Les premiers contentieux concernant Internet ont mis en exergue les difficultés de désignation des responsables des infractions réalisées sur les réseaux. Au-delà du problème très complexe de l'internationalité d'Internet, il y a la question de l'application en droit strictement interne des principes de la responsabilité. Les Français sont forts de leur expérience en matière de télématique mais les solutions dégagées pour le Minitel ne peuvent pas s'appliquer systématiquement aux réseaux. En effet, les fournisseurs d'accès à Internet ne disposent pas des mêmes moyens de contrôle sur les informations qu'ils véhiculent que les directeurs de services télématiques. En reprenant le principe de la fixation préalable du message, condition de la responsabilité du directeur de publication audiovisuelle, on doit considérer que les fournisseurs d'accès ne sont pas responsables lorsqu'ils n'ont pas participé en connaissance de cause à la commission de l'infraction.
LE PLACEMENT EN GARDE À VUE des dirigeants de société, fournisseurs d'accès au réseau Internet, pour diffusion de messages pédophiles a suscité un vaste mouvement de contestation de la profession. Non sur la légitimité de la répression des messages pédophiles (1), mais bien plutôt sur la délicate question de l'imputabilité du délit. En effet, il ne suffit pas de constater le délit, encore faut-il en désigner le coupable.C'est sur ce point que les fournisseurs d'accès ...
Frédéric Gras
Avocat au Barreau de Paris
1er avril 1996 - Légicom N°12
2655 mots
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(2) Les articles 227-15 sqq. du code pénal répriment lamise en péril des mineurs.
(3) Robin (Patrick), Président d'Imaginet, communiquéde presse, mardi 7 mai 1996.
(4) TGI, Paris (17e ch.), 4 juillet 1988, Gaz. Pal.,1988, J, p. 619-623 ; Paris, 12 juillet 1989, CahiersLamy Droit de l'informatique, septembre 1989,p. 16-17, note Perier-Daville ; Crim. 15 novembre1990, Droit de l'informatique et des télécoms,1990,4, p. 50 à 53, note Huet ; Juris PTT, n° 25, dossierresponsabilité pénale et services télématiques,note Frayssinet ; Delmas Saint-Hilaire, infractionscontre la chose publique, RSC 1991, p. 336 à 344 ;Amiens, 30 juillet 1991, Légipresse, 1991, III,p. 111-117 ; Crim., 17 novembre 1992, Légipresse,1993, III, p. 1-7.
(5) Derieux (Emmanuel), Droit de la communication,2e éd., LGDJ, 1994, p. 16-17.
(6) Crim., 17 nov. 1992, Légipresse, 1993, III, p. 1-7.
(7) Sur l'origine de ces dispositions légales : Blin etautres, Droit de la presse, Fasc. protection de la moraleet de la jeunesse, Litec, 1995.
(8) En ce sens : Baumgartner (Astrid), Cousi (Olivier),Rouvier (Gilles), Internet hors la loi, Légicomn° 8, 2e trim. 1995, p. 124 et 125.
(9) Iteanu (Olivier), Internet et le Droit, aspects juridiquesdu commerce électronique, Eyrolles, 1996,p. 155.
(10) Ibid. ; de semblables observations avaient pu êtrefaites à l'encontre des décisions judiciaires renduesdans l'affaire des minitels roses : Frayssinet (Jean),Responsabilité pénale et services télématiques, JurisPTT n° 25, p.2-15 et not.p. 10 : « si la position dela cour d'appel d'Amiens présente l'avantage d'unecertaine évidence et de fournir un coupable principalpouvant être sanctionné, on est gêné par le fait que levrai auteur principal du pseudonyme ou de l'annoncereste à l'abri des poursuites et qu'en définitive le délitde l'article 284-al. 2 risque d'être transformé quasimenten délit objectif ».
(11) Sur ce point et dans le domaine de la publicité audiovisuelle; TGI Paris, 27 février 1991, Brasseurs deFrance c/TF1, A2 et FR3, JCP 1991, II, 21 810, noteLe Tourneau.
(12) Debbasch (Charles,) droit de l'audiovisuel, 1991,Précis Dalloz, p. 478-479.
(13) On utilisera cette expression même si elle est erronéepuisqu'elle assimile la justice à un pouvoiralors même que la constitution ne lui confère que laqualité d'autorité ; sur des craintes similaires lors dela création du téléphone : Carré (Patrice), Le téléphone: le monde à portée de voix, coll. Découvertes,Gallimard, 1993, p. 53 ; ces craintes sont d'ailleurstoujours d'actualité et le kiosque télématique est désormaisla nouvelle cible de la Fédération des famillesde France : Perier-Daville, Les dangers dukiosque télématique, Cahiers d'actions familiale,n° 4/1992
(14) Les termes sont ceux du Conseil constitutionneldans sa décision du 23 juillet 1996 : JO, 27 juillet1996, p. 11400-11 403, Légipresse, 1996, IV, p. 105-108.
(15) Le souhait légitime d'Olivier Iteanu de ne pasvoir la création d'une instance administrative de régulationnationale pour un réseau de nature internationalea donc été exaucé par le Conseil constitutionnel: Iteanu, op. cit., p. 156-157.
(16) Article reproduit ci-après en conclusion.
(17) Conseil constitutionnel, déc. n° 96-378 DC du23 juillet 1996, loi de réglementation des télécommunications: JO, 27 juillet 1996, p. 11402.