqui bloguent à leur compte; de l'autre, lesinstitutionnels, ceux dont le blog est hébergé surle site du média qui les emploie. Les francstireurs( ) ont été plus prompts à voir dans leblog un moyen d'expression affranchi descontraintes économiques, autorisant une parutionimmédiate et une totale liberté de ton». Les institutionnels«apportent au blog la respectabilité'que la profession ne lui trouvait pas encore»(Abiker, D., «Le réseau des réseaux offre unedeuxième vie aux éditorialistes. Au-delà de laremise en question des pratiques professionnelles,le blog suscite des interrogations économiques»,Le Monde, 8 mai 2007).
(6) «Que les femmes et les hommes politiques se letiennent désormais pour dit: bloguer durant lacampagne peut coûter cher. Très cher même. Celapeut directement conduire à voir invalider sescomptes ou, pis, carrément son éventuelle élection.C'est en tout cas ce qu'a tenu à rappeler laCommission nationale des comptes de campagneet des financements politiques» (Zibertin, O.,«Des candidats aux législatives privés de leursblogs. Pour ne pas risquer une invalidation de leurélection, ils ont refermé leurs carnets de campagne», Le Monde, 10-11 juin 2007).
(7) Modifié, dans le sens d'un assouplissement descontraintes et interdictions, par la loi du 19 février2002, l'article 11 de la loi du 19 juillet 1977 relativeà la publication et à la diffusion de certainssondages d'opinion' pose désormais que «laveille de chaque tour de scrutin ainsi que le jourde celui-ci, sont interdits, par quelque moyen quece soit, la publication, la diffusion et le commentairede tout sondage» en relation avec l'élection.
(8) Dreyfus, S., «Internet pourrait publier des estimationsavant le terme du scrutin. Certains rédacteursde blogs ont annoncé qu'ils ne respecterontpas la législation», La Croix, 20 avril 2007.
(9) «La crise d'identité de la profession journalistiquea des facettes multiples, parmi lesquellesl'inquiétude liée aux nouveaux médias, qui permettentà chacun de diffuser, sur le Net, une photographieou une information quelconque, detenir un blog, bref d'être journaliste' à toutmoment. Le problème est-il seulement de mettreen danger la profession de journaliste, au senscorporatiste du mot? ( ) Le milieu journalistiqueprofessionnel a ses conformismes et sesparesses, et il a en outre du mal à s'autocritiquer( ) un peu d'air frais ne peut que faire du bien.Mais, en même temps, quelle garantie aura-t-onque les non professionnels produiront un journalismede meilleure qualité que celui offert aujourd'huipar les professionnels? ( ) L'enjeu, c'estde réaffirmer le sens du métier de journaliste, pasde protéger une corporation ( ) Aux professionnelsde montrer que rien ne vaut un professionnelpour appliquer les principes les plus simples etles plus importants du journalisme» (Muhlmann,G., «Réaffirmer le sens du métier», La Croix,29 juin 2007).
(10) «L'explosion d'Internet, la circulation facilitéede l'écrit et des images qui l'a accompagnée ontfait naître des vocations. Celles de diffuseursd'informations ou de commentaires d'actualitésur la toile. Mais est-ce vraiment cela informer?Quelle crédibilité accorder à tout ce qui circule?Tout le monde peut-il faire oeuvre de journalisme,quand on sait que l'exercice de la profession obéiten principe à des règles précises, faites au minimumde distance, de vérification des sources,voire d'objectivité?» (Ernenwein, F., «Tous journalistes?», La Croix, 29 juin 2007). Mais en estiltoujours ainsi de la part des professionnels?
(11) «Le phénomène de l'image d'amateur n'estpas nouveau ( ) Mais ce qui était alors dudomaine de l'exception s'est banalisé. Désormaischaque événement ( ) livre son flux, de plus enplus fourni, de documents d'amateurs, image oupetits films vidéo». Selon un professionnel' citédans l'article, la photo d'amateur a toujoursexisté. Cela ne pose pas de problèmes en tant quetel. Ce qui en pose c'est la naissance de distributeursqui vendent de grandes quantités d'images àbas prix' ( ) Certains ont en effet flairé l'aubaineet choisi de jouer les intermédiaires entreles photographes amateurs et les éditeurs depresse ( ) Ces distributeurs bousculent les circuitstraditionnels». Selon Th. Elzière, directeurgénéral de Fotolia', «près de 50000 photographesdans le monde contribuent à notrebanque d'images et nous recevons 20000 clichéspar jour. Nous les commercialisons à un prixcompris entre 1 et 10 euros et nous reversons àl'auteur la moitié de la somme'». Selon la descriptionqui en est faite, «une équipe réduited'une dizaine de personnes trie semi-automatiquementles photos pour éviter tout problème juridiquede droit à l'image ou de propriété intellectuelle». Selon la directrice de Sipa press', «laphoto à un euro, c'est l'horreur. Il y a un vrairisque pour le modèle économique des agencesphotos déjà très fragiles avec l'arrivée de cesnouveaux concurrents» (Girard, L., «Les photosreporters de plus en plus confrontés aux imagesd'amateurs», Le Monde, 7 avril 2007).
