L'ESSENTIEL Ces deux contributions mettent en perspective les fondements européens des actions juridictionnelles menées en matière de presse et de droit d'auteur. Le droit de la presse comme le droit d'auteur sont des droits rattachés à la liberté d'expression, et donc tout naturellement à l'article 10 de la Conv. EDH. Reste que le cadre de leur étude est distinct. Le droit de la presse est une des facettes de la liberté d'expression alors que le droit d'auteur doit se concilier avec la liberté d'expression de manière à garantir le respect des droits reconnus aux auteurs sur leur uvre. Il s'agit dans cette hypothèse de concilier plus particulièrement le droit d'auteur avec la libre réception des uvres par le public. La liberté de la presse suit le régime de la liberté d'expression. Dès lors, les juges européens et nationaux mettent à l'épreuve de l'article 10 de la Convention les dispositions de la loi de 1881, qui ressort quelque peu amoindrie de ce test de compatibilité révélant des limites à la liberté d'expression non nécessaires dans une société démocratique. Par conséquent, il convient de préserver plus activement la liberté d'expression en recherchant d'autres fondements dans le texte de la Convention.
PAR UN ARRÊT en date du 13 novembre 2003, la Cour de cassation vient de rendre une décision importante et attendue dans l'affaire Fabris c/ France 2, première affaire à illustrer le conflit entre le droit d'auteur et le droit à la liberté d'expression consacré par l'article 10 de la Conv. EDH.Cette décision devrait avoir pour effet de limiter le recours à cette disposition comme défense à une action en contrefaçon, sans toutefois lui ôter tout intérêt dans certaines ...
Pascal KAMINA
Maître de conférences à l'Université de Poitiers
1er janvier 2004 - Légicom N°30
3840 mots
Veuillez patienter, votre requête est en cours de traitement...
(2) Cet article, rédigé à l'occasion du ForumLégipresse du 2 octobre 2003, reprend en partienotre étude « Droit d'auteur et article 10 de laCEDH, À propos de quelques affaires récentes, enFrance et en Europe », Légicom n° 25, 2001/2, p 7.
(3) Par exemple à l'article 11 de la Déclaration desDroits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.Le droit du public à l'information a été consacréimplicitement par la décision du Conseilconstitutionnel dans sa décision n° 82-141 du27 juillet 1982. La Cour de cassation a déduit ledroit du public à l'information d'une interprétationlarge de l'art. 1er de la loi du 30 septembre 1986sur la liberté de communication dans son arrêtFOCA du 6 février 1996. Voir J.-C. Galloux,« L'exclusivité de télédiffusion des événementsface au droit du public à l'information », JCP 1997,I, p. 4046; D. 1997, Somm. p. 85, obs. Hassler.
(4) Sunday Times, 26 avril 1979. « En outre, quoiquece motif particulier d'interdiction puisse avoir étépertinent au regard de l'article 10 par. 2 (art. 10-2), la Cour croit indispensable d'examinerl'ensemble des circonstances de l'espèce pourapprécier s'il était suffisant » (para. 63). AffaireBarthold c/ Allemagne, 25/03/1985 para 56.
(5) Arrêt Handyside, 7 décembre 1976, para 48.
(6) Ibid. ; également Sunday Times, 26 avril 1979.
(7) Néanmoins, leur pouvoir d'appréciation n'estpas illimité : « la Cour a compétence pour statuerpar un arrêt définitif sur le point de savoir si unerestriction [ ] se concilie avec la libertéd'expression telle que la protège l'article 10 (art.10) »; « la marge nationale d'appréciation vadonc de pair avec un contrôle européen » qui« porte tant sur la loi de base que sur la décisionl'appliquant, même quand elle émane d'unejuridiction indépendante » (Handyside, para. 49).La Cour en déduit qu'elle « n'a point pour tâchede se substituer aux juridictions internescompétentes », mais de contrôler « sous l'anglede l'article 10 (art. 10) les décisions qu'elles ontrendues dans l'exercice de leur pouvoird'appréciation » (para. 50). De même, ce pouvoird'appréciation varie pour chacun des butsénumérés à l'article 10 paragraphe 2.
