Comme leur nom l'indique, les accords sur les aspects de droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), conclus en 1994 dans le cadre de l'OMC, s'inscrivent dans un contexte politique et juridique particulier. Ainsi, outre la promotion d'une protection efficace des droits de propriété intellectuelle, les accord ADPIC visent à contrôler ou prévenir les pratiques anticoncurrentielles en matière de concessions de licences ainsi que tout usage abusif des droits de propriété intellectuelle ou toutes pratiques restreignant le commerce. Les instances communautaires contrôlent de leur côté dans quelle mesure l'exercice de prérogatives de droits d'auteur peut porter atteinte au libre jeu de la concurrence.
INTRODUCTION: LE CONTEXTE HISTORIQUE (1) Les droits d'auteurs ont été consacrés par divers instruments juridiques internationaux spécifiques. Ils ont également été développés dans le cadre du GATS puis de l'OMC, au sein duquel ont été signés les accords ADPIC. Les Accords sur les aspects de droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) (2), établis à l'annexe I C à l'accord de Marrakech instituant l'Organisation mondiale du commerce, se sont inscrits dans ...
Joëlle INGBER
Avocat au barreau de Bruxelles, Assistante à l'Université libre de Bruxelles ...
1er avril 2001 - Légicom N°25
6182 mots
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(2) Nous remercions particulièrement Me CarolineFrancq, avocate au Barreau de Bruxelles, avec lacollaboration de laquelle le présent article a étérédigé, dans le cadre de la préparation communed'une intervention au cours d'un séminaire.
(3) Les autorités judiciaires seront habilitées àadopter des mesures provisoires sans que l'autrepartie soit entendue dans les cas où cela seraapproprié, en particulier lorsque tout retard est denature à causer un préjudice irréparable au détenteurdu droit ou lorsqu'il existe un risque. [...]
(4) A. Kerever « Le GATT et le droit d'auteurinternational : l'accord sur les aspects des droitsde propriété intellectuelle qui touchent au commerce», Rev. Trim. Dr. Com., 1994, p. 631 etss. ; M. Buydens « L'accord TRIP's et le droitd'auteur », IRDI 1997, p. 88 et ss.
(5) Dans les cas où des mesures provisoires aurontété adoptées sans que l'autre partie soit entendue,les parties affectées en seront avisées, sansdélai après l'exécution des mesures au plus tard.Une révision, y compris le droit d'être entendu,aura lieu à la demande du défendeur afin qu'ilsoit décidé, dans un délai raisonnable après lanotification des mesures, si celles-ci seront modifiées,abrogées ou confirmées.
(6) V. analyse exhaustive de l'accord effectuéepar F. Dehousse et F. Havelange, « Aspectsaudiovisuels des accords du GATT exception ouspécificité culturelle ? », in L'Europe et lesenjeux du GATT dans le domaine de l'audiovisuel,Bruxelles, Bruylant, 1994, p. 101 et ss.
(7) Sans préjudice des dispositions du paragraphe4, les mesures provisoires prises sur labase des paragraphes 1 et 2 seront abrogées oucesseront de produire leurs effets d'une autremanière, à la demande du défendeur, si uneprocédure conduisant à une décision au fondn'est pas engagée dans un délai raisonnablequi sera déterminé par l'autorité judiciaireordonnant les mesures lorsque la législationd'un membre le permet ou, en l'absence d'unetelle détermination, dans un délai ne devant pasdépasser 20 jours ouvrables ou 31 jours civilssi ce délai est plus long. »
(8) Ces dispositions ont deux objectifs fondamentaux: premièrement, faire en sorte que desmoyens efficaces de faire respecter les droits depropriété intellectuelle soient mis à la dispositiondes détenteurs de droits ; deuxièmement,veiller à ce que ces procédures soient appliquéesde manière à éviter la création d'obstaclesau commerce légitime et à offrir des sauvegardescontre leur usage abusif.
(9) Les différends entre membres de l'OMC relatifsau respect des obligations découlant del'Accord sont traités dans le cadre des procéduresde règlement des différends de l'OMC.
