L'ESSENTIEL Le droit de suite et le droit d'exposition dont la mise en application est discutée en France depuis un arrêt de la Cour de cassation du 6 novembre 2002, sont des droits favorables aux auteurs mais qui paradoxalement ne produisent pas d'effets positifs sur le marché de l'art. En effet, le droit de suite a vocation à faire bénéficier l'artiste de l'augmentation ultérieure du prix des oeuvres en cas de revente. Pourtant, la fluidité des échanges s'en trouve perturbée et des effets pervers se font sentir sur la création. En réalité, il va induire une baisse des prix sur la première vente des oeuvres. La revendication d'un droit d'exposition est liée à l'évolution des pratiques artistiques avec la production d'oeuvres monumentales ou éphémères plus difficilement commercialisables que le classique tableau. Le droit d'exposition est un droit de monstration qui suppose que l'on utilise l'oeuvre en la regardant. Revendication légitime du point de vue des auteurs, l'application de ce droit suscite des réticences qui tiennent au gonflement des budgets d'exposition des structures contribuant à l'essor de la carrière de l'artiste. Dès lors il faut en tenir compte.
Droit de suite, droit d'exposition, la pertinence et l'étendue des droits patrimoniaux attachés aux oeuvres d'art sont largement débattues dans le monde de l'art. L'harmonisation du droit de suite à l'ensemble des pays fondateurs de la communauté européenne ne s'est pas faite sans heurts et a donné lieu à de virulents débats au sein des États membres. Dans les même temps, la mise en application d'un droit d'exposition est amplement discutée en France depuis que deux arrêts de la ...
Nathalie MOUREAU
Nathalie Moureau Maître de Conférences en économie, Université Paul Valery, ...
1er juillet 2006 - Légicom N°36
5768 mots
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(2) Cour Cassation, 1re civ., 6 nov. 2002, Agenceculturelle de Paris c/Dudognon. C.C.E,janvier 2003, n° 1, p. 25, note C. Caron ;Légipresse, mai 2003, n° 201, III, p. 65-70, noteA. Delfaux.
(3) Avant tout économique, cette démarchereflète un certain point de vue selon lequel « lesinstitutions sociales la science, le droit ou lareligion - (sont) le produit des désirs humainsplutôt que le reflet d'une réalité externe à cesdésirs » Posner R. (1990), The Problems ofJurisprudence, Harvard University Press, p. 646.
(4) Bertrand A., Le droit d'auteur et les droitsvoisins, Dalloz, 1999.
(5) Il est d'ailleurs symptomatique de constaterque les photographes plasticiens limitent lenombre de tirages effectués et abandonnentvolontairement les bénéfices qu'ils pourraientretirer d'un droit de reproduction.
(6) Si l'oeuvre d'art n'est en elle-même pasreproductible, des produits dérivés, tels que lescartes postales, les posters, etc. le sont et peuventêtre source de revenus.
(7) En France, les droits de suite sont gérés parl'ADAGP avec un montant annuel de perceptionqui s'élève entre 2 et 2,5 millions pour uneassiette annuelle de 15 000 à 17 000 reventes.Environ 860 familles d'artistes décédés et 725artistes vivants ont perçu un droit de suite(Kancel, 2004).
(8) Hors Europe, ce droit est appliqué parplusieurs pays dont le Mexique ou l'état deCalifornie aux États-Unis (Californian CivilCode, section 980-989). Il semblerait qu'uncertain flou entoure sa mise en oeuvre effective enCalifornie et qu'il soit aisé de le contourner(Thomas 1999 et Carleton 1991, cités parStanford, 2003). Carleton W. A., CopyrightRoyalties for Visual Artists, 1991 : A Display-Based Alternative to the Droit de Suite, CornellLaw Review, 76, 510-548. Thomas K., ArtistsRoyalty : Pain or Gain, Artnews, 98, 66-68,
(2000) En Suisse, au Canada ou encore enAustralie, ce droit est en débat.
(9) 4 % pour la tranche allant jusqu'à50000 euros, 3 % pour la tranche comprise entre50000,01 et 200000 euros, 1 % entre 200 000,01et 350000 euros, 0,5 % entre 350 000,01 et500000 euros et enfin 0,25 % pour la fractionsupérieure à 500000 euros.
(10) On citera Benhamou F., de Vrièse M., « Uneanalyse économique des réglementations sur lemarché de l'art. L'effet du Droit de Suite sur lesprix et la localisation des ventes », Actes ducolloque « Droit et marché de l'art », Lyon,juin 2006. Colonna C., « An Economic and LegalAssessment of Recent Visual Artist's ReversionRights Agreements in the United States, Journalof cultural Economics, 6, 77-85, 1982 ;Ginsburgh V., Le Droit de Suite et ses effets,L'Art Même, Ministère de la CommunautéFrançaise de Belgique, n° 22, 2003 ; Ginsburgh,V., « Droit de suite. An economic viewpoint, inThe Modern and Contemporary Art Market,Maastricht : The European Fine Art Foundation,2005; Hansmann H., Santilli M., Royalties forArtists versus Royalties for Authors and Composers, Journal of Cultural Economics, 25 :259-281, 2001. Kancel S., Raymond M., LeDroit de Suite et la Protection Sociale desArtistes Plasticiens, Inspection Générale desAffaires Sociales, Inspection Générale deL'Administration des Affaires Culturelles, rapportn° 2004 039. Kusin D., Mac Andrew, TheModern and Contemporary Art Market, Tefaf,The European Fine Art Foundation, 2004; MacAndrew C., Dallas-Conte L., Implementing Droitde Suite (artists'resale right) in England, TheArts Council of England, 2002 ; Perloff J., Droitde Suite, in The New Palgrave Dictionary ofEconomics and Law, 1998; Rushton M., TheLaw and Economics of Artists'InalienableRights, Journal of Cultural Economics, 25, 243-257, 2001 ; Solow J., « An Economic Analysis ofthe Droit de Suite », Journal of CulturalEconomics, 22, 209-226, 1998 ; Stanford J.,Economics Analysis of the Droit de Suite. TheArtist's Resale Royalty, Australian EconomicPaper, 386-398, 2003.
