Si, selon les termes très généraux formulés par l'article 9 du code civil : « chacun a droit au respect de sa vie privée », les juges ont, en pratique, conservé une certaine marge d'interprétation dans l'application de ce principe. Ainsi, la divulgation d'informations relevant a priori de la sphère de la vie privée peut être légitimée lorsque celles-ci concernent une personne célèbre. De même, la jurisprudence fait varier l'étendue de la protection en fonction de la nature du lieu dans lequel l'atteinte a été perpétrée. Elle la restreint nettement lorsque sont relatés des éléments relatifs à la vie privée d'une personne, précédemment divulgués par l'intéressé.
IL N'EN VA PAS du droit comme de la géographie. Les frontières en principe absolues que tracent les règles de droit, les devoirs et les interdits qu'elles définissent, rigides dans leur énoncé, perdent parfois de leur netteté lors de leur mise en uvre judiciaire. L'équité n'est certes pas une source du droit mais le souci de s'y conformer conduit souvent le juge à nuancer les principes pour, au cas par cas, s'affranchir des généralités afin de mieux s'adapter aux situations ...
Luc BROSSOLLET
Avocat au Barreau de Paris
1er octobre 1999 - Légicom N°20
6468 mots
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(2) TGI Paris, 7 juin 1993 : « Attendu que plusparticulièrement les relations amoureuses, l'étatde grossesse d'une femme et la naissance attenduede l'enfant d'un couple, présentent un caractèrestrictement privé, et que toute publicationfaite à ce sujet, sans autorisation des intéressés,constitue une atteinte à leur vie privée ».Dans le même sens, TGI Paris, 13 septembre1995 : « La divulgation de renseignements surla filiation, le caractère, la constitution physiqued'un enfant n'est pas abandonnée à ladiscrétion du journaliste et ne peut être admisequ'avec le consentement de ceux qui ont qualitépour le représenter ».
(3) TGI Paris, 13 septembre 1995 ; TGI Paris,18 novembre 1998.
(10) TGI Paris, 9 septembre 1998 ; TGI Paris,20 septembre 1993 ; Cependant, en sens cotnraire,cour d'appel de Paris, 9 avril 1999 :« Considérant que la relation du mariage deMme X avec le comédien Y et sa durée, élémentsde l'état civil des époux ne caractérise pas uneatteinte à l'intimité de la vie privée. Que si cetteinformation s'intègre dans un article consacréaux séducteurs, parmi lesquels figure le comédien,qui souligne le caractère inconstant de ceDon Juan malgré lui, il ne révèle aucun élémentde la vie sentimentale de Mme X pendantson mariage »..
(11) TGI Paris, 29 avril 1992 ; TGI Paris, 15 décembre1993 : « Que la nature même du sujettraité dans l'article litigieux, le thème astralconfère à la publication le caractère d'une révélationportant sur des éléments inclus dans lasphère d'intimité des personnes concernées ;qu'il interdit, par là même, à la défenderessed'invoquer la difficulté d'appréciation des limitesdu devoir d'information du journaliste et dusouci de protéger les droits de la personnalité ».
(12) TGI Paris, 24 juin 1998 « Attendu que si leslettres anonymes et menaces dont Mme Béartserait la victime constituent le thème essentiel del'article en cause, la journaliste ne se contentepas d'évoquer des événements susceptibles deconstituer un fait divers, mais se complait àrelater avec force détails, la façon dont l'actriceest affectée dans sa vie quotidienne, dramatisantà l'excès l'impact d'une telle situation sur sonéquilibre professionnel et familial ;Contra TGI Nanterre (Ord. réf.), 13 janvier 1997 :« cependant l'agression dont X a été victime dansun quartier de Paris qui n'est pas défavorisé [...]illustre un fait de société dont il était légitime derendre compte, comme l'a fait d'ailleurs un autrejournal produit aux débats. Les détails supplémentairescontenus dans l'article qu'ils soientrelatifs aux circonstances de l'agression et à sesconséquences physiques ou matérielles ou qu'ilsse rapportent aux sentiments prêtés à Y sont anodinset ne révèlent rien qui touche réellement àla vie privée d'un individu ».De même, TGI Nanterre, 17 mars 1999 au sujetd'une altercation opposant une personnalité à desphotographes : « Qu'en se bornant à la présentationobjective de ce fait divers dont la réalitéest établie par les photographies publiées, lejournaliste n'a fait qu'user de son droit légitimed'information du public sur un fait d'actualité etn'a porté atteinte ni à l'honneur et à la considérationde X ni au respect dû à sa vie privée ».
