L'ESSENTIEL La loi DADVSI du 1er août 2006 contient de nombreuses exceptions au droit d'auteur, aux droits voisins ainsi qu'aux droits des producteurs de base de données : exceptions au bénéfice des bibliothèques à des fins de conservation, de l'enseignement et de la recherche destinée à permettre la réutilisation des oeuvres, exception d'information par voie de presse écrite, audiovisuelle ou en ligne, aménagement du dépôt légal, interopérabilité. Certaines de ces exceptions reviennent sur la jurisprudence de la Cour de cassation. Eu égard à leur complexité et aux incertitudes qu'elles suscitent, ces exceptions portent en germe des sources de contentieux. Il appartiendra aux professionnels, par la voie d'accords collectifs, au juge et à la nouvelle Autorité de régulation des mesures techniques de protection, de les interpréter, les cerner, les appliquer, les limiter ou les élargir. En outre, ces exceptions seront potentiellement soumises au test des trois étapes consacré par la loi, en vertu duquel il est possible d'écarter l'exception lorsqu'elle porte atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre ou risque de causer un préjudice disproportionné aux ayants droit. Cette nébuleuse d'exceptions gravite plus ou moins autour de l'astre considérable que constitue l'exception de copie privée et de la notion de gratuité qui semble en être profondément le principe organisateur, même si certaines d'entre elles comportent des obligations de compensation financière. Au-delà de la liberté d'usage légitimée par la finalité particulière de chacune, toutes ces exceptions ou limitations aux droits exclusifs posent le problème de la gratuité des utilisations autorisées et de leur incidence sur l'économie des médias et particulièrement de la presse, déjà fragile.
Il y a des oeuvres, en France, qui nous unissent tous et, d'une certaine manière, qui constituent notre mémoire commune: «Rappelle-toi Barbara, il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là » Faut-il payer pour entendre la suite ? Faut-il payer pour apprendre ce texte aux jeunes générations? Présentée ainsi, l'exception de pédagogie et de recherche semble parfaitement justifiée.Ceux qui utilisent des oeuvres pour former les jeunes générations ou pour étendre le champ des ...
Christophe Alleaume
Professeur à l’Université de Caen Basse-Normandie, Directeur de l’Institut ...
1er juillet 2007 - Légicom N°39
5472 mots
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(1) (*) À l'issue de cette conférence, l'auteur apublié un article intitulé « Les exceptions depédagogie et de recherche » dans le numérospécial de la revue Communication. Commerceélectronique consacré à la loi no 2006-961 du 1er août 2006, novembre 2006, Études27, p. 14-18.
(2) «La propriété étant un droit inviolable et sacré,nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque lanécessité publique, légalement constatée, l'exigeévidemment, et sous la condition d'une juste etpréalable indemnité.»
(3) Par exemple F. Douet, «Radioscopie de la Francefiscale», D. 2005, p. 1241.
(4) M. Charasse s'est exclamé, provocateur: «Ondemande aux auteurs d'oeuvres littéraires ou artistiquesde payer pour les handicapés; tout à l'heure,il s'agissait de prévoir une exception au profit desuniversitaires et de la recherche: je ne sais pas ceque diraient les chercheurs, par exemple, si l'onenvisageait de prélever sur leur salaire de quoifinancer la recherche», Sénat, 4 mai 2006.
(5) V. notre focus, Demain on rase gratis?, Communication.Commerce électronique, no 5, mai 2006, 102.
(6) La directive 2001/29 du 22 mai 2001 autorised'ailleurs des exceptions ou limitations au droitde reproduction «en ce qui concerne la reproductiond'émissions faites par des institutionssociales sans but lucratif, telles que les hôpitauxou les prisons » (art. 5, 2, e).
(7) À force de consacrer des exceptions au droitd'auteur à chaque fois qu'un usage de masse sedessine, la loi va finir par ne laisser aux auteurs quele contrôle des marchés résiduels. Petit à petit, lecitoyen-consommateur se voit reconnaître desdroits à l'utilisation des oeuvres qui menacent l'exclusivitédes droits d'auteur. Alors que les consommateursd'oeuvres sont plus nombreux et que laconsommation globale d'oeuvres augmente, lesactes de consommation sont plus rarement contrôlés Rappr. A. Lucas et P. Sirinelli, Propriétésintellectuelles, juillet 2006, no 20, chronique, 1,p. 300, critiquant l'approche consumériste du législateuren propriété littéraire et artistique.
(8) M. Vivant, Les exceptions nouvelles au lendemainde la loi du 1er août 2006, D. 2006 p. 2159 et s., no 4.
(9) Art. L. 122-5, 2° du CPI.
(10) Art. L. 122-5, 3°, a) du CPI.
(11) Art. L. 122-5, 3°, c) du CPI.
(12) Art. L. 122-6-1, III du CPI.
(13) Il y a également des exceptions de pédagogie et derecherche en droit des dessins et des modèles (par ex.art. L. 513-6 c du CPI), en droit des brevets (par ex.art. L. 613-5 du CPI). Pour l'Allemagne: C. Geiger,Les exceptions au droit d'auteur à des fins d'enseignementet de recherche en droit allemand, Propriétésintellectuelles, 2002, no 5, p. 29. Adde: A. Granchet,Enseignement et droit d'auteur, Communication.Commerce électronique, décembre 2005, chron. 42.
(14) A. Lucas et P. Sirinelli, ibid.
