La publicité subliminale, pratique marginale dans les trente dernières années est aujourd'hui facilitée par les nouvelles technologies de l'information. Les techniques suggestives intéressent les publicitaires qui les utilisent volontiers pour renforcer la promotion de leurs produits. Des règles internationales et commerciales prohibent le recours à ces procédés. En droit français, seul un décret interdit les techniques suggestives dans la publicité et le parrainage télévisés. Par ailleurs, les normes pénales qui règlementent déjà la publicité et la consommation ne permettent pas d'encadrer de façon satisfaisante l'utilisation de l'image subliminale.
LA publicité s'adresse aux forces de l'inconscient2. Pour susciter l'achat dans une société déjà très sollicitée, le publicitaire a recours pour capter l'attention du consommateur, à des effets inédits, tels que l'émission de messages cachés (publicité subliminale)3.Vulgarisée au travers d'un ouvrage et d'un film4, elle a fait son apparition publicitaire pour la première fois en 1956 dans un cinéma des Etats-Unis5. Elle est, généralement, appréhendée comme un phénomène ...
Philippe BELLOIR
Chargé d'enseignement à l'Université de Rennes 1
1er octobre 1995 - Légicom N°10
3208 mots
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(2) G. Lipovetsky, L'empire de l'éphémère, Folio,1991, p. 18 et 19.
(3) C. Geffroy, note sous CA Rennes, 16 janvier 1976,JCP 1977, II, n° 18703.
(4) On utilisera indifféremment comme synonyme decette expression : la subception ou la publicité infraliminaire,c'est-à-dire l'utilisation d'un stimulus defaible intensité, inférieure au seuil de conscience, pourentraîner une réponse manifeste de l'organisme.
(5) Pohl et Kornbluth, Planète à Gogos, Denoël, 1980 ;et Les espions dans la ville de G. Kaczender (1980).
(6) Le Sunday Time (10 juin 1956) a publié un article« Sales Through The Subconscious, Invisible Advertisement» qui relatait les expériences menées dans uncinéma du New Jersey, à Fort Lee qui utilisait desimages subliminales, lors de la diffusion du filmPicnic pour vendre des friandises durant l'entracte.On projetait en surimpression les phrases suivantes :Eat pop corn et Drink Coca-Cola. Cette expériencedura six semaines selon la firme publicitaireresponsable de l'opération.6 W. Jeandidier, Droit pénal des affaires,Montchrestien, 1991, n° 407, p. 401. « L'incriminationde la publicité fausse ou de nature à induire en erreurest impuissante à éradiquer tous les périls quiassaillent le consommateur ».
(8) V. Packard, La publicité clandestine, Calmann-Levy, 1958.
(9) Emission Culture Pub (M6) du 21 avril 1990.
(10) Faits rapportés par Wilson Bryan Key, SubliminalSeduction, New York, Signet, 451-J6148, Newamerican Library, 1974; cité par J. Castonguay, Lapsychologie au secours du consommateur, Ed. Fides,1978, p. 70.
(11) M. Frydman, Les habitudes tabagiques, EditionLabor, 1989.
(12) Le Quotidien de Paris 13 mai 1988, p. 32. JeanMontaldo révèle aux Français l'image subliminale deFrançois Mitterrand dans le générique d'Antenne 2.
(13) La distribution des logiciels shareware dans lesmagazines informatiques.
(14) J.-P. Regimbal, Le rock n'roll, viol de laconscience par les messages subliminaux, Ed. Saint-Raphaël, Quebec.
(15) Les praticiens paramédicaux et les médecins euxmêmesutilisent des cassettes audiophoniques pouraméliorer certaines qualités, tels que la mémoire, laconfiance en soi, la concentration, l'expression orale.
(16) P. Geai, Tu ne voleras pas ! Que Choisir, n° 260,avril 1990, p. 20. cf. aussi A. Gérard et F. Collomb,JO Sénat (Q.), du 12 juillet 1990, p. 1531.