(8) Art. 11 Décl. Dr. homme de 1989. Le droit dupublic à l'information a été consacréimplicitement par la décision du Conseilconstitutionnel dans sa décision n° 82-141 du27 juillet 1982. La Cour de cassation a déduit ledroit du public à l'information d'uneinterprétation large de l'art. 1er de la loi du 30sept. 1986 sur la liberté de communication dansson arrêt FOCA du 6 févr. 1996. Voir J.-C. Galloux, « L'exclusivité de télédiffusion desévénements face au droit du public àl'information », JCP 1997, I, p. 4046 ; D. 1997,Somm. p. 85, obs. Hassler.
(9) Sur cette jurisprudence, voir notre précédentarticle in Légicom n° 25, 2001/2, p 7.
(10) Notons cependant que plusieurs décisionsavaient eu l'occasion d'appliquer l'article 10 dela Conv. EDH dans des affaires mettent en causecertains droits fondamentaux comme le droit depropriété ou le droit à la vie privée.
(11) Voir la jurisprudence reproduite in M. Fabreet A. Gouron-Mazel, Convention européenne desdroits de l'homme, Application par le jugefrançais, 10 ans de jurisprudence, Litec 1998.
(12) Par exemple de A. Françon et A. Kéréver, op.cit. infra.; le même jugement suscitant, faitremarquable, un deuxième commentaire dans unemême revue, par B. Edelman, « Du mauvais usagedes droits de l'homme », D. 2000, chron. p. 455.
(13) D'où l'absence remarquable de doctrine surcette question, du moins avant C. Caron, « LaConvention européenne des droits de l'homme etla communication des uvres au public : unemenace pour le droit d'auteur ? », Comm. Comm.Elec., n° 1, octobre 1989, p 9.
(14) Ces mêmes auteurs ignorant cependant quele droit à la liberté d'expression ne permet delimiter le copyright que de manièreexceptionnelle, aux États-Unis, mais égalementen Grande-Bretagne (la cour d'appel de Londresayant rendu un jugement similaire à celui de laCour de cassation dans l'affaire )
(15) Par contraste, le Conseil d'État a eu recourstrès tôt au principe de proportionnalité,notamment pour le contrôle des mesures depolices restrictives des libertés publiques.
(16) B. Edelman parle ainsi dans son commentaire précité de « contentieux paradoxal ».
(17) Paris, 4e ch. 1, 30 mai 2001, Dalloz 2001n° 30 p 2504, note C. Caron ; PI 2001, 66, obs.A. Lucas.
(18) Passons sur la référence à l'article L. 122-9du code de la propriété intellectuelle, qui n'a rienà faire ici.
(19) Versailles, 1re ch., 20 déc. 2001 : RIDA 2002,n° 192, 448 ; IP 2002, n° 4, 55, obs. A. Lucas,qui rejette la défense tirée de l'article 10 CEDHdans une affaire mettant en cause la reproductiond'uvres d'art contemporain dans un magazinedu Front national (lesdites uvres ayant étéreproduites dans le cadre d'un article dénonçantdes gaspillages et comportant, semble-t-il, descommentaires très préjudiciables aux auteurs).Dans le même sens Paris, 4e ch. A, 12 déc. 2001,Juris-Data n° 161701 (reproduction du patrond'un modèle de vêtement dans un journal demode). V. cependant TGI Toulouse, 3e ch., 26sept. 2001, Légipresse 2001, I, 149, qui validesur ce fondement la reproduction d'un éditorialantérieurement publié dans un autre journal pourrendre compte de l'historique des débats ayantentouré une affaire.
(20) V. également l'arrêt NederlandseOmroepprogramma Stichting c/ Pays-Bas de laCommission du 11 juillet 1991, pourvoin° 13920/88, relatif aux exigences derémunération formulées par les propriétaires deterrains de sport auprès des organismes deradiodiffusion pour la retransmission desrencontres sportives s'y déroulant.