L'oeuvre pornographique passe sous les fourches caudines du législateur qui organise en la matière tant un contrôle administratif a priori, qu'une répression pénale a posteriori. La répression pénale présente plusieurs inconvénients en matière de lutte contre la pornographie. C'est pourquoi il convient de faire application d'une législation fiscale venant dissuader l'initiative économique des producteurs de tout débordement pornographique. Ces deux contrôles partagent la même finalité : tenter d'organiser un monde clos pour la pornographie. Il s'agit d'empêcher qu'elle rentre en contact avec la jeunesse dont on entend préserver la moralité, parfois contre son gré, comme le rappelle la Cour européenne des droits de l'homme. Sur ce point, le législateur se voit d'ailleurs reconnaître une large marge d'appréciation par cette même Cour et l'appréciation du caractère pornographique recèle toujours la même subjectivité qu'il y a trente ans puisque, par-delà le mal, à savoir la représentation de scène de sexe non simulée et/ou de grande violence, il convient toujours de s'interroger sur l'intention du réalisateur, où pourrait se trouver le bien.
Un rapport du Parlement européen sur la pornographie relève, sur la question de la définition du terme, que « toute tentative sérieuse de définition met en lumière le caractère éminemment relatif, subjectif et évolutif de ce qui peut être considéré comme pornographie » (1). Le Parlement européen rejoint ici l'opinion d'Henry Miller selon lequel, « discuter la nature et le sens de l'obscénité est presque aussi difficile que de parler de Dieu » (2).Il importe d'ailleurs de ...
Frédéric Gras
Avocat au Barreau de Paris
1er avril 2007 - Légicom N°37
5597 mots
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(2) Parl. européen, Rapport de la commission deslibertés publiques et des affaires intérieures sur lapornographie, 24 septembre 1993, PE 204.502/déf.
(3) H. Miller, L'obscénité et la loi de réflexion, éd.Éric Losfeld, Le Terrain vague, 1971, 42 p. : on ytrouve de nombreuses citations d'auteurs sur cethème de l'obscénité, reproduites partiellement inLP, 1993, n° 98, III, p. 1 à 7, dans note sous Cass.crim., 17 novembre 1992.
(4) CE, 2 février 2004, Assoc. Promouvoir (aff. KenPark), LP, 2004, n° 211, III, pp. 69-73, noteF. Julien-Laférière
(5) Ibid., et CE, 2e ss sect., 30 juin 2000, Assoc.Promouvoir, LP, 2000, n° 174, III, pp. 129-131,note E. Derieux
(6) Sur l'histoire du contrôle administratif des filmscinématographiques: G. Lyon Caen & P. Lavigne,Traité théorique et pratique de Droit du cinéma,LGDJ, 1957, p. 31 et s.
(7) Il s'agit d'un avis consultatif et non d'un avisconforme: ceci est de tradition depuis 1916.
(8) E. Derieux, Droit de la communication, LGDJ.
(9) F. Jouffa, T. Crawley, Entre 2 censures, le cinémaérotique de 1973 à 1976, Ramsay Cinéma,octobre 1989, 267 p.
(10) Ibid., p. 83.
(11) Décret n° 75-1010 du 31 octobre 1975, JORF15 novembre 1975, p. 11333.
(12) F. Jouffa, T. Crawley, Entre 2 censures, le cinémaérotique de 1973 à 1976, préc., p. 205.
