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Chroniques et opinions
01/01/2004
L'internationalisation croissante des litiges : les réponses apportées en matière de presse et de droit d'auteur par la proposition de règlement communautaire Rome II*
L'ESSENTIEL Ce dernier débat traite de l'internationalisation des procès dans les domaines de la presse et du droit d'auteur, et tout particulièrement de la loi applicable en la matière, aux vues des réponses apportées par le fameux Projet de règlement communautaire Rome II. Ce projet a pour ambition de déterminer la loi applicable aux obligations non-contractuelles (délits, quasi-délits et quasicontrats) et de ce fait procède d'une communautarisation du droit international privé. Dès lors, le juge saisi à l'intérieur de l'espace européen, est tenu d'appliquer une seule et même règle de conflit de lois désignant peu ou prou la même loi applicable. Par conséquent, le droit applicable dépend le moins possible de la juridiction saisie, évitant ainsi toute forme de forum shopping. Les solutions concrètes proposées à cette fin prêtent encore à discussion, notamment pour ce qui est du domaine de la presse dans la mesure où le projet retient la loi du lieu de réalisation du dommage. Les contributeurs, pour des raisons différentes, « auraient préféré une règle de conflit plus travaillée, capable d'offrir des solutions plus tranchées, spécialement dans l'hypothèse, fréquente en matière de presse, de la plurilocalisation du dommage».
LES ORGANISATEURS DE CE FORUM ont fait preuve d'ouverture d'esprit dans l'énoncé des différents thèmes susceptibles d'attirer notre attention toute une journée. À s'en tenir au seul programme de cette fin d'après-midi, sont ainsi mises en avant pas moins de deux questions principales : celle très générale d'un droit de la communication confronté à une Europe aux prises avec un double mouvement de construction et de résistance ; celle plus ciblée mais tout de même assez ...
Jean-Sylvestre BERGÉ
Professeur à l’Université de Lyon - Membre de l'Institut universitaire de ...
1er janvier 2004 - Légicom N°30
4460 mots
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(1) * Seul le thème du droit de la presse a pu être évoqué à l'occasion de ce forum, de sorte que la discussion n'a pas porté sur les aspects de droit d'auteur qui avaient été initialement envisagés.
(2) COM/2003/0427 final. Voir en annexe,différents extraits du texte.
(3) Convention de Bruxelles de 1968, plusieursfois modifiée, dont la version consolidée a étépubliée au JOCE C 27 du 26.1.1998, p. 1.
(4) Pour le texte de la convention entrée envigueur le 1er avril 1991 et telle que modifiée parles différentes conventions d'adhésion, lesdéclarations et les protocoles annexés, voir laversion consolidée publiée au JOCE n° C 27 du26.1.1998, p. 34.
(5) Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du22 décembre 2000, JOCE n° L 12 du 16.1.2001,p. 1, remplaçant la Convention de Bruxelles quireste cependant en vigueur pour les relationsentre le Danemark et les autres États membres.Livre vert sur la transformation de la Conventionde Rome de 1980 sur la loi applicable auxobligations contractuelles en instrumentcommunautaire ainsi que sur sa modernisation,COM(2002) 654 final.
(6) Une littérature abondante a été consacrée authème de la communautarisation du droitinternational privé. Voir en dernier lieu avec lesnombreuses références citées, M.-N. Jobard-Bachellier et J.-S. Bergé, « L'acquis et l'avenircommunautaire du droit international privé desconflits de lois », in La réception du droitcommunautaire en droit privé des Étatsmembres, éd. Bruylant 2003.
(7) Nous faisons référence ici à la célèbre affaireFarah Diba (Civ. 1re, 13 avril 1988, RCDIP 1988,546, note P. Bourel ; Clunet 1988, 752 noteB. Edelman). Pour une étude comparéed'ensemble, voir dernièrement avec lesnombreuses références citées, M. Decker,Aspects internes et internationaux de laprotection de la vie privée en droit français,allemand et anglais, Presses Universitairesd'Aix-Marseille, Marseille 2002.
(8) Pour une analyse des différentes solutionsretenues par le droit positif en matière de délitscomplexes, voir B. Ancel et Y. Lequette, Lesgrands arrêts de la jurisprudence française dedroit international privé, 4e éd. Dalloz, spéc. pp.173 et 174.
(9) Sur ce mécanisme en général, voir notamment:P. Mayer et V. Heuzé, Droit international privé,7e éd. Montchrestien, n° 199 s.
(10) Il aurait pu d'ailleurs en être autrement si lasolution initialement posée par l'avant-projet deproposition de règlement avait été retenue (Surcet avant-projet, voir : http://europa.eu.int/comm/dgs/justice_home/unit). Il avait été envisagé eneffet d'appliquer aux délits de presse la loi dupays de résidence habituelle de la victime. Cettesolution aurait véritablement tranché avec notredroit positif français. Perdant clairement de saneutralité, cette règle de conflit auraitdélibérément favorisé la victime, plus à même deconnaître son droit national que celui d'un paystiers. Mais cette solution n'a pas été retenue. Surcet avant-projet, voir l'analyse critique proposéepar C. Nourissat et E. Treppoz, Quelquesobservations sur l'avant-projet de proposition derèglement du Conseil sur la loi applicable auxobligations non contractuelles Rome II,Clunet 2003, p. 7.