(11) Ginsburgh V., op. cit., 2005
(12) dont Stanford J., op. cit. 2003 ;Ginsburgh V., op. cit., Benhamou et alii, op. cit,2006.
(13) Bennett W., EU Art Levy Helps New Yorkto Land Sale of the Century, The Telegraph,July 25, 2001.
(14) Murphy C. , « How the French Killed theirArt Market », Fortune, 140, 62-64, 1999.
(15) Moureau N., Sagot-DuvaurouxD., Le marché de l'art contemporain,La découverte, 2006.
(16) Filer R., A Theoretical Analysis of theEconomic Impact of Artist's Resale RoyaltiesLegislation, Journal of cultural Economics, 8:1-28, 1984 ; Perloff J., op. cit., 1988 ; Mantell E.,If the Art is Resold, Should the Artist Profit ?,The American Economist, 39 (1), 23-31, 1995.
(17) Solow J., op. cit, 1988.
(18) Kirstein R., Schmidtchen D., Do ArtistsBenefit from Resale Royalties ? An EconomicAnalysis of a New EU Directive, Center for the Study of Law and Economics, Discussion Paper2000-07, Saarbrücken.
(19) Ginsburgh V. , op. cit.
(20) Rushton M., op. cit.
(21) Kancel S., op. cit.
(22) Cela prend en considération le fait que 4 %correspond au taux appliqué à la tranche la plusélevée et qu'environ 20 % sont conservés par lessociétés pour la gestion du droit.
(23) Benhamou F., Moureau N., Sagot-Duvauroux D., Les galeries d'art contemporain enFrance, La Documentation Française, Paris, 2001.
(24) Comité des galeries d'art, Les Galeries d'arten France aujourd'hui, L'Harmattan, Paris.Kancel S. (2004), op. cit., 1998.
(25) Kancel S. et alii, op. cit., Kusin et alii., op.cit.
(26) Moureau N., Sagot-Duvauroux D., op. cit.
(27) Duchemin V., « Réflexions sur le droitd'exposition », R.I.D.A, 156, 1993, p. 15-107.
(28) A l'étranger, le seul pays où le droitd'exposition est appliqué est le Canada, depuis laloi du 8 juin 1988 (Duchemin V., (1993).Plusieurs pays, en dehors de toute dispositionlégale prévoient de rémunérer l'artiste lorsd'exposition. Le gouvernement fédéral allemanda versé des droits à l'occasion de certainesexpositions d'art contemporain. En GrandeBretagne, l'Art Council avait établi un « tarifstandard de redevance » mais cette redevancen'a pas été appliquée par les musées du fait desrestrictions budgétaires. Aux Pays Bas, leMinistère de la culture verse une redevance àchaque auteur, pour les expositions réalisées àl'étranger, en fonction du nombre d'oeuvresexposées et de la durée d'exposition.
(29) Duchemin V., op. cit.
(30) La propriété de l'oeuvre support et le droitd'exposer sont dissociés, le droit d'exposerappartient à l'auteur de l'oeuvre et non pas à sonpropriétaire.
(31) Kancel S., « Le droit de présentationpublique », in Compte rendu de la journéed'information professionnelle, Contrats etrémunérations: pratiques et usages dans ledomaine de la production et de la diffusionartistique, 17 mai 2005, Réseau Tram.
(32) Dès 1935, Walter Benjamin, notait que la« valeur d'exposition de l'oeuvre » augmentait aufur et à mesure que diminue sa « valeur culte ».BenjaminW., L'oeuvre d'art à l'ère de sareproduction mécanisée, Écrits Français, Gallimard,Paris, 1936, p. 140-171.
(33) La foire de Bâle a initié le mouvement en 1999.
(34) Moureau N., Sagot-Duvauroux D., op. cit.
(35) Les installations sont des sortes de sculpturescomposites qui s'insèrent dans un espace donnésont formées d'éléments multiples que l'artistedispose de façon singulière. Elles peuvent êtreéphémères ou durables.
(36) Les performances sont des oeuvres quis'apparentent à un spectacle vivant impliquantl'artiste soit comme acteur, soit comme metteur enscène.
(37) Michaud Y., L'art à l'état gazeux, Stock, Paris,2003, p. 10.
(38) Moureau N., Sagot-Duvauroux D., op. cit.
(39) Pour certains artistes, l'exposition constituemême la forme essentielle d'exploitation de leurcréation.
(40) Duchemin V., op. cit., p. 25.
(41) Kancel S., op. cit.
(42) Rouet F. (ed), Les tarifs de la culture, Ladocumentation française, 2002.
(43) Gaudrat P., « Les démêlés intemporels d'uncoule à succès : le créateur et l'investisseur »,RIDA, 190, 2001, 71-243.
(44) Conservateurs, grands collectionneurs,critiques, commissaires d'expositions, grandsmarchands.
(45) Heinich N.,, Le triple jeu de l'artcontemporain, Minuit, Paris, 1998 ; Moulin R.,« Le marché et le musée, la constitution desvaleurs artistiques contemporaines », Revue française de sociologie, 27 (3), 369-395, 1986.
(46) Dufour B., « Des expositions commeoeuvres de l'esprit », RIDA, 180, 3-85, 1989.