(12) «Le site Facebook vend le profil de ses internautesaux publicitaires», Le Monde,11 novembre 2007; «Le web2.0, un monde dugratuit qui vaut de l'or», Le Monde, 27 novembre2007, pp. I-III.
(13) Pour un état général de la discipline, voirnotamment: Derieux, E. et Granchet, A., Droitdes médias. Droit français, européen et international,LGDJ, 5e éd., 2008.
(14) Dans son Rapport' préalable à l'adoption dela loi de 1935, E. Brachard note que le rédacteurde l'étude publiée, en 1928, par le Bureau internationaldu travail, sur les Conditions de travailet de vie des journalistes' relevait que: «le journalismeest né d'hier. C'est une profession touteneuve, l'une des quatre ou cinq plus jeunes dumonde. Il n'y a de journalistes que depuis deux outrois générations». Avant, il n'y avait que desamateurs écrivant dans les journaux. «Le journalismeprofessionnel est une des récentes acquisitionsde la géographie sociale» (p. 15). Un peuplus loin, il poursuit: «un seul fait compte: cettepresse en évolution foudroyante, ce journal envoie d'industrialisation de plus en plus réglementée,ont créé une profession', dont le dix-neuvièmesiècle n'a vu que le premier essor, et cetteprofession tend à s'organiser. Son progrès suit leprogrès de l'industrie de la presse. Celle-ci ne sedéveloppera pas sans que s'affirme la première.Ainsi la profession entre dans les catégories dutravail et prend sa place dans l'appareil social.La protection de la loi lui est due, comme à toutesles autres, et le Parlement ne saurait refuser auxjournalistes le soutien qu'il doit et accorde à tousles travailleurs» (p. 16). Les acquis professionnelsse trouveraient-ils remis en cause par la placeprise par les nouveaux amateurs avant que, àleur tour, ceux-ci, du fait de leurs pratiques régulièreset durables, ne revendiquent la qualité deprofessionnels?
(15) Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du2 novembre 1945, « sont considérés commeagences de presse ( ) les organismes privés quifournissent aux journaux et périodiques, desarticles, informations, reportages, photographieset tous autres éléments de rédaction et qui tirentleurs principales ressources de ces fournitures».Il y a été plus récemment ajouté que «ne peuventse prévaloir ( ) de l'appellation agence depresse' que les organismes inscrits sur une listeétablie sur proposition» de la Commission paritairedes publications et agences de presse(CPPAP).
(16) Était à nouveau cité E. Brachard selon qui:«parce qu'il est indispensable que ces professionnelspuissent se faire reconnaître et se reconnaissententre eux, nous nous proposons de créer unsigne visible de reconnaissance, qui sera la carted'identité. Signe d'autant plus utile que le journalétant un domaine ouvert à tout venant, il doit êtrepermis aux professionnels authentiques de se prémunircontre la présence non seulement des amateurset des intrus de tout ordre, mais aussi desindignes, de leur refuser la confraternité, de nepas tolérer qu'ils se recommandent impunémentd'une profession qui n'est pas la leur ( ) L'établissementde la carte d'identité aidera puissammentà l'organisation méthodique d'une professionlongtemps demeurée dans l'anarchie»(p. 26). Est-on parvenu au résultat escompté?
(17) «Article 5.- a) Un journaliste professionnel nepeut accepter pour la rédaction de ses articlesd'autres salaires ou avantages que ceux que luiassure l'entreprise de presse à laquelle il collabore.En aucun cas, un journaliste professionnelne doit présenter sous la forme rédactionnellel'éloge d'un produit, d'une entreprise, à la venteou à la réussite desquels il est matériellementintéressé.b) Un employeur ne peut exiger d'un journalisteprofessionnel un travail de publicité rédactionnelletelle qu'elle résulte de l'article 10 de la loidu 1er août 1986.c) Le refus par un journaliste d'exécuter un travailde publicité ne peut être en aucun cas retenucomme faute professionnelle, un tel travail doitfaire l'objet d'un accord particulier».
(18) Pour une illustration en droit américain, voir:Pech, L., «Sur l'affaire O'Grady et al. C. Apple,ou de l'art de distinguer entre journalistes, journalistes-blogueurs et simples blogueurs en matièrede protection des sources», Légipresse, décembre2006, n° 237.II.161-166. Pour le droit belge, voirJongen, F., «La Belgique, modèle de protectionpour le statut des sources», Legipresse, juin 2005,n° 222.II.71-73.Pour ce qui est de la protection européenne dessources d'information des journalistes, voirnotamment: CEDH, 27 mars 1996, Goodwin c.Royaume-Uni, Légipresse, juin 1996, n°132.III.78-80, note E. Derieux; CEDH, 25 février2003, Roemen et Schmit c. Luxembourg, Légipresse,juillet 2003, n° 203.III.110-116, note E.Derieux; CEDH, 15 juillet 2003, Ernst et autres c.Belgique; CEDH, 27 novembre 2007, Tillack c.Belgique).
(19) «Reste que cette multiplication des sourcespeut avoir un effet bénéfique. En forçant les journalistesprofessionnels à hausser encore l'exigenceéthique. C'est elle qui les distinguera sansdoute encore longtemps à l'aune de la crédibilité-de tous les foisonnements sur le Net» (Ernenwein,F., «Tous journalistes?», La Croix, 29 juin2007).