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01/12/2010


Fermeture du Forum des droits sur l'internet : « Nous n'avions pas épuisé nos sujets ! »



Après 10 ans d'existence (1), le Forum des droits sur l'internet a annoncé sa fermeture à la fin de l'année, en raison du non-renouvellement de la convention qui le lie à l'État. Pour autant, le Conseil national du numérique, entité annoncée depuis 2008 par les pouvoirs publics dans laquelle le Forum devait se fondre, semble au point mort. Isabelle Falque-Pierrotin, Présidente du Forum, a répondu aux questions de Légipresse le 29 novembre 2010,

 

Le Forum des droits sur l'internet se voit contraint de fermer ses portes dans quelques semaines. Que vont devenir les dossiers en cours (activité de médiation, groupes de travail en place,…) ? Cela dépend des sujets. Pour ce qui dépend stricto sensu de nous, nous avons agi en connaissance de cause et fait en sorte que les missions soient clôturées.
Ainsi, nous avons depuis le mois de septembre ralenti puis interrompu le dépôt de dossiers de médiation et lorsque nous fermerons le Forum, l'ensemble des dossiers sera clôturé. Concernant nos engagements externes, nous venions par exemple de signer une convention avec la Commission des comptes de campagne, dans le cadre de la préparation des élections présidentielles de 2012, afin de les assister dans la compréhension et le suivi des nouvelles pratiques de collecte de dons et de communication politique liées notamment au Web 2.0. J'ai donc écrit au président de la Commission des comptes de campagnes il y a quelques jours pour l'informer que nous ne serons pas en mesure d'honorer la convention, compte tenu de la dissolution anticipée du Forum à la fin de l'année. Nous avions également été sollicités par le ministère de la Famille pour assurer l'évaluation des logiciels de contrôle parental fournis par les Fai. Je ne pense pas qu'ils aient pris de décision alternative à ce jour, alors même que ces tests sont un élément de crédibilité des logiciels pour le grand public.
Où en est la constitution du Conseil national du numérique ? Le Forum des droits sur l'internet devait évoluer dans un Conseil national du numérique (Cnn), sachant que ce qui est derrière cette expression peut être variable. Or, la difficulté est bien là : nous avons travaillé sur une vision du Cnn reprenant l'approche d'intérêt général du Forum. C'est-à-dire un Conseil équilibré entre administrations, entreprises et société civile. Cette option a été expressément rejetée par le cabinet du Premier ministre. Le projet qui est, à ma connaissance, sur la table aujourd'hui est d'inspiration très différente puisque centré sur les entreprises et financé majoritairement par celles-ci ; c'est l'économie budgétaire qui a priori a été privilégiée. Pour le reste, je n'ai aucune visibilité sur les intentions de Monsieur éric Besson sur le Conseil national du numérique. Or, la question aujourd'hui va au-delà de cet objectif même. L'enjeu du numérique est plus vaste ; il est transversal, regroupant à la fois un problème de pédagogie grand public, de concertation avec les acteurs, des services d'information et de médiation, de coopération internationale… Compte tenu des enjeux, nous avons besoin de quelque chose de plus complet que ce projet de Conseil national du numérique. Maintenant, c'est au gouvernement de prendre ses responsabilités et de savoir ce qu'il veut faire.
Quels sont, selon vous, les dossiers prioritaires pour lesquels la mise en place d'une structure de remplacement du Forum des droits sur l'internet s'impose ? Deux chantiers transversaux nécessitent d'avoir une vision globale du numérique. Ce ne sont pas des chantiers de régulation stricto sensu mais ils sont à mon avis absolument prioritaires pour la France. Tout d'abord, il faut lancer un plan de formation au numérique pour toutes les catégories de la population française : parents, grands-parents, scolaires, entreprises… C'est une cause nationale ! On est face à une population qui doit passer à la culture du numérique. Le chantier sur la dépendance par exemple va intéresser une part croissante de la population ; il faudrait dès maintenant sensibiliser les personnes de plus de 60 ans à l'utilisation des nouvelles technologies afin qu'elles n'hésitent pas à les utiliser quand, plus tard, elles en auront besoin. Autre exemple : les auto-entrepreneurs, en nombre croissant, qui ne se rendent pas toujours compte des obligations légales liées à leurs activités. Le deuxième chantier, c'est l'aspect “négociation internationale”. Le sujet est transversal ; or on est en train de le “saucissonner”. La négociation avec les grands acteurs de l'internet (Facebook, Google…) est prise par le biais de la vie privée, de la fiscalité et de la publicité, de la protection de l'enfance et de l'adolescence… Or il faudrait bien avoir une vision globale de ce qu'on demande à ces acteurs. Pour cela, une réflexion collective s'impose pour, in fine, prendre une position. Sur le plan des sujets plus directement de régulation, l'expression politique sera certainement une question délicate dans l'année à venir. Également la neutralité du net : aujourd'hui, c'est la dimension “opérateurs télécom” qui est privilégiée. Mais ce que l'on va décider en terme d'accès va avoir des impacts sur le plan des libertés publiques. On peut allonger la liste à l'envi : le m-commerce, les données de géolocalisation, les relations du travail… Nous n'avions pas épuisé nos sujets ! Propos recueillis par Amélie Blocman
1er décembre 2010 - Légipresse N°278
844 mots
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