(10) D'une durée de 1,5 ou 11 ans pour se mettreen règle, selon qu'il s'agit de pays développés,en développement ou moins avancés.
(11) La référence explicite aux Traités OMPI du20 décembre 1996 sur les droits d'auteur et lesdroits voisins (WTC et WPPT Treaty) résultenotamment de l'opposition de divers États à ceque des matières organisées parfaitementjusque-là par les instruments OMPI, soient traitéesdans le cadre d'une organisation régissantle commerce international. V. aussi V.-L.Benabou, « Droits d'auteur, droits voisins, etdroit communautaire », op. cit.; p. 483;Y. Gaubiac, « De l'amélioration du dispositifnormatif de la convention de Berne », LesPetites Affiches, 11 janvier 1995, p. 10 à 19 ;A. Tankoana, « L'accord relatif aux aspects desdroits de propriété intellectuelle liés au commerce», Dr. Pr. Com. Int., 1994, n° 3 p. 431.
(12) Rappelons que la Belgique n'était liée quepar la version de Bruxelles de 1948 de laconvention de Berne.
(13) A. Otten, Économie et les droits d'auteurdans les conventions internationales, Paris,1994, p. 174.
(14) Article 9 in fine.
(15) La Convention de Berne ne comptait que111 États membres, tous soumis à des versionsdifférentes; la Convention universelle deGenève en comptait 95, et la Convention deRome, 47 en 1995.
(16) M. Buydens, « L'accord ADPIC : considérationsgénérales sous l'angle du droit d'auteur »,Annales de droit de Louvain, 1997/2, p. 149 ;C. Vilmart, « La protection des droits de propriétéintellectuelle dans les accords du GATT »,Gaz. Pal., 1994, p. 1172.
(17) Pour un aperçu complet de la question, v. F.De Visscher et B. Michaux, Précis du droitd'auteur et des droits voisins, Bruxelles,Bruylant, 2000, p. 569 et ss.; W. Cook,« Judicial Review of the EPO and the Directeffect of TRPI's in the European Community »,EIPR 1997, p. 368 et ss. ; Concl. Tesauro dansCJCE 16 juin 1998, Hermes, aff. C-53/96 Rec,1998, p. I-3606; Concl. Cosmas dans CJCE17 juillet 1997, Affish, aff. C-183/95, Rec.1997, p. I-4315; Concl. Elmer dans CJCE10 mars 1998, Port, aff. C-364 et 365/95, Rec.1998, p. I-1026.
(18) CJCE Rewe, aff. 158/80, Rec. 1981, p. 837 ;CJCE, U. Becker, aff. 8/81, Rec. 1982, p. 53 ;CJCE, 30 septembre 1987, Demirel, aff. 12/86,Rec. p. 3719 point 14 ; CJCE, 16 juin 1998,Racke, aff. C-126/96 point 32.
(19) Article 50: « Les autorités judiciairesseront habilitées à ordonner l'adoption demesures provisoires rapides eta) pour empêcher qu'un acte portant atteinte àun droit de propriété intellectuelle ne soit commiset, [...]
(20) Concl. Tesauro dans CJCE 16 juin 1998Hermes, aff. C-53/96 Rec., 1998, p. I-3606.
(21) Dernier considérant de la décision94/800/CE du 22 décembre 1994, JO n° L 336du 23 décembre 1994, p. 1.
(22) Concl. Tesauro dans CJCE 16 juin 1998Hermes, aff. C-53/96 Rec., 1998, p. I-3606,n° 31-35 ; F. De Vischer et B. Michaux, op. cit.
(23) J. Verhoeven, « Applicabilité directe destraités et intention des parties contractantes »,in Liber Amirocum E Krings, Bruxelles, StoryScientia, 1991, p. 895-905 ; F. De Vischer etB. Michaux, op. cit., p. 571.
