Accueil > Tous les chemins mènent à l'interopérabilité Des divers moyens juridiques d'accéder (ou non) à l'interopérabilité des mesures techniques de protection -
Chroniques et opinions
01/05/2008
Tous les chemins mènent à l'interopérabilité Des divers moyens juridiques d'accéder (ou non) à l'interopérabilité des mesures techniques de protection
En laissant à l'Autorité de régulation des mesures techniques le soin de préciser au cas par cas les conditions de mise en oeuvre de l'interopérabilité des ressources techniques de protection des oeuvres numériques, à l'occasion de différends individuels, le dispositif de la loi DADVSI est venu s'ajouter à d'autres fondements permettant a priori d'obtenir des mesures favorables à la mise en oeuvre de l'interopérabilité : droit de la concurrence, droit de décompilation et même droit de la consommation. L'objet de cette étude est d'observer comment ces régimes cohabitent et s'articulent, en se concentrant sur les questions d'accès et d'efficacité des diverses formes de mesures d'interopérabilité.
1. Si l'on en juge par l'abondance de la littérature juridique et journalistique qui lui est consacrée, la notion d'interopérabilité des mesures techniques de protection mérite à n'en pas douter le titre de star des dix-huit derniers mois au box office du droit de la propriété intellectuelle et des NTIC ( 1).Pourtant, plus d'un an et demi après l'adoption de la loi sur le droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information (DADVSI) consacrant le droit à ...
(2) Par conséquent, l'intention n'est pas de se livrer à une énième descriptionde la problématique générale des MTP et des circonstances de l'adoption desmesures relatives leur interopérabilité dans le cadre de la loi DADVSI. Sur cesujet, le lecteur pourra utilement se reporter aux articles suivants: AndréLucas et Pierre Sirinelli, « La loi n° 2006-961 relative au droit d'auteur et auxdroits voisins dans la société de l'information: premières vues sur le texte promulguéà l'issue de la censure du Conseil constitutionnel », PropriétésIntellectuelles, Juillet 2006, p. 297 et s., Carine Bernault, « La loi du 1er août2006 et l'interopérabilité : éléments pour décoder, septembre 2006; HubertBitan « La loi DADVSI ou la nécessité de clarifier les notions d'interopérabilitéet de mesure technique », RLDI, n° 29, juillet 2007, p. 64 et s. Pour une approcheglobale de la notion du problème de l'interopérabilité: « Interopérabilité :aspects juridiques, économiques et techniques », Supplément RLDI ,Janvier 2007
(3) La société Apple elle-même étudierait une telle éventualité en concertationavec les maisons de disques (« Apple invite les maisons de disques à abandonnerles DRM », 01 Net, 7 février 2007).
(4) Sur ce sujet Patrick Boiron et Nicolas Moreau, « La loi DADVSI a-t-elleencore un avenir ? », Légipresse n° 243, Juillet/Août 2007 p. 87.
(5) « Le développement et la protection des oeuvres culturelles sur les nouveauxréseaux », Rapport au Ministre de la Culture et de la Communication,N o v e m b re 2007 p. 10.
(6) D i rective 91/250/CEE du Conseil du 14 mai 1991 sur la protection desp rogrammes d'ordinateur
(7) Le Code des postes et commu nications électroniques érige ainsi « l'inter -opérabilité des services et celle des équipements terminaux » en « exigenceessentielle » dont le respect incombe à tout opérateur (article L.32, 12°). Ilest en effet difficile d'envisager que l'abonné à un opérateur téléphoniquegrand public ne puisse communiquer qu'avec les autres abonnés de cet opérateur.
(8) Fabrice Rochelandet et Michèle-Francine Mbo'o Ida, « Les enjeux économiquesde l'interopérabilité : le cas de la gestion des droits numériques » inSupplément RLDI 2007 op. cit. p. 25 et s.
(9) Cette mise en place d'une régulation ex ante par la définition de norm e sd ' i n t e ropérabilité des MTP constitue, à l'inverse, le voeu exprimé par la missionOlivennes laquelle, à défaut, de mise en place de telles normes re c o mmandel'abandon pur et simple des MTP.
(10) Ex : normes OSI ou activités de l'ETSI pour la définition de normes d'interopérabilitéau niveau européen dans le domaine des communications électroniques.
