Si le droit de prêt est reconnu tant par les textes français que par les textes communautaires, son ineffectivité donne naissance aux plus virulents débats et a conduit le ministère de la Culture à élaborer un projet de loi sur les bibliothèques. Son ambition est de favoriser le développement de la lecture publique tout en garantissant aux auteurs une rémunération équitable du prêt public de leurs uvres, prêt public qui se heurte aux règles de la propriété intellectuelle, tout spécialement au droit de destination qui est celui des auteurs. Ces derniers se sont réunis en une société collective, la SOFIA, qui gérera les fond issus du droit de prêt et qui est d'ores et déjà un gage de l'effectivité prochaine de ce droit.
LES AUTEURS, tous les auteurs, mais ceux d'écrits principalement, peuventils interdire le prêt public des exemplaires de leurs uvres ? Sont-ils titulaires d'un droit de prêt ? La question n'est pas nouvelle. Henri Desbois y apportait déjà une réponse affirmative en 1966, dès la deuxième édition de son traité (1). Par la suite, tous les juristes qui ont étudié le prêt public se sont ralliés à ses conclusions : non seulement le droit de prêt existe en France mais son ...
Christophe Alleaume
Professeur à l’Université de Caen Basse-Normandie, Directeur de l’Institut ...
1er janvier 2001 - Légicom N°24
5074 mots
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(2) Le droit d'auteur en France, 2e éd. 1966 et 3eéd. 1978, n° 288.
(3) Gautier (P.-Y.), Propriété littéraire et artistique,PUF, 1999, 3e éd., n° 156 ; Lucas (A.),Droit d'auteur et numérique, Litec, 1998,n° 284 s. ; Lucas (A.) et Lucas (H.-J.), Traité depropriété littéraire et artistique, Litec, 2001,2e éd., n° 256 ; Nguyen Duc Long (Chr.) etSirinelli (P.), Les droits patrimoniaux, étude121, Lamy droit des médias et de la communication,février 2000, n° 41s. ; Pollaud-Dulian (F.),Le droit de destination. Le sort des exemplairesen droit privé, LGDJ, 1989. V. également notrethèse, Le prêt des uvres de l'esprit, Caen, 1997,n° 61s. et Réflexions sur le prêt dans les bibliothèques,Légipresse, n° 156, novembre 1998,p. 134s. ; Pierrat (E.), Droit de prêt : un état deslieux juridique en prélude à une intervention politique,Légipresse n° 173, juillet/août 2000.
(4) Lire notamment : Laclavetine (J.-M.), Adversairesou partenaires, Le Monde, 29 février 2000 ;Chateaureynaud (G.-O.), Le droit d'auteur est undroit de l'homme, Le Monde, 18 mars 2000 ;Éveno (P.), Veut-on le livre moribond ou conquérant?, Le Monde, 18 mars 2000 ; Coupry (F.),N'oubliez pas le guide, Le Monde, 18 mars 2000 ;David (C.), L'écriture n'est pas un bien naturel,Le Nouvel Observateur, mars 2000 ; Gèze (F.),La double nature du livre, Le Monde, 23 mars2000 ; Onfray (M.) Les bégonias de Chateaureynaud,Le Monde, 23 mars 2000 ; Mazon (R.),Droit de prêt. Les scénarios de mise en uvre,La Gazette, 22 mai 2000 Lindon (J.), Ceslibraires dont le rôle est vital , Le Monde, 21 septembre1999 ; Boscavert (M.), Irrempla-çable lecturepublique, Le Monde, 4 octobre 1999 ; articlecollectif, Les auteurs parlent aux lecteurs, LeMonde, 12 octobre 1999.
(5) Comp., à propos de la durée des droitsd'auteur : Si l'on accorde cinquante ans, pourquoipas la perpétuité ? Qui donc peut empêcherla reconnaissance de la seule propriété qui se trouve constituée sans la terre et la pierre ? [ ]Ici se dresse un mot terrible : l'Intérêt Public !Messieurs, prenez garde. L'Intérêt Public,l'Humanité, voilà l'argument des adversaires dela propriété perpétuelle de vos champs et de vosmaisons , Balzac (H. de), note adressée le3 mars 1841 aux membres de la commission parlementairechargée d'étudier la révision de la loisur la propriété littéraire, reproduite à la RIDA, V,octobre 1954, p. 124.
(6) Comp. Cornu (G.), Introduction au droit. Lespersonnes. Les biens, Montchrestien, 1999,9e éd., n° 22.
(7) Salles (A.), Catherine Tasca veut régler laquestion du prêt payant avant la fin de l'année,Le Monde, 3 juin 2000.
