Le développement fulgurant des sites internet proposant des jeux de hasard contre argent, qu'il s'agisse de cybercasinos ou de loteries virtuelles, pose la question de l'application de la loi pénale française à ce nouveau phénomène. En effet, les jeux de hasard sont soumis sur notre territoire à une réglementation très stricte, assortie de lourdes sanctions pénales. Or, l'analyse des éléments constitutifs du délit de participation à la tenue d'une maison de jeu ainsi que des dispositions du code de la consommation relatives aux loteries tend à prouver que les textes existants pourraient trouver application et permettraient d'appréhender les organisateurs de cybercasinos.
FORMIDABLE OUTIL de communication, l'internet est en train de devenir un nouveau lieu de prédilection pour l'organisation de jeux et de divertissements de toutes sortes. Certains opérateurs économiques l'ont bien compris et l'on voit apparaître, depuis quelques mois, une multitude de sites organisant ponctuellement ou en permanence des jeux faisant appel au hasard, voire de véritables casinos virtuels. Compte tenu du développement croissant de ce phénomène, il est intéressant de ...
Christophe PECNARD
Associé Avocat à la Cour, NomoS
1er janvier 2000 - Légicom N°21
3273 mots
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(2) Selon l'article 113-2 du code pénal, la loipénale française est applicable aux infractionscommises sur le territoire de la République.L'infraction est réputée commise sur le territoirede la République dès lors qu'un de ses faitsconstitutifs a eu lieu sur ce territoire. Dans unjugement du 1er novembre 1998, le TGI deParis a retenu sa compétence dès lors que letexte à caractère révisionniste : « diffusé depuisun site étranger, a été reçu et vu dans le ressortterritorial du tribunal de Paris ». Une telleinterprétation n'est pas sans soulever certainesquestions tant juridiques que techniques comptetenu de la nature même de l'internet, réseaumondial interconnecté sans aucune frontière,auxquelles la jurisprudence devra apporter desréponses.
(3) Voir l'intéressant article de Thibault Verbiest :« Les casinos virtuels : Une nouvelle cybercriminalité? », Expertises, Juin 1999, p. 184 etsuivantes.
(4) Les personnes morales peuvent être égalementdéclarées responsables pénalement dansles conditions prévues par l'article 121-2 ducode pénal, des infractions prévues par la loi de
(1984) La peine d'amende encourue est alorsd'un million de francs (article 131-38 du codepénal).
(5) En l'absence d'un seul de ces éléments,l'infraction n'est pas constituée. Sur une analysedétaillée des éléments constitutifs de cetteinfraction, voir l'article de Pierre Decheix,« Jeux, loteries et paris », Fascicule 10,Jurisclasseur Pénal Annexes - 1998.
(6) Jeu-Pari p. 7, Répertoire pénal Dalloz,novembre 1996.
(7) Dans l'hypothèse où le casino virtuel n'estaccessible qu'aux personnes ayant reçu desinvitations personnelles ou nominatives, l'applicationde l'article 1er de la loi de 1983 devraitêtre écartée sauf si ces invitations sont trop largementdistribuées.
(8) Cass. crim, 5 janvier 1877.
(9) Article 410 de l'ancien code pénal qui prévoyaitnotamment que « ceux qui auront tenu unemaison de jeux de hasard, et y auront admis le public, soit librement, soit sur la présentation desintéressés ou affiliés, les banquiers de cette maison,tous ceux qui auront établi ou tenu des loteriesnon autorisées par la loi, tous administrateurs,préposés ou agents de ces établissementsseront punis d'un emprisonnement de deux moisau moins et de six mois au plus, et d'une amendede 360 F à 30 000 F ». L'article 1er de la loi du12 juillet 1983 découle directement de cet article410.
(10) Cass. crim, 4 juillet 1913.
(11) Jeu-Pari, p. 8 et 9, § 44 & 53, Répertoirepénal Dalloz novembre 1996.
(12) P. Bouzat, Rev.sc.crim.1974, 114 sous Cass.crim, 28 juin 1973 ; D. Fortin, note sousT.corr.Rouen, 27 octobre 1978, D.1979.148 ;R. de Lestang, obs. JCP1973.II.17578, sousCass. crim, 28 juin 1973.
(13) Cf. supra, article de Pierre Decheix.
(14) Casinos sur Internet : un jeu à risques,Sylvain Staub et Marc d'Haultfuille LesÉchos du lundi 13 mars 2000.
(15) Une telle interprétation, qui va au-delà dela jurisprudence actuelle de la Cour de cassation,ne manquera pas de soulever certainescontroverses s'agissant d'un texte pénal pourlequel une interprétation stricte devrait présider.
(16) Cf. supra note 2.
(17) Sur la question de la responsabilité desfournisseurs d'accès et des fournisseursd'hébergement, voir les dispositions du projetde loi adopté par l'Assemblée nationale endeuxième lecture, le 23 mars 2000, modifiant laloi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relativeà la liberté de communication (Disponible surle site http://www.assembleenationale.fr). Voirégalement, en ce qui concerne la responsabilitédes fournisseurs d'hébergement, l'affaireEstelle Hallyday (Ordonnance de référé du9 juin 1998 du président du TGI de Paris &arrêt de la cour d'appel de Paris), et l'affaireLynda. L (TGI Nanterre, 8 décembre 1999).