(24) Civ Gand 5 avril 2000, IRDI 2000, p. 108(article 41 ADPIC) ; Prés. Comm Hasselt24 mars 2000, IRDI 2000, 147 (article 50 al 6) ;Prés. Civ. Bruxelles (réf) 30 juillet 1999 IRDI1999, 152 ; Pres Rb. Utrecht, 18 mars 1999,Info Recht 1999, p. 94 (article 50) dans cetarrêt, le président du tribunal considère que leréféré est une mesure provisoire au sens del'article 50, et a un effet direct. Il précise quedès lors, le demandeur doit intenter une procédureau fond dans un délai raisonnable qui estde trois mois à dater du jugement ; Pres. Rb'sGravenhage, 25 juillet 1998, Bijbl. Ind. Eig,1998, p. 244 (article 50 al 6) ; Rb Rotterdam,29 mai 1997, Bijbl. Ind. Eig, 1998, p. 101(article 50 al6) ; Bruxelles 28 janvier 1997,Ann. Prat. Comm & Conc. 1998, p. 655 ; Pres.Rb's Gravebhage, 20 novembre 1996, Bijbl.Ind. Eig. 1997, p. 178; Hof's Gravenhage,6 juin 1996, IER 1996, p. 187 ; d'autres décisionsantérieures (Hof's Hertogenbosch,30 octobre 1996, Bijbl. Ind. Eig., 1997, 85 etPrés. Amsterdam, 7 mars 1996, Bijbl. Ind. Eig.,1998, 309) avaient estimé que le référé néerlandaisne doit pas être considéré comme unemesure provisoire au sens de l'article 50, alinéa1 et 6 ADPIC.
(25) CJCE, 14 décembre 2000, Parfums ChristianDior SA c/ TUK Consultancy BV et Assco, C-300/98 et C-392/98, Rec. 2000, p. I-0000 ;V. aussi CJCE, 13 septembre 2001, aff. C 89/99Schieving-Nijstad vof c/ Robert Groenevled.
(26) Nous soulignons.
(27) Rec. 1994, I, p. 5267.
(28) Nous soulignons.
(29) P. Maier, « Le processus de négociation del'accord TRIP's », in L'Europe et les enjeux duGATT dans le domaine de l'audiovisuel,Bruxelles, Bruylant, 1994, p. 142 et ss.
(30) L'accord comporte trois clauses de traitementnational : celle qui lie les États parties àla Convention de Berne, par application duprincipe de neutralité visé à l'article 2 paragraphe2 ; la clause de traitement national viséeà l'article 5 de la Convention de Berne, qui estétendu par renvoi à tous les membres del'accord ADPIC en vertu de l'article 9 par. 1, etcelle qui figure à l'article 3 de l'accord ADPIC.
(31) La lecture de l'article 3 doit se comprendreà la lumière de la note de bas de page figurantà l'accord, aux termes de laquelle « aux fins desarticles 3 et 4 du présent accord, la protectionenglobera les questions concernant l'existence,l'acquisition, la portée, le maintien des droitsde propriété intellectuelle et les moyens de lesfaire respecter ainsi que les questions concernantl'exercice des droits de propriété intellectuelledont le présent accord traite expressément». V. pour une analyse complète del'étendue de l'application de la règle du traitementnational V.-L. Benabou, Droits d'auteur,droits voisins, et droit communautaire,Bruxelles, Bruylant, 1997, p. 489 et ss;J.-L. Pereau, « Les relations de l'OMC avecl'union européenne et l'Organisation mondialede la propriété intellectuelle après l'entrée envigueur de la convention de Marrakech », LesPetites Affiches, 11 janvier 1995 ; A. Kerever« Le GATT et le droit d'auteur international,l'ADPIC », Rev. Trim. Dr. Com., 1994, p. 642.
(32) De nombreuses discussions ont égalementporté sur l'utilité de cette clause de la nation laplus favorisée, dès lors que la règle du traitementnational existait déjà au sein du GATT et del'OMC: d'aucuns craignaient que par le biais decette clause, certains États voient étendu le bénéficede leur législation protectrice interne à l'undes ressortissants des membres ADPIC, sans pouvoirêtre assurés d'une réciprocité matérielle.Toutefois, ce principe connaît les limitations énoncéesà l'article 4 d, qui stipule : « Sont exemptésde cette obligation tous les avantages, faveurs,privilèges ou immunités accordés par un membre[ ] d) qui découle d'accords internationaux serapportant à la protection de la propriété intellectuellequi ont pris effet avant l'entrée envigueur de l'Accord instituant l'OMC [ ] ».