(8) ALAI, L'importance économique du droitd'auteur. Problèmes posés par la distributiond'exemplaires d'uvres protégées parle droit d'auteur, Journées d'études, Munich,6/7 octobre 1988, p. 91.
(9) Sur l'abus des droits d'auteur en général,Caron (Chr.), Abus de droit et droit d'auteur, Irpi-Litec, 1997. - Sur l'abus du droit de prêt,Bénabou (V.-L.), Droit d'auteur, droits voisins etdroit communautaire, Bruylant, 1997, n° 584.
(10) Exposé des motifs de la proposition de directivedu Conseil relative au droit de location et deprêt et à certains droits voisins,Com. (90) 586 final, n° 1.4, p. 43.
(11) V., notre thèse, préc., n° 98s. et l'art. préc.,Réflexions , Légipresse n° 156, novembre1998, p. 134.
(12) Mais alors que l'Espagne, l'Italie et la Grèceont modifié leur législation à la suite de la directivede 1992 (ce qui ne veut pas dire que le droitde prêt soit devenu effectif dans tous ces pays ;mais au moins y a-t-il eu une réaction de leurgouvernement ), la France n'a pas réagi. L'apathieest totale dans les textes et dans la pratique(du moins en droit positif, car il y a quand mêmeeu quelques déclarations pour soutenir que tout allait pour le mieux dans le meilleur desmondes par ex. : rép. min., mai 1996,Légipresse n° 132, Juin 1996, IV, p. 60).
(13) Coupry (F.), art. préc.
(14) Pollaud-Dulian (F.), Le droit de prêt : unerevendication légitime des auteurs, JCP, éd. G.,2000, Actualité, p. 891s.
(15) V., notre thèse, préc.
(16) Chiffres donnés par la Société française desintérêts des auteurs de l'écrit (www.la-sofia.org).
(17) Art. préc.
(18) Art. préc. Également, Pollaud-Dulian (F.), art.préc. : « On ne conçoit pas que le médecin ne soitpas payé sous prétexte du droit à la santé ».
(19) Dans cet État, les usagers paient partiellementle droit de prêt (les collectivités locales complètent).Il s'agit soit d'un paiement à l'acte, soitd'un paiement forfaitaire à l'occasion de l'inscriptionannuelle. 68 millions de francs ont ainsiété dégagés en 1999. À la suite de l'instaurationde ce système, en 1997, le nombre des empruntsn'a reculé que de 2,5 %. V. Le droit de prêt àtravers le monde , Le Monde, 3 juin 2000.
(20) Borzeix (J.-M.) et Pré (J.-W.), La question dudroit de prêt dans les bibliothèques, rapport pourMme la Ministre de la Culture et de laCommunication, juillet 1998, p. 59 s. et p. 70 s.
(21) Une somme de 1 franc par prêt permettraitdéjà à la France de distribuer plus d'argentqu'aucun autre État membre de l'Union européenne,dans lesquels les sommes réparties sontsouvent, à l'exception du Danemark (135 millions),inférieures à 100 millions de francs(Allemagne, par ex. : 80 millions). Rappelonsqu'on évalue le nombre total des prêts consentispar l'ensemble des bibliothèques françaises à 200millions.
(22) Malaurie (Ph.) et Aynès (L.), par Gautier(P.-Y.), Droit civil. Les contrats spéciaux civils etcommerciaux, Cujas, 1999, 13e éd., n° 911.
(23) Contra : rap. préc., p. 59s.
(24) V. notre art. préc., p. 137
(25) www.la-sofia.org
(26) La précision finale est, on l'a vu, inutile,mais montre combien la situation française n'estdécidément pas claire dans l'esprit des principauxintéressés.
(27) Cette mission est d'ailleurs essentielle, etconcerne au premier chef les bibliothèquespuisque l'on sait qu'une partie de celles-ci, lesbibliothèques universitaires notamment, souhaitentque leurs usagers bénéficient sur les réseauxdes mêmes services que dans leurs locaux. Plutôtque d'emprunter un livre pour le photocopier,l'étudiant pourrait, de son domicile, téléchargerdirectement les pages qui l'intéressent.
(28) Sur la distinction apport en gérance/apport enpropriété, Gautier (P.-Y.), Propriété littéraire etartistique, préc., n° 405. La SOFIA est doncmandataire de ses associés. N'ayant pas reçu dedroits sur l'uvre, elle ne sera pas titulaire del'action en contrefaçon (pour le prêt public, card'autres droits sont apportés (v. art. 3.1 des statuts)pour lesquels les écrivains ont le choix entresimple apport en gérance et véritable apport enpropriété).