(13) Ces prélèvements s'appliquent également : - àla fraction des bénéfices qui résulte de la production,de la distribution ou de la représentationpublique d'oeuvres pornographiques ou d'incitationà la violence diffusées sur support vidéographique(CGI, art. 235 ter MA) ;- aux bénéfices réalisés par les établissementsdont l'accès est interdit auxmineurs en raison de leur caractère licencieuxou pornographique (CGI, art. 235ter MB) ;- à la fraction des bénéfices retirés desopérations de vente et de location portantsur des publications faisant l'objet d'aumoins deux interdictions prévues par laloi du 16 juillet 1949 ou des oeuvres pornographiquesou d'incitation à la violencediffusées sur support vidéographique(CGI, art. 235 ter MC).La fraction imposable est déterminée enmultipliant le bénéfice fiscal, hors reportdéficitaire, par le rapport existant pourla période d'imposition entre le chiffred'affaires non soumis au taux réduit dela taxe sur la valeur ajoutée (cf. TCAnos 2331 et suiv.) et le chiffre d'affairestotal.La période d'imposition est, pourchaque redevable, celle qui est retenuepour l'établissement soit de l'impôt surle revenu dû à raison de ses bénéficesindustriels et commerciaux, soit de l'impôtsur les sociétés.Le taux des prélèvements est fixé à 33 %.Il s'applique aux bénéfices des exercicesouverts à compter du 1er janvier 1993.Ces prélèvements doivent être acquittésspontanément au service des Impôts,dans le délai de souscription de la déclarationannuelle de résultats.En outre, tout redevable des prélèvementsest tenu de remettre au service desImpôts, dans le délai prévu pour le versementdes prélèvements, une déclarationétablie, en double exemplaire, sur unimprimé n° 3701.Sous réserve des dispositions qui leur sontpropres, les prélèvements sont établis etrecouvrés selon les modalités, ainsi quesous les sûretés, garanties et sanctionsapplicables en matière de taxe sur lavaleur ajoutée. De même, les réclamationssont présentées, instruites et jugéescomme celles concernant cet impôt.
(14) Le même principe est applicable auxrecettes procurées par les droits d'entréedans les établissements dont l'accès estinterdit aux mineurs en raison de leurcaractère licencieux ou pornographiquequel que soit le genre des oeuvres présentées.L'application du taux normalest indépendante de la forme juridiquede l'exploitation ainsi que des exonérationset des réductions de taux prévuespar les dispositions légales en vigueur.En conséquence, le taux normal s'appliqueaux ciné-clubs qui projettent lesfilms en cause, même s'ils bénéficientpar ailleurs de l'exonération prévue parl'article 261-7-1° du CGI (associationssans but lucratif).
(15) BO Fiscal 3 C-1-92, 3 C-1-93, 3 C-2-94, 3 C-2-95, 3 C-1-96 et 3 C-1-97)
(16) Site Internet de la DDM, rubrique CPPAP, sousrubrique « Guide juridique ». Pour la jurisprudencedu Conseil d'État : « considérant que l'érotisme etla sexualité ne présente pas un caractère d'intérêtgénéral lorsque l'élément rédactionnel est par tropabsent »: CE, 26 juillet 1982, SARL Librairie desÉditions Denoël, aff. Dite « Plexus », n° 14907;CE, 17 janvier 1990, SARL Éditions des Savanes,affaire dite « Union », n° 98424; CE, 16 octobre1996, SARL 1965 Broadway, aff. dite « Penthouse,version française », n° 168593
(17) Cet article a été introduit dans le décret de 1990par celui du 4 décembre 2003 et doit beaucoup àl'activisme de l'Association Promouvoir contre lefilm « Baise Moi », qui avait abouti à l'annulationpar le conseil d'État de la décision du ministre dela communication interdisant uniquement la diffusiondu film aux mineurs de moins de 16 ans : CE,30 juin 2000, Assoc. Promouvoir, LP, septembre2000, n° 174, III, pp. 129-131, note E. Derieux:le Conseil d'État relevait que le film « est composépour l'essentiel de scènes de grande violence etde scènes de sexe non simulées, sans que les autresséquences traduisent l'intention, affichée par lesréalisatrices, de dénoncer la violence faite aux femmespar la société. Qu'il constitue ainsi un messagepornographique et d'incitation à la violence susceptibled'être vu ou perçu par un mineur et quipourrait relever des dispositions de l'article 227-24du Code pénal ». Pour une solution inverse: CE,2 février 2004, Assoc. Promouvoir (aff. Ken Park),LP, mai 2004, n° 211, III pp. 69-73, préc.