(33) Nous renvoyons aux articles 41 et suivantsqui organisent les moyens de faire respecter lesdroits de propriété intellectuelle.
(34) CJCE, 29 février 1968, Parke Davis/Cantrafarm, aff. 24/67, Rec. 55; CJCE,18 février 1971, Sirena/Eda, aff. 40/70, Rec. 69 ;CJCE, 8 juin 1971, DeutscheGrammophon/Metro, aff. 78/70, Rec. 847;CJCE, 13 février 1979, aff. 86/79, Hoffman-LaRoche Rec. 520 ; CJCE, 14 février 1978, aff. 26 :76 United Brands, Rec. p. 207; CJCE, 5 octobre1988, aff. 247/86 Alsatel C Novasam, Rec.p. 5987; CJCE, 6 avril 1995, aff. C 241 et C-242/91, RTE et consorts/Commission et MagillTV Guide Rec. p. 743; v. M. Demeur, « Objetdes droits de propriété intellectuelle et licencesobligatoires dans le droit de la concurrence », inMélanges en hommage à M. Waelbroeck, p. 847et ss. V.-L. Benabou, op. cit., p. 549 et ss.
(35) Van Innis, op. cit., p. 481; CJCE,13 novembre 1975, aff. 26/75, General Motorsc/ Commission, Rec. p. 1379.
(36) CJCE, 6 avril 1995, aff. C 241 et C 242/91,Magill ; op. cit. CJCE, 5 octobre 1988, aff.238/87, Volvo c/ Veng, Rec. 6211, CJCE,15 juin 1976, aff. 51/75 EMIC CBS, Rec. p. 850,p. 851; CJCE 23 mai 1978, aff. 102/77,Hoffman-La Roche, op. cit.
(37) V. affaire des briques, analysée ci-après.
(38) À propos de laquelle de nombreux commentairesauxquels nous renvoyons ont étéécrits : v. notamment : V.-L. Benabou, op. cit. ;O. Regnier, « Droits de propriété intellectuelleet concurrence dans l'affaire Magill : vraimalaise ou faux conflit » ? Auteurs & Media,1996, p. 29 ; H. Calvet et Th. Desurmont« L'arrêt Magill : une décision d'espèce ? »,RIDA 1996, p. 167 ; M. Waelbreock, « L'arrêtMagill : quel avenir pour le droit d'auteur ? »,Bruxelles, Bruylant, 1997.
(39) V. à ce propos les développements de V.-L.Benabou, op. cit., p. 208.
(40) CJCE, 26 novembre 1998, aff. C 7/97, OscarBronner c/ Mediaprint, Rec. 1998, 179.Relevons que de manière paradoxale, laCommission invoque cette affaire à l'appui deson raisonnement dans l'affaire des briques.Ainsi, dans l'affaire des briques, c'est en réalitéle contenu d'un procédé marketing qui a étéprotégé par le biais du critère de la forme(condition de protection du droit d'auteur).
(41) La Commission a jugé en réalité que lerisque de préjudices graves et irréparables pourNDC, qui a officiellement porté plainte, entraînaitla nécessité d'octroyer des mesures provisoires.Elle a fondé cette décision sur la justificationsuivante : sans une licence pour lastructure en 1 860 segments, les opérations enAllemagne de NDC et AzyX sont dans uneposition financière très précaire et il existe unrisque grave qu'ils se retirent du marché dansun avenir proche, ce qui aurait pour résultatd'éliminer toute concurrence sur le marché.
(42) Une telle mesure est rarissime dans la pratiquecommunautaire.
(43) Rappelons que l'existence d'un droitd'auteur sur cette structure a été confirmée àplusieurs reprises par les juridictions allemandesqui ont d'ailleurs condamné les sociétésconcurrentes qui faisaient usage de cettestructure sans l'autorisation de l'auteur.
(44) Dont nous n'avons abordé qu'une infimepartie, liée aux droits d'auteurs tels qu'ils sontorganisés dans les accords ADPIC.