Dans plusieurs décisions récentes, la Cour de cassation a affirmé la réalité de la protection de l'image, par l'article 9 du code civil issu de la loi de 1970 destinée à protéger la vie privée. Dans de nombreux cas la protection de l'image est ainsi intégrée à celle de la vie privée alors même que dans certains de ces cas l'atteinte à l'une n'impliquait nullement une violation de la seconde. Certains voient dans cette jurisprudence une dérive faisant de l'article 9, protecteur de la vie privée, droit extrapatrimonial, un instrument de protection d'intérêts purement patrimoniaux. L'auteur montre ici que la protection plus large des droits de la personnalité par l'article 9 leur confère ainsi une légitimité.
L'ANNÉE 1998 a-t-elle sonné le glas des velléités d'autonomie du droit à l'image ? Certaines décisions de la Cour de cassation peuvent le laisser penser, qui attestent de l'absorption de ce droit par les dispositions légales relatives à la protection de la vie privée. Deux arrêts de la première chambre civile, l'un du 13 janvier 1998 (1), l'autre du 16 juillet 1998 (2), ont ainsi fait directement dériver le droit à l'image de l'article 9 du code civil qui garantit à toute personne ...
Grégoire Loiseau
Professeur à l'École de droit de la Sorbonne - Université de Paris 1 ...
1er octobre 1999 - Légicom N°20
3603 mots
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(2) Bull. civ., I, n° 14 ; JCP 1998, II, 10082, noteG. Loiseau ; Légipresse 1998, n° 152-II, p. 77,note E. Derieux ; D. 1999, p. 120, noteJ. Ravanas ; D. 1999, somm., p. 167, obs.C. Bigot.
(3) Bull. civ., I, n° 259 ; D. 1998, inf. rap.,p. 210 ; JCP 1998, IV, 3128 ; D. 1999, p. 541,note J.C. Saint-Pau.
(4) V. aussi Cass. 2e civ., 11 février 1999, JCP1999, IV, 1615. Adde TGI Nanterre, 9 juin1998, Légipresse 1999, n° 161-I, p. 51, qui jugeque le droit au respect de la vie privée s'étendau droit à l'image. - CA Paris, 19 juin 1998,D. 1998, inf. rap., p. 204, qui juge qu'il résultede l'article 9 du code civil que toute personnea le droit de voir respecter sa vie privée etde s'opposer à la diffusion sans son autorisationde son image. - TGI Paris, 5 février 1999,Légipresse 1999, n° 161-I, p. 52, qui relève quele droit à l'image constitue un aspect du droitau respect de la vie privée.
(5) JCP 1999, II, 10044, note G. Loiseau ;D. 1999, p. 106, note B. Beignier.
(6) TGI Paris, 3 mars 1999, Légipresse 1999,n° 161-I, p. 59 ; V. aussi TGI Nanterre,24 février 1998, Légipresse 1998, n° 157-I,p. 147 ; CA Versailles, 11 mars 1998, D. 1999,inf. rap., p. 230, à propos de la publication dela photographie d'une personne nue.
(7) V. par exemple, Cass. 2e civ., 5 mars 1997,D. 1998, p. 474, note J. Ravanas.
(8) TGI Paris, 13 mai 1998, Légipresse 1999,n° 159-I, p. 27.
(9) CA Versailles, 8 avril 1999, Légipresse 1999,n° 163-I, p. 91.
(10) Par exemple, TGI Nanterre, 27 octobre 1998,Légipresse 1999, n° 159-I, p. 19. TGINanterre, 14 avril 1999, Légipresse 1999,n° 164-I, p. 100.
(11) Par exemple, TGI Paris, 23 octobre 1996,Légipresse 1997, n° 141, I, p. 52.
(12) Précité note 2.
(13) Par exemple, TGI Seine, 18 mars 1966,D. 1966, p. 566, Note F.P. - TGI Seine, 13 mars1968, Gaz. Pal. 1968, 1, p. 379. - TGI Grasse,27 février 1971, JCP 1971, II, 16734, noteR. Lindon. - TGI Paris, 27 avril 1971, JCP 1971,II, 16804, note Toulemon.
(14) Mieux vaudrait sans doute en appeler aulégislateur pour modifier l'article 9 et lui donnerun contenu plus général. La formule suivantepourrait être retenue : « Chacun a droitau respect de sa personnalité et, notamment, desa vie privée, de son image, de son nom ou desa voix ».
(15) Précité, note 1.
(16) Ces prétentions, qui n'apparaissent pas à lalecture de l'arrêt, ressortent de la décision de lacour d'appel et des moyens du pourvoi annexésà l'arrêt.
(17) L'arrêt du 13 janvier 1998 est certes entrompe l'il et ne dit rien de la nature des prétentionsdu demandeur. Il n'en demeure pasmoins que le pourvoi dont la Cour de cassationétait saisie en faisait lui clairement état.