(17) H. Motulsky, Principes d'une réalisation méthodiquedu droit privé, Dalloz, 1991, p. 18.
(18) Une Recommandation du Conseil de l'Europen° R (84) 3 sur les principes relatifs à la publicitétélévisée adoptée le 23 février 1984 ; une directive duConseil CEE (n° 89/552) du 3 octobre 1989 visant àla coordination de certaines dispositions législativesréglementaires et administratives des États membresrelatives à l'exercice d'activités de radiodiffusiontélévisuelle; enfin une Convention du 1er février 1989du Conseil de l'Europe sur la Télévision transfrontière;qui est entrée en vigueur le 1er mai 1993.
(19) M. Péricard, AN, 1987-1988, n° 10, tendant àinterdire la diffusion d'images non décelables ditessubliminales, J. Balarello, S., 1987-1988, n° 289,relative à la publicité subliminale, G. Gantier, AN,1987-1988, n° 15, tendant à interdire tout messagesubliminal. Ce texte n'a pu être adopté car il n'a pasété inscrit par le Gouvernement à l'ordre du jour destravaux de l'Assemblée nationale.
(20) Décret n° 92-280 du 27 mars 1992 pris pourl'application du 1° de l'article 27 de la loi du 30septembre 1986 relative à la liberté de communicationet fixant les principes généraux concernant le régimeapplicable à la publicité et au parrainage, JO du28 mars 1992, p. 4313.
(21) C. Lombois, Droit pénal général, Hachette,Collection Les Fondamentaux, 1994, p. 7.
(22) TGI Paris, 17e ch., 23 avril 1990, Casanovas c/David Niles, C. Contamine, L.P., n° 72, 1990, p. 64.Voir également pour un autre cas de message subliminalTGI Paris, 1re ch., 19 décembre 1990,FEDIMAS c/ Radio France (non publié), en appel CAParis, 1re ch., Sect. A, 18 novembre 1991, RadioFrance c/ FEDIMAS (non publié).
(23) G. Ripert, Les forces créatrices du droit, LGDJ,1955, p. 29.
(24) M. Delmas Marty, Les grands systèmes depolitique criminelle, Thémis, PUF, 1992, p. 306.
(25) M. Bibent et M. Vivant, Image et télécommunications,Juris PTT, 1992, n° 30, p. 6.Voir aussi, Mme Mireille Delmas-Marty qui révèle,qu'en matière publicitaire une recherche approfondiepourrait être menée dans trois directions, etnotamment celle qui concerne « certains modes depersuasion clandestine (...) qui constituent une atteintecertaine à l'intégrité de la personnalité ».
(26) W. Jeandidier, op. cit., n° 411, p. 406.
(27) Crim. 22 décembre 1986, Lexi., P. 86-90.366 : Parexemple, un garagiste fait paraître dans un journal uneannonce selon laquelle il offre la vignette 1983 pourtout acquéreur de véhicule avant fin novembre 1982.Cette promesse n'a pas été honorée, elle étaitmensongère.
(28) A. Chavanne, J. Cl. Pén annexe, Publicité fausseou de nature à induire en erreur, n° 17, p. 7. Crim.,20 mai 1985, Lexi., P.84-91.805 : Une société liquideson stock portant la griffe Paco Rabanne, à la suite dela rupture de son contrat de franchise, elle lance lacampagne publicitaire suivante : « Paco Rabaneexclusif à Paris pour homme disparaît, liquidationtotale de ses collections à des prix de contrainte [...],démarque 30, 40, 50 % » Cette publicité était denature à induire en erreur sur les motifs ou procédésde vente ; puisqu'elle insinuait que le couturier cessaitses activités.
(29) C. Lombois, op. cit., p. 13, le règlement estmaintenant explicitement source d'incrimination, leterme légalité est donc imparfait.
