Aux termes de l'article 34 de la loi du 29 juillet 1881, seules sont condamnées les diffamations et injures envers la mémoire des morts lorsque leurs auteurs « auraient eu l'intention de porter atteinte à l'honneur ou à la considération des héritiers, époux ou légataires universels vivants». De quel recours peuvent alors disposer les héritiers en cas de diffamations commises envers des défunts, sans qu'eux-mêmes soient directement mis en cause? Le recours à l'article 1382 du code civil et aux règles de la responsabilité civile de droit commun a été prôné par la doctrine et différents tribunaux pour combler ce vide, mais deux arrêts de l'assemblée plénière de la Cour de cassation, en date du 12 juillet 2000, se sont prononcés pour une application exclusive de l'article 34 de la loi de 1881. La défense de la mémoire des défunts reste ainsi très minimaliste: le recours à l'article 1382 a montré ses limites, et la solution consistant à recourir à l'article 6-1 de la Convention internationale des droits de l'homme, qui consacre le droit pour chacun de voir sa cause entendue par un tribunal, reste une solution très incertaine et fragile. Dès lors, une réforme de l'article 34 de la loi sur la presse peut être souhaitée.
L'article 34 de la loi du 29 juillet 1881, qui institue le délit de diffamations et injures envers la mémoire des morts, connaît ces dernières années des rebondissements importants dont il n'est pas certain que le dénouement soit totalement achevé. Pour rappel, l'incrimination de l'article 34 ne sanctionne les diffamations et injures envers la mémoire des morts que « dans les cas où les auteurs de ces diffamations ou injures auraient eu l'intention de porter atteinte à l'honneur ou à ...
Catherine CHAMAGNE
Avocat à la Cour.
1er juillet 2002 - Légicom N°28
6044 mots
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(2) Voir par ex. TGI Nanterre, 5 nov. 2001,Chambron c/ Hachette, Légipresse n° 188, p. 13.
(3) Aux termes de l'article 1003 du code civil,« le legs universel est la dispositiontestamentaire par laquelle le testateur donne àune ou plusieurs personnes l'universalité desbiens qu'il laissera à son décès ».
(4) Cass. crim., 22 mars 1960, inédit.
(5) T. corr. Seine, 12 févr. 1931, inédit.
(6) CA Grenoble, 28 juin 1996, D. 1996, Flashn° 29, Légipresse n° 136-I p. 132.
(7) CA Paris, 6 juin 2002, Consorts Chamy c/Le Parisien Libéré, Légipresse n° 195-I, p. 126.
(8) Cass. 2e civ., 10 octobre 2002, B. c/ M., Jurisdatan° 2002-015760.
(9) TGI Paris, 10 janvier 2000, Pierre-Guillaumede R. et Jacqueline B., veuve de Dominique deR. c/ L'association Perpendiculaire et autres,publié sur le site www.legalis.net
(10) TGI Nanterre, 24 avril 2001, Ch. Blaiseépouse Villemin et autre c/ Hachette Filipacchi,Légipresse n° 183-I, p. 86. Voir également courd'appel de Grenoble, 28 juin 1996, Légipressen° 136-I, p. 132.
(11) C'est ainsi qu'a été jugée prescrite l'actionengagée par la veuve et les héritiers d'unhomme décédé contre une femme ayant faitpublier par voie de presse des avis d'obsèques etdes remerciements, laissant penser qu'elle étaitla maîtresse du défunt, l'acte introductifd'instance ayant été délivré plus d'un an aprèsl'avis litigieux, Comm. comm. électr.,juillet/août 2001, p. 29.
(12) TGI Paris, 3 juillet 1996, Légipresse n° 142-1, p. 67.
(13) Cour d'appel Paris, 11e ch. correctionnelle,1er juillet 1999, Juris-Data n° 1999-024925,confirmé par Cass., ch. crim., 27 juin 2000,pourvoi n° 99-85.306.
(14) L'arrêt retient très précisément qu'« enstatuant sur le seul fondement de l'article 34 de laloi du 29 juillet 1881 alors que les consorts X [ ]avaient demandé réparation de leur préjudice surle fondement de l'article 1382 du code civil, lacour d'appel de Paris a violé le texte susvisé ».