(15) Préambule: «Les parties contractantes [ ],Reconnaissant la nécessité de maintenir un équilibreentre les droits des auteurs et l'intérêt publicgénéral, notamment en matière d'enseignement,de recherche et d'accès à l'information [ ] »(nous soulignons).
(16) Considérant (14) : « La présente directive doitpromouvoir la diffusion du savoir et de la culturepar la protection des oeuvres et autres objets protégés,tout en prévoyant des exceptions ou limitationsdans l'intérêt du public à des fins d'éducationou d'enseignement.» Ainsi, bien sûr, quel'article 5, 3 : «Les États membres ont la facultéde prévoir des exceptions ou limitations auxdroits prévus aux articles 2 [droit de reproduction]et 3 [droit de communication] dans les cassuivants: a) lorsqu'il s'agit d'une utilisation àdes fins exclusives d'illustration dans le cadre del'enseignement ou de la recherche scientifique[ ] » (nous soulignons).
(17) Commission des lois constitutionnelles, de lalégislation et de l'administration générale de laRépublique, 31 mai 2005.
(18) Sur cette question, v. «Les panoramas depresse», Légicom, 2002/2.
(19) Le 12 avril exactement, lors de l'examen durapport de M. le sénateur Michel Thiollièredevant la commission des affaires culturelles.
(20) Sur tous ces points: Sénat, commission desaffaires culturelles, 12 avril 2006, examen du rapportde M. Michel Thiollière sur le projet de loino 269 (2005-2006), adopté par l'Assembléenationale, après déclaration d'urgence, relatif audroit d'auteur et aux droits voisins dans la sociétéde l'information.
(21) Art. L. 122-5, 3°, e) du CPI.
(22) Art. L. 211-3, 3° du CPI.
(23) Art. L. 342-3, 4° du CPI.
(24) Cela résulte respectivement des articles 1, II ;2, II ; 3, II de la loi DADVSI.
(25) Critique: M. Vivant, art. préc.
(26) L'amendement no 1, présenté par M. Thiollière,au nom de la Commission des affaires culturellesdu Sénat, était rédigé comme suit :«[L'auteur ne peut interdire] e) La représentationou la reproduction de courtes oeuvres ou d'extraitsd'oeuvres, autres que des oeuvres elles-mêmesconçues à des fins pédagogiques, à des fins exclusivesd'illustration ou d'analyse dans le cadre del'enseignement et de la recherche, à l'exclusionde toute activité ludique ou récréative, et sousréserve que le public auquel elles sont destinéessoit strictement circonscrit au cercle des élèves,étudiants, enseignants et chercheurs directementconcernés, que leur utilisation ne donne lieu àaucune exploitation commerciale, et qu'elle soitcompensée par une rémunération négociée surune base forfaitaire nonobstant la cession dudroit de reproduction par reprographie mentionnéeà l'article L. 122-10.»
(27) Sénat, 4 mai 2006: «la commission estime quel'exception éducative, qui ne concerne d'ailleurspas que l'enseignement supérieur, doit être strictementcirconscrite pour ne pas risquer d'infligerun préjudice excessif aux auteurs et aux ayantsdroit»; le ministre ajoute qu'«une définition troplarge et imprécise de l'exception ne serait pasconforme à la directive européenne et à nos engagementsinternationaux puisque les exceptionsdoivent tenir compte, comme l'indique le considérant44 de la directive, de l'incidence économiqueaccrue que celles-ci sont susceptiblesd'avoir dans le cadre du nouvel environnementélectronique».
(28) On pourrait en discuter à l'infini car, à vraidire, l'employeur est également le formateur del'apprenti.
(29) Les accords contractuels en cours servirontutilement de base de négociation pour la mise enplace de cette rémunération.
(30) Le traitement particulier des ces oeuvres est dûà une intervention de M. Donnadieu de Vabres,ministre de la Culture et de la Communication,une fois acquis le principe de création d'uneexception pédagogique: «Je tiens à souligner lefait que l'impossibilité pour la loi d'être aussiprécise que les accords placera nombre de secteursdéjà fragiles dans une situation d'insécuritéjuridique inquiétante, alors que ceux-ci sontessentiels à la diffusion du savoir et que l'enseignementreprésente pour eux une activité trèsimportante. Je pense notamment aux partitions demusique, aux éditions techniques et de scienceshumaines, aux éditions d'oeuvres dramatiques,bref à toutes les éditions fragiles. Notre objectifest de faire en sorte que les auteurs et créateurspuissent trouver des éditeurs susceptibles depublier leurs oeuvres. Nous devons avoir à coeurd'atteindre la masse critique nécessaire aux plusfragiles de nos compatriotes et à leurs créations,car cette diversité pourrait finalement être menacéeau détriment de ceux-là mêmes qui doiventprofiter de l'exception.»
(31) M. Vivant, ibid. : sans cette précision on pourrait« piller purement et simplement» l'auteur. Surla distinction on line / off line et ses conséquencesjuridiques, N. Craipeau, Le Droit de reproductiondans l'environnement numérique, thèse dactyl.,Nantes, 2006.
(32) Ou tout support de ce type. Cf. A. Lucas etP. Sirinelli, chron. préc., p. 312 et note 80.
(33) Sénat, Commission des affaires culturelles,4 avril 2006, audition de M. Renaud Donnadieude Vabres, ministre de la Culture et de laCommunication.
(34) Poème de 17 syllabes et 3 lignes.
(35) Notamment A. Lucas, chron. cit., p. 312.
(36) À moins que le croquis ne provienne d'unouvrage pédagogique Et sauf si la reproductionqu'il en fait est assimilée à une reproduction intégralede l'oeuvre