(13) TGI Nanterre, 31 mai 1995.
(14) TGI Nanterre, 17 janvier 1996 ; TGI Nanterre,8 janvier 1997 ; TGI Nanterre, 3 juillet 1997.
(15) TGI Nanterre, 31 mai 1995 ; TGI Nanterre,17 janvier 1996 ; TGI Paris, 15 novembre 1995,voir cependant les nuances apportées par TGINanterre, 12 juin 1996 : « Attendu que s'il nepeut être reproché à l'article critiqué d'avoir faitétat de la maladie qui frappait alors un comédiencélèbre et qui, du fait de ses répercussions surl'activité professionnelle de celui-ci, constituaitun événement d'actualité, la publication d'unetelle nouvelle n'excédant pas ce qui pouvait êtrediffusé sur une personnalité publique, il n'endemeure pas moins qu'en réalité l'auteur ne secontente pas d'être objectivement informatif à cesujet, mais se livre, sans nécessité pour la stricteinformation du public, à des digressions sur lemode dramatique sur la gravité de la maladiedont souffre X, s'étendant sur les risques qu'ellea fait courir au comédien et ses séquelles décritescomme longues et douloureuses, met à profit sonpropos pour rappeler les noms de ses proches, enparticulier celui de sa compagne, les liens desolidarité et d'affection qui les unissent, les nomsde son médecin et de l'établissement de soinsdans lequel il est soigné, et décrire avec complaisanceet dans le détail les interventions etsoins subis par X ». La faute réside ici, non pasdans la révélation d'une maladie, mais dans laprésentation de l'article et les détails qu'ilcontient, y compris ceux dont il n'était pas évidentqu'ils soient dissociables de l'informationsur la santé, jugée, non fautive (détails des soinset des interventions subis).
(16) TGI Nanterre, Section A, 27 septembre 1995 ;cependant, en sens contraire, TGI Nanterre,Section C, 27 octobre 1998, au sujet d'une actricecélèbre : « la maternité constituant l'un desaspects de la vie privée, l'article pénètre dans lasphère de la vie privée d'X, et cette intrusion quin'est pas dictée par les nécessités de l'informationsur un événement d'actualité et qui n'a reçuaucun assentiment de la part de l'intéressé, apparaîtfautive ».
(17) TGI Paris, 2 juin 1997.
(18) TGI Nanterre, 13 janvier 1999 ; TGI Nanterre,5 mai 1999.
(19) CEDH, 21 janvier 1999, Dalloz 1999, IR.p. 272 ; Légipresse n° 160-III, p. 41.
(20) Cass. civ. 1re, 20 octobre 1993, ; Dalloz1993 ; IR. p. 250.
(21) Cass. civ. 2e, 22 mai 1996 ; dans le mêmesens, TGI Nanterre, 3 juin 1998 ; TGI Nanterre,8 avril 1998 ; TGI Nanterre, 26 mai 1999 ; TGIParis, 3 avril 1996 ; TGI Paris, 8 mars 1995.
(22) TGI Paris, 5 mars 1997 ; cour d'appel deParis (1re ch.), 30 avril 1990, Gazette du Palais,25-26 août 1993, p. 20.
(23) TGI Paris, 11 septembre 1996.
(24) Cass. civ. 1re, 20 novembre 1990, Bulletinp. 181 ; cour d'appel de Nancy (1re ch.), 27 avril1995.Dans le même sens, TGI Paris, 22 novembre 1995