(18) Sur le caractère patrimonial que peut présenterle droit à l'image, voir TGI Lyon,17 décembre 1980, D. 1981, p. 202, noteR. Lindon et D. Amson. - TGI Marseille, 6 juin1984, D. 1985, somm., p. 323, obs. R. Lindon.- CA Paris, 10 décembre 1985, Juris-Datan° 85-27616. - TGI Paris, 25 novembre 1987,Juris-Data n° 87-45166. - TGI Aix-en-Provence,24 novembre 1988, JCP 1989, II, 21329, noteJ. Henderycksen et, en appel, CA Aix-en-Provence, 21 mai 1991, RJDA 1991, n° 756. -CA Paris, 2 février 1993, D. 1993, inf. rap.,p. 118. - TGI Paris, 4 août 1995, RIDA 1996,n° 167, p. 291. - CA Paris, 10 septembre 1996,D. 1998, somm., p. 87, obs. C. Bigot. - TGIParis, 22 octobre 1997, Légipresse 1998,n° 149-I, p. 18.
(19) Sur la nécessité, de façon générale, deconsacrer en tant que telle l'existence de droitspatrimoniaux de la personnalité, voirG. Loiseau, Des droits patrimoniaux de la personnalitéen droit français, McGill LawJournal 1997, p. 328 et s.
(20) Précité note 4.
(21) TGI Paris, 13 janvier 1997, D. 1997, p. 255,note B. Beignier ; JCP 1997, II, 22845, noteM. Serna ; Légipresse 1997, n° 139-III, p. 21,obs. T. Hassler et V. Lapp ; Petites affiches9 juillet 1997, p. 28, note E. Derieux etF. Gras ; D. 1998, somm., p. 87, obs. C. Bigot ;RTD civ. 1998, p. 72, obs. J. Hauser.
(22) CA Paris, 2 juillet 1997, D. 1997, p. 596,note B. Beignier.
(23) V. déjà Cass. Crim., 21 octobre 1980, Bull.crim., n° 262 ; D. 1981, p. 72, note R. Lindon ;Rev. sc. crim. 1981, p. 878, note G. Levasseur.23 V. en ce sens, jugeant que le droit au respectde la vie privée n'est pas seulement le droit desvivants et se prolonge par delà le décès : TGIParis, 11 janvier 1977, JCP 1977, II, 18711,note D. Ferrier ; D. 1977, p. 83, noteR. Lindon. - TGI Paris, 4 novembre 1987,D. 1988, somm., p. 199, obs. D. Amson. - TGIParis, 13 janvier 1997, précité.
(25) Cf. CA Versailles, 17 juin 1999, D. 1999,inf. rap., p. 230, qui relève « une atteinte à lavie privée du défunt de nature à porter égalementune atteinte morale aux membres de safamille ».
(26) En ce sens, CA Paris, 3 novembre 1982,D. 1983, p. 248, note R. Lindon. - CA Paris,23 novembre 1993, Légipresse 1994, n° 114-III,p. 132. - TGI Paris, 9 octobre 1996, Légipresse1997, n° 139-I, p. 27. - TGI Paris,2 décembre 1996, Légipresse 1997, n° 142-I,p. 75. - CA Paris, 6 mai 1997, D. 1997, p. 596,note B. Beignier ; D. 1998, somm., p. 87, obs.C. Bigot ; RTD civ. 1998, p. 72, obs. J. Hauser. CA Paris, 27 mai 1997, JCP 1997, II, 22894,note E. Derieux ; Légipresse 1997, n° 143-III,p. 100, note E. Derieux ; D. 1998, somm.,p. 85, obs. T. Massis.
(27) Cf. CA Paris, 2 juillet 1997, précité.27 Sans doute peut-on soutenir qu'il y a néanmoinsatteinte aux sentiments d'affliction desproches. Mais c'est alors retenir une conceptionexcessivement diffuse de la notion de vie privéeque de l'étendre à de tels sentiments,d'autant qu'ils ne sont pas, à proprement parler,révélés par la seule publication de l'imagedu défunt.
(29) V. cependant, CA Paris, 24 février 1998,D. 1998, p. 225, note B. Beignier ; Gaz. Pal.1998, 1, somm., p. 41, note J.-G. M. ; D. 1999,somm., p. 167, obs. T. Massis ; D. 1999,somm., p. 123, obs. T. Hassler et V. Lapp, quijuge que la publication de la photographie dupréfet Claude Erignac (assassiné en février1998) au cours de la période de deuil de sesproches parents « constitue, dès lors qu'elle n'apas reçu l'assentiment de ceux-ci, une profondeatteinte à leurs sentiments d'affliction et, partant,à l'intimité de leur vie privée ».