(15) Cass., ass. plénière, 12 juillet 2000, pourvoin° 98-11.155 (affaire C.) et pourvoi n° 98-10.160(affaire E.), Légipresse n° 175-III, p. 153 et 154
(16) JO, annales du Sénat, 2e séance du 30 juillet1919, p. 1357, Rapport de Monsieur Durieux,Conseiller rapporteur, sous Cass. ass. plénière,12 juillet 2000, publié sur le sitewww.courdecassation.fr
(17) Dalloz 1951, p. 119.
(18) Professeur Patrick Auvret, « Écrits et proposracistes », Juris-classeur Communication, fasc.n° 3150, n° 37, à jour au 1er août 1997.
(19) TGI Paris, 17e ch., 16 novembre 2000,Consorts Breyer c/ Calmann Lévy, Gaz. Pal.,15/16 déc. 2000, jur., p. 2434 du recueil.
(20) TGI Paris, 17e ch., 16 novembre 2000,Consorts Breyer c/ L'Express, Légipressen° 178-III, p. 15.
(21) Voir par exemple l'analyse d'AgatheLepage : « Il n'est pas interdit de penser quel'article 1382 conserve peut-être au-delà un rôleà jouer : tel serait le cas lorsque les faits encause ne trouvent racine dans aucune infractionde la loi de 1881. Alors sans doute l'article 1382doit pouvoir être invoqué, car il n'y a plus dansce cas concours avec la loi de 1881. » in Comm.comm. élect., oct. 2000, p. 31.
(22) TGI Paris, 14 juin 1989, Époux Bismuth c/Journal Thessaloniki, Gaz. Pal., 1990, p. 176.
(23) CA Paris, 4 juillet 1984, Époux Dewevrec/ France 2 et Grasset, Gaz. Pal., recueil dessommaires, p. 291.
(24) Voir par exemple, Cass. 2e civ., 6 mai 1999,Consorts Bolle c/ Le Point, Dalloz, 2000, somm.comm., p. 407, qui requalifie l'action engagéesur le fondement de l'article 1382 du code civilen diffamation envers la mémoire des morts.L'article incriminé avait publié des extraitsd'actes judiciaires relatifs à l'affaire Grégory,publication estimée fautive par les requérants.
(25) Voir par exemple : Cass. 2e civ., 8 mars2001, pourvoi n° 98-17.574, à propos dedessins et légendes obscènes poursuivis sur lefondement de l'article 24 alinéa 6 de la loi de1881 et subsidiairement sur l'article 1382 ducode civil. La Cour de cassation a rejetél'action aux motifs que « les dessins en causetournent en dérision la religion catholique, lescroyances, les symboles et les rites de lapratique religieuse, mais n'ont pas pour finalitéde susciter un état d'esprit de nature àprovoquer à la discrimination, la haine ou laviolence, et ne caractérisent pas l'infractionprévue par l'article 24 alinéa 6 de la loi du29 juillet 1881 ; qu'en l'état de ces seuls motifs,qui ne sont pas critiqués, aucune faute nepouvait être retenue sur le fondement del'article 1382 du code civil ».
(27) Cass. 2e civ., 29 novembre 2001, pourvoin° 98.20.529 P, Gaz. Pal., janv. 2002, p. 34.
(28) Cass. 2e civ., 8 mars 2001, pourvoi n° 99-14.995.
(29) Voir l'article de H. Leclerc, p. 71.
(30) TGI Paris, 23 juin 1999, Wildenstein c/Felocano, Légipresse n° 169-I, p. 22. Voirégalement TGI Paris, 10 janvier 2000 : « Attenduque les héritiers de la personne diffaméetiennent de l'article 6 de la conventioneuropéenne des droits de l'homme le droit desoumettre à un tribunal l'appréciation de leurprétention ; que si leur action n'entre pas dansles prévisions de l'article 34 de la loi du29 juillet 1881, ils peuvent poursuivre laréparation du dommage résultant de la mise encause fautive de leur ascendant sur le fondementde l'article 1382 du code civil ».
(31) TGI Paris, 1re ch., 19 mai 1999, Kaan c/Éditions du Seuil, Dalloz 2000, n° 39, p. 407.
(32) TGI Paris, 16 novembre 2000, Consorts B. c/L'Express et Consorts B. c/ Calmann Lévy (deuxespèces), Légipresse n° 178, Janv./Févr. 2001,p. 15 et s. ; Gaz. Pal., déc. 2000, p. 2434 et s.
(33) Dalloz 2000, n° 39, somm. comm., p. 407 33. CEDH, Arrêt Powell et Rayner, 21 févr. 1990.