(30) P. Delmas Saint-Hilaire, Les principes de lalégalité des délits et des peines, Mélanges Bouzat,1980, p. 149 sqq.
(31) D. Mayer, Droit pénal de la publicité, Masson,1979, p. 82 ; A. Vitu, Traité de droit pénal spécial,Cujas, 1982, tome 1, n° 847, p. 677 ; M. Delmas-Marty, Droit pénal des affaires, PUF, T. 2., p. 107.
(32) Crim., 26 avril 1984, J.C.P. 1985, 20459 ; S.Baille, Le délit de publicité mensongère de la loid'origine à la loi nouvelle du 27 décembre 1973,Thèse Toulouse, 1974, p. 86 ; G. Raymond, Droit dumarketing, Litec, 1992, n° 1013, p. 218 ; J. CalaisAuloy, Droit de la consommation, 1992, 3e éd., Dalloz,n° 104, p. 94 ; R. Bout et G. Cas, Lamy Droit économique,1994, n° 2225, p. 752 ; I. Ferrari, La jurisprudencede la Cour de cassation sur deux pratiquescommerciales réglementées par le code de la consommation,Ed. Techniques, D. Pén. février 1995, p. 1.
(33) En général, la référence c'est le consommateurmoyennement informé (Circ., 1er octobre 1974, D.1975, III, p. 52).
(34) P.J. Doll et Peisse, La nouvelle répression de lapublicité mensongère, G.P. 1974, 1, p. 200 ; J. Calais-Auloy, La loi Royer et les consommateurs, D. 1974,p. 91.
(35) J.-C. Fourgoux, La publicité mensongère, délitintentionnel, G.P. 1977, 1, p. 170.
(36) Crim. 13 mars 1979, JCP éd. CI 1979, 2, n° 13104(aff. Tang).
(37) Loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 relative àl'entrée en vigueur du nouveau code pénal et à lamodification de certaines dispositions de droit pénal etde procédure pénale rendue nécessaire par cette entréeen vigueur, JO du 23 décembre 1993.
(38) Crim. 14 décembre 1994 BC, n° 415. La chambrecriminelle, en application de l'article 339, s'estprononcée sur la matière en relevant qu'une courd'appel a justifié sa décision de culpabilité du chef depublicité trompeuse dès lors que l'annonceur « n'a pasvérifié la sincérité et la véracité du message publicitaireavant d'en assurer la diffusion » ; ce qui à notreavis tend à réduire la portée de l'article 339. En bref,l'infraction est ici une imprudence de professionnels,donc facilement constatable.
(39) Voir par exemple la jurisprudence sur l'escroquerieà la boule de neige, avant l'intervention dulégislateur par la loi du 5 novembre 1953 modifiée parla loi n° 89-421 du 23 juin 1989. Crim., 07 mai 1951,D. 1951, 489.
(40) Crim. 11 juin 1974 BC, n° 211 (2e espèce).
(41) Crim. 4 janvier 1974 JCP 1974, G, II, 17731. NoteR. Lindon.
(42) M. Bibent et M. Vivant, op. cit., p.7.
(43) F. Desportes et F. Le Gunehec, Le Nouveau Droitpénal, Economica, 1994., nos 436 à 463.
(44) F. Desportes et F. Le Gunehec, op. cit., n° 442.
(45) G. Stéfani, G. Levasseur et B. Bouloc, Droit pénalgénéral, 15e éd., Dalloz, 1994, n° 217 p. 187 ;A. Decocq, Droit pénal général, 1971, A. Collin,coll. U, p. 163 ; M.-L. Rassat, Droit pénal général,1987, P.U.F., n° 228, p. 329 ; Contra : D. Mayer,Plaidoyer pour la réhabilitation de la notiond'infraction permanente, D., 1979, Chron. 23.
(46) J.-H. Robert, op. cit., p. 103 sqq. : le délit depublicité trompeuse est permanent non pas en raisonde ses effets psychologiques, mais en raison de ladurée de la réception du message.