(18) La directive communautaire sur le commerceélectronique, adoptée le 4 mai 2000, comportecertaines dispositions sur la responsabilitédes prestataires intermédiaires de l'internet.Toutefois, l'article 1er, § 5, d), de ladite directive,prévoit expressément que la directive n'estpas applicable : « aux activités de jeuxd'argent impliquant des mises ayant une valeurmonétaire dans des jeux de hasard, y comprisles loteries et les transactions portant sur desparis ».
(19) « Les loteries de toute espèce sont prohibées ».
(20) L'article 3 de la loi du 21 mai 1836 renvoiepour les peines encourues à l'alinéa 2 del'article 2 et à l'article 3 de la loi du 12 juillet1983 sur les jeux de hasard. La responsabilitédes personnes morales peut être égalementengagée (1 000 000 francs d'amende au maximum).
(21) Article 4, alinéa 1er, de la loi du 21 mai1836.
(22) Cette condition d'intervention du hasard estremplie dès lors que le hasard tient une placequelconque, si minime soit-elle, dans la déterminationdes résultats.
(23) Lettre de la DGCCRF en date du 23 juin1992 au président des entreprises de vente parcorrespondance. Il convient de souligner quen'est interdit que le sacrifice pécuniaire nécessairepour participer à la loterie. En revanche,les frais de mise à disposition du lot gagné supportépar le participant (ex : frais d'envoi dulot) ne confèrent pas un caractère onéreux à laloterie (Cass.crim, 21 novembre 1989).
(24) Tribunal correctionnel de Lille, 3 novembre1989.
(25) CA Paris, 18 janvier 1989.
(26) Dans ce jugement, le tribunal de commercede Paris considère que les loteries comportantun canal gratuit : « ne sont interdites paraucun texte et doivent donc être dites licitesdans leur principe. S'il y a naturellement lieude vérifier la réalité du canal gratuit permettantde participer à la loterie sans pourautant acheter les produits porteurs de l'opérationpublicitaire et le respect d'une certaineforme d'équité entre les deux modes de participationà la loterie, celle-ci doit être déclaréelicite dès lors que ces conditions sont remplies[...]. C'est en s'appuyant sur cet unique jugementque sont organisées, aujourd'hui, les loteriesdites à double voie. Il convient de rappelerque, postérieurement à ce jugement, cetype de loteries avait été jugé illicite par plusieursjuridictions (CA Paris, 28 avril 1971 ;CA Paris, 13 novembre 1973 ; CA Lyon,1er mars 1978).
(27) Ce remboursement peut être effectué surune base forfaitaire. Toutefois, la base retenuedoit être suffisante pour intégrer le tempsnécessaire pour prendre connaissance du règlementdu jeu et participer au jeu. Il peut êtreprécisé que la demande de remboursement serafaite sur demande écrite du participant. Danscette hypothèse, les frais d'envoi de cettedemande doivent être remboursés (ex : sur labase du tarif lent en vigueur).
(28) L'article L. 121-36, alinéa 1er, du code de laconsommation, précise : « les opérations publicitairesréalisées par voie d'écrit qui tendent àfaire naître l'espérance d'un gain attribué àchacun des participants, quelles que soient lesmodalités de tirage au sort, ne peuvent êtrepratiquées que si elles n'imposent aux participantsaucune contrepartie financière ni dépensesous quelque forme que ce soit ».
(29) Absence de participation financière, nidépense sous quelque forme que ce soit ; distinctiondes documents composant l'opérationpublicitaire ; absence de confusion avec undocument administratif ou bancaire libellé aunom du destinataire ou avec une publication dela presse d'information ; inventaire lisible deslots ; reproduction d'une mention spécifiquesur le règlement de la loterie ; présence d'unofficier ministériel.
(30) Sous peine d'une amende de 250 000 francsau plus.
(31) Cass. crim, 30 octobre 1995, confirméenotamment par Cass. crim, 1er octobre 1997.
(32) Assemblée nationale, 21 mai 1990, page2382.
(33) Tribunal correctionnel de Lille, 6 juillet1990.
(34) Régis Fabre, Droit de la publicité et de lapromotion des ventes, §688 & 689, Dalloz(1996)
(35) Olivier Benoit & Francis Delbarre, Laréglementation des loteries après l'arrêt de laCour de cassation du 30 octobre 1995, BRDA96-4, p. 15 et suiv.
(36) Journal officiel du 14 mars 2000, p. 3968.
(37) Voir par exemple, l'article de FabriceNaftalski, La publicité sur internet un espacetrès réglementé, Les Échos, 21/04/2000.
(38) À titre d'exemple, dans un arrêt du 31 mars2000, la cour d'appel de Rennes n'a pas manquéde souligner : « un site internet est susceptiblede constituer un support publicitaire :il permet la communication au public de texteset d'images, destinés éventuellement à présenterau public le consultant des marques, desservices et des marchandises et à inciter à laconclusion de contrats avec les consommateurspotentiels » . Dans cet arrêt, la cour d'appel acondamné une banque pour n'avoir pas respectéles mentions posées par l'article L. 311-4 ducode de la consommation exigées pour unepublicité sur un crédit à la consommation.