(11) Laquelle au demeurant s'oriente semble-t-ilvers une application distributive des loisnationales dans le cas fréquent d'une pluralité delieux de réalisation du dommage. Bien que rendudans le domaine très spécifique du droit d'auteur,un arrêt récent a été invoqué au soutien de cetteanalyse : voir Civ. 1re 5 mars 2002, Gaz. Pal.2003, n° 50 à 51, p. 33 ; JCP 2002 II 10082, noteH. Muir Watt ; D. 2002, 2998 note N. Bouche;D. 2003, 58 note M. Josselin-Gall ; JCP E 2003,278, obs. H.-J. Lucas. Voir également sur cethème, la proposition formulée par M. Decker,op. cit., spéc. p. 325.
(12) Il s'agira du for du défendeur ou for du faitgénérateur du dommage ou du lieu de réalisationde celui-ci avec dans ce dernier cas unecompétence limitée à la réparation du préjudicesubi sur ce seul territoire. Pour une présentationd'ensemble des solutions, voir H. Gaudement-Tallon, Compétence et exécution des jugementsen Europe, 3e éd. LGDJ, § 209 et s.
(13) Pour une présentation synthétique desdécisions rendues en ce domaine par la Cour deStrasbourg, voir F. Sudre, Droit international eteuropéen des droits de l'homme, 5e éd. PUF,spéc. § 162 et s.
(14) On songe à deux exemples susceptiblesd'avoir une incidence directe ou indirecte dans ledomaine du droit de la communication. Lepremier touche à l'activité de télédiffusion et lesecond concerne le commerce électronique. Voiren particulier la directive 89/552/CEE relative àl'exercice d'activités de radiodiffusiontélévisuelle récemment modifiée par la directive97/36/CE (JOCE, n° L 202 du 30/07/1997) : « Art.2.1. Chaque État membre veille à ce que toutesles émissions de radiodiffusion télévisuelletransmises par des organismes de radiodiffusiontélévisuelle relevant de sa compétence respectentles règles du droit applicable aux émissionsdestinées au public dans cet État membre [ ];Article 2 bis. 1. Les États membres assurent laliberté de réception et n'entravent pas laretransmission sur leur territoire d'émissionstélévisées en provenance d'autres États membrespour des raisons qui relèvent des domainescoordonnés par la présente directive [ ]; ainsique la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 surle commerce électronique (JOCE n° L 178 du17 juillet 2000) : « Art. 3.1. Chaque État membreveille à ce que les services de la société del'information fournis par un prestataire établisur son territoire respectent les dispositionsnationales applicables dans cet État membrerelevant du domaine coordonné. 2. Les Étatmembres ne peuvent, pour des raisons relevantdu domaine coordonné, restreindre la librecirculation des services de la société del'information en provenance d'un autre Étatmembre. [ ] »
(15) Préc., v. supra § I. A.
(16) On relèvera cependant l'existence d'uneexception. La faculté offerte aux parties auxlitiges de choisir le droit qui leur est applicablepostérieurement à la réalisation du dommage n'estpas ouverte en cas de contentieux portant sur undroit de propriété intellectuelle (art. 10). Cetteexclusion peut surprendre dans la mesure où lesdroits de propriété intellectuelle n'appartiennentpas dans leur totalité à la catégorie des droitsindisponibles pour lesquels il n'existetraditionnellement aucune liberté de choix.
(17) L'avant-projet et les résultats de laconsultation sont disponibles surhttp://europa.eu.int/comm/dgs/justice_home/unit
(18) In « L'actualité du conflit de lois sur le droitd'auteur : bataille au pays des fantômes », Gaz.Pal. 25 et 26 juin 2003, n° 176 à 177, p. 8.
(19) Si la propriété intellectuelle n'a pas étépurement et simplement exclue du champd'application de la proposition de règlement, c'estprobablement que l'analyse que nous menons icipour le droit d'auteur ne vaut pas nécessairementpour tous les droits de propriété intellectuelle, enparticulier quand il s'agit de titres unitairescommunautaires (voir art. 8§2 de la proposition).De plus, on peut penser que la Commission n'apas voulu manquer cette occasion de permettre àla Communauté d'étendre son champ decompétence dans le règlement des conflits de loisintéressant ces matières.
(20) Il n'est pas permis ici de revenir surl'ensemble des solutions applicables en droitd'auteur international positif. Voir notammentpour un exposé complet des solutions, avec lesnombreuses références citées : A. et H.-J. Lucas,Traité de la propriété littéraire et artistique, 2eéd. Litec ; comparer notre analyse in Lamy Droitdes médias et de la communication, spéc. Études154 à 160, sept. 2003.