Les proches d'une personne peuvent s'opposer à la reproduction de son image après son décès, dès lors qu'ils en éprouvent un préjudice personnel en raison d'une atteinte à la mémoire ou au respect dû à cette personne décédée.
Après la publication par le magazine Choc d'une photographie montrant Ilan Halimi la tête bandée et sous la menace d'une arme, la mère et les soeurs de celui-ci ont assigné en référé la sociétééditrice du magazine ainsi que le directeur de publication aux fi ns de faire constater une atteinte à leur vie privée et d'obtenir subséquemment le retrait de la vente du numéro en question et le versement d'une provision. La cour d'appel a fait droit à leur demande (1). À ce titre, elle ...
Cour de cassation, 1re ch. civ., 1er juillet 2010, SCPE c/ Halimi
Walter JEAN-BAPTISTE
Docteur en droit, membre de l'Observatoire des mutations institutionnelles et ...
(2) CA Paris, 28 mai 2009, rectifi é par arrêt du 3 juin 2009.
(3) Choc, pour le nom du magazine, sensationnel pour le qualifi catif retenu parles juges.
(4) Les auteurs du pourvoi n'ont pas manqué de souligner cet élément. En eff et,dans la troisième branche du moyen, ils mettent l'accent sur le fait que l'objectifpoursuivi par la ligne éditoriale du magazine en cause ne doit pas constituerun motif suffi sant pour ordonner une restriction à la liberté fondamentale quereprésente la liberté d'expression.
(5) Si les termes utilisés s'agissant de la presse à sensation sont parfois assezrévélateurs de la considération que lui portent les juges, ces derniers ne leurrefusent pas pour autant toute protection (v. CEDH, Hachette Filipacchi Associés« Ici Paris » c. France, 23 juill. 2009, requête n° 12268/03. Pour un commentaire,L. François, « L'espérance légitime : nouvelle technique de protection de la presseà sensation », RLDI 2009, n° 53, p. 38 et s.)
(6) L'alinéa 1er de l'article 225-17 du Code pénal punit d'un an d'emprisonnementet de 15 000 euros d'amende toute atteinte à l'intégrité du cadavre par quelquemoyen que ce soit.
(7) L'alinéa 1er de l'article 34 de la loi du 29 juillet 1881 permet de protéger contreles injures ou diff amations dirigées contre la mémoire des morts dans le casoù les auteurs de ces injures ou diff amations auraient eu l'intention de porteratteinte à l'honneur ou à la considération des héritiers, époux ou légatairesuniversels vivants.
(8) J.-P. Gridel, « Retour sur l'image du préfet assassiné : dignité de la personnehumaine et liberté de l'information d'actualité », D. 2001, p. 872.
(9) Ibid.
(10) CE, 9 oct. 1996, Association « Ici et maintenant », RFDA 1996, p. 1269 ; D. 1997,somm. p. 81, obs. T. Hassler.
(11) CE, 2 juill. 1993, Milhaud, D. 1994, Jur. p. 74, note J.-M. Peyrical ; RFDA, 1993,p. 1002, concl. D. Kessler ; AJDA 1993, p. 530, note C. Maugüe et L. Touvet. À lasuite de cet arrêt, un décret (Décr. n° 95-1000 du 6 sept. 1995) a introduit dans leCode de déontologie médicale un texte qui prévoit que : le médecin, au servicede l'individu et de la santé publique, exerce sa mission dans le respect de la viehumaine, de la personne et de sa dignité. Le respect dû à la personne ne cessepas de s'imposer après la mort.
(12) CA Paris, 2 juill. 1997, D. 1997, Jur. p. 596, note B. Beignier.
(13) Le seuil de gravité exigé au titre de l'article 3 de la Convention européennedes droits serait largement atteint.
(14) On pense notamment ici à la photographie du préfet Erignac baignant dans son sang au beau milieu d'une rue d'Ajaccio ou à celle du président Mitterrandsur son lit de mort.
(15) M. Canedo-Paris, La dignité humaine en tant composante de l'ordre public :l'inattendu retour en droit administratif d'un concept controversé, RFDA 2008,p. 979.
(16) J.-P. Gridel, article précité.
(17) La question de l'initiative de l'action en justice renvoie davantage à l'hypothèseretrouvée à l'article 48, 8° de la loi du 29 juillet 1881. Aux termes de ce texte,en cas d'atteinte à la dignité de la victime prévue à l'article 35 quater (diff usionpar quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support de la reproductiondes circonstances d'un crime ou d'un délit lorsque cette reproduction portegravement atteinte à la dignité d'une victime), la poursuite n'aura lieu que surplainte de la victime.
(18) Voir à ce sujet les réfl exions du professeur Muriel Fabre-Magnan à propos del'arrêt K. A et A. D. de la Cour européenne des droits de l'homme (M. Fabre-Magnan,« Le sadisme n'est pas un droit de l'homme », D. 2005, Jur. p. 2973 ; « Le domainede l'autonomie personnelle, Indisponibilité du corps humain », D. 2008, p. 31.
(19) Civ. 1re, 21 oct. 1980, D. 1981, Jur. p. 72, note Lindon.
(20) Civ. 1re, 14 déc. 1999, D. 2000, p. 372, note B. Beignier ; CCC 2000, comm. 39,note A. Lepage ; Civ. 1re, 15 févr. 2005, D. 2005, p. 2643, obs. A. Lepage ; Civ. 1re, 22oct. 2009, Dalloz Actualité, 24 nov. 2009, obs. V. Egéa.
(21) Civ. 1re, 22 oct. 2009, pourvoi n° 08-10.557, précité. Dans cet arrêt, la premièrechambre civile laisse penser que le préjudice personnel des proches pourrait êtredéduit d'autre chose que l'atteinte à la mémoire des proches. Voir la remarque duprofesseur J. Hauser sur cette affi rmation « La protection de l'image des morts »,RTD civ. 2010, p. 79
(22) L'allusion faite ici à un mécanisme de responsabilité (délictuelle) ne doit pasfaire oublier que la Cour de cassation a eu l'occasion de préciser que les abus dela liberté d'expression prévus et sanctionnés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuventêtre poursuivis sur le fondement de l'article 1382 du Code civil. Voir Civ. 1re,9 oct. 2003, pourvoi n° 00-21.079 ou Civ. 1re, 29 nov. 2005, pourvoi n° 04-16.508,à comparer à Civ. 1re, 30 oct. 2008, C. c. Association collectif de défense des artisanset des commerçants, pourvoi n° 07-19.223 avec les observations du professeurPatrice Jourdain in « Le retour discret de l'article 1382 en matière de presse », RTDciv. 2009, p. 331.
(23) Civ. 1re, 20 déc. 2000, Bull. civ., I, n° 341 ; D. 2001, somm. 1990, obs. A. Lepage.23. Italique ajouté.
(25) B. Beignier, note précitée.
(26) Sur la question de l'intérêt général, la Cour semble amorcer un mouvementd'endiguement des eff ets de cette notion. En eff et, rompant plus ou moins avecune logique qui consistait à en faire un fait justifi catif des atteintes aux droitsd'autrui au nom de la liberté d'expression des journalistes, le juge de Strasbourgvient d'affi rmer dans son arrêt Ruokanen et autres c. Finlande du 6 avril 2010 que« les médias doivent prendre en compte des impératifs autres que des questions d'intérêtgénéral avant de présenter au public un épisode comme un fait ». Pour un commentairede l'arrêt Ruokanen, voir L. François, Nouvelle illustration européenne del'eff ectivité des devoirs et responsabilités des journalistes d'investigation, à paraître.