(18) L'article 14 prévoit, à titre de répression, que« les infractions aux dispositions des précédentsalinéas du présent article sont punies d'un emprisonnementd'un an et d'une amende de3750 euros. Les officiers de police judiciaire pourront,avant toute poursuite, saisir les publicationsexposées au mépris des dispositions de l'alinéa 2ci-dessus ; ils pourront également saisir, arracher,lacérer, recouvrir ou détruire tout matériel de publicitéen faveur de ces publications. Le tribunal prononcerala confiscation des objets saisis.Quiconque aura, par des changements de titres, desartifices de présentation ou de publicité, ou partoute autre manoeuvre, éludé ou fait éluder, tentéd'éluder ou de faire éluder l'application des interdictions prononcées conformément aux cinq premiersalinéas du présent article, sera puni d'unemprisonnement de deux ans et d'une amende de6000 euros.En outre, et sous les mêmes peines, le tribunalpourra interdire, temporairement ou définitivement,la publication du périodique et ordonner lafermeture totale ou partielle, à titre temporaire oudéfinitif, de l'entreprise d'édition. Toute condamnationà plus de dix jours d'emprisonnement, pourles délits prévus au présent alinéa, entraînera, pendantune période de cinq ans à compter du jugementdéfinitif, privation des droits visés à l'article42, 1° et 2°, du code pénal.Lorsque trois publications, périodiques ou non,éditées en fait par le même éditeur, ont ou aurontété frappées, depuis l'entrée en vigueur de la loi du16 juillet 1949 et au cours de douze mois consécutifs,de deux des prohibitions prévues aux deuxième,troisième et quatrième alinéas du présent article,aucune publication ou aucune livraison depublication analogue, du même éditeur, ne pourra,durant une période de cinq ans courant du jour del'insertion au Journal officiel du dernier arrêté d'interdiction,être mise en vente sans avoir été préalablementdéposée, en triple exemplaire, au ministèrede la justice, et avant que se soient écoulés troismois à partir de la date du récépissé de ce dépôt. Lefait, de la part de l'éditeur ou du directeur de publication,de ne pas accomplir le dépôt prévu ci-dessusou de mettre la publication dans le commerceavant la fin du délai de trois mois précité, sera punides peines et entraînera l'incapacité prévues à l'alinéaprécédent.Quand, pendant la période de cinq ans susvisée,l'éditeur astreint au dépôt préalable ne se sera pasacquitté des obligations découlant de celui-ci, ouaura encouru deux autres interdictions prononcéesen vertu de l'article 14, la durée d'assujettissementaudit dépôt sera prolongée de cinq années, cetteprolongation partant de l'expiration du délai decinq ans initial. A l'égard des infractions prévuespar les huitième, dixième, onzième et douzièmealinéas du présent article, le directeur de publicationou l'éditeur sera poursuivi en qualité d'auteurprincipal ; à son défaut l'auteur et, à défaut de l'auteur,les imprimeurs et distributeurs seront poursuiviscomme auteurs principaux. Lorsque l'auteurn'aura pas été poursuivi comme auteur principal, ilsera poursuivi comme complice. Pourront êtrepoursuivis comme complices, et dans tous les cas,toutes personnes auxquelles l'article 60 du codepénal est applicable »
(19) CE, 28 février 1981, Sté PenthousePublications, in E. Derieux, Droit de la communication,Recueil de Jurisprudence, coll. Légipresse,Victoires Ed. : dans cette affaire, le Conseil d'Étatretient le caractère pornographique de la publicationde presse, sans toutefois définir cette notion,elle-même non définie dans la loi !
(20) Cf. Jurisclasseur communication, fasc. La protectionde la morale et de la jeunesse
(21) Cass., crim., 26 février 2003, n° pourvoi 02-83683
(22) Cass., crim., 19 janvier 2005, n° pourvoi 04-83044.
(23) CA Paris, 11e ch., sect. A, 14 décembre 1994:Dr pén. 1995, comm. n° 90.
(24) G. Cohen-Jonathan, Commentaire de l'article10, in L.E. Pettiti [sous la dir. de], LaConvention européenne des droits de l'homme:Economica, 1995, p. 407
(25) « the Commission considers that in the circumstancesof the present case, where obscene videocassettes were distributed to a limited circle ofviewers but where there was no further controlover them, where the official channels for certificationof videos were not used, and where no artisticmerit is claimed for the works, the applicant'sconviction for publishing obscene works was proportionateto the legitimate aim pursued »