(11) UFC Que Choisir c/Sony France et Sony UK, Légipresse n° 239, I, p. 27.
(12) Transposant en droit français la directive 91/250/CEE du Conseil du14 mai 1991. Sur la problématique de la décompilation voir Jérôme Huet,« Le reverse engineering, ou ingénierie inverse, et l'accès aux interf a c e sdans la protection des logiciels en Europe : questions de droit d'auteur et ded roit de la concurrence » ; Dalloz, 1990, chronique p. 99 X. Linant deBellefonds, « Le droit de décompilation des logiciels : une aubaine pour lescloneurs ? », JCP, E, I, 118.
(13) Il importe de préciser que le régime de la loi DADVSI s'applique sans préjudicede l'exercice du droit de décompilation (article L.331-5 al. 7).L' e x e rcice de ce droit ne saurait être considéré comme une atteinte à uneMTP qui pourrait être autrement sanctionnée sur le fondement de l'articleL.332-1 du CPI.
(14) C f . article L. 331-6 CPI dont on peut inférer que les limitations d'utilisationd'une oeuvre numérique ne peuvent être décidées que par le titulairedes droits à l'exclusion du distributeur, et bien évidemment, de l'utilisateurlui- même.
(15) Décision n° 03-MC-04 du Conseil de la concurrence du 22 décembre2003.
(16) CA Paris, 12 février 2004.
(17) Cass. Com. 12 juillet 2005.
(18) CA Paris, 31 janvier 2006.
(19) Décision n° 08-D-04 du Conseil de la concurrence du 25 février 2008.
(20) Décision de la Commission du 24 mars 2004, Aff a i reCOMP/ C- 3/ 37.792Microsoft
(21) TPICE, arrêt du 17 s e p t e m b re 2007, Aff. T-201/04, Microsoft Corp.C. Commission.
(22) Cf. Communiqué de presse de la Commission IP/07/1567 du 22 o c t obre 2007.
(23) Décision n° 04-D-54 du Conseil de la concurrence du 9 n o v e m b re 2004.
(24) Décision n° 04-D-09 du Conseil de la concurrence du 31 mars 2004.
(25) Voir notamment sur ce point, Olivier Fréget, « Les mesures conserv ato i res devant le Conseil de la concurrence : la « p ro c é d u re conservatoire »en question ? », Revue Lamy Droit des Affaires, juin et juillet 2005 N° 83et 84.
(26) Décision de la Commission du 12 juillet 2006, Comp/ C- 3/ 37.792Microsoft.
(27) Communiqué de presse de la Commission, IP/08/318 du 27 février2008.
(28) C f. note n° 14.
(29) C f. note n° 20.
(30) Anne Perrot « Analyse concurrentielle de l'interopérabilité » in« Interopérabilité : aspects juridiques, économiques et techniques », supplémentau n° 23 Revue Lamy droit de l'Immatériel, Janvier 2007 p. 38.
(31) « Le droit à l'interopérabilité a surtout vocation à jouer dans un contexteconcurrentiel » , Jean-Louis Bru g u i è re, « Le droit à l'interopérabilité » ,Communication Commerce Électronique, février 2007 p. 8.
(32) Décision n° 2006-540, JO 3 août 2006 p. 11541 ; Valérie- LaureBénabou : « Patatras ! À propos de la décision du Conseil constitutionnel du27 juillet 2006 », Propriétés Intellectuelles, Juillet 2006, n° 20 p. 240 ; LionelThoumyre, « Les faces cachées de la décision du Conseil constitutionnel surla loi DADVSI », RLDI, octobre 2006, n° 20 p. 6.
(33) Cf. sur ce point l'étude très complète de Jérôme Gstalter « Opensource, interopérabilité et concurrence : à l'aube de l'arrêt Microsoft » ,Concurrences n° 3,2007, I, p. 52 et suivants notamment ; Cf. égalementpour un aperçu de la nouvelle politique de communication des spécificationset protocoles d'interface de Microsoft, rendant compte de cette problématique« M i c rosoft fait un pas, prudent, en matière d'interopérabilité » , Journaldu Net, 6 mars 2008.
(34) D é c ret n° 2007-510 du 4 avril 2007 relatif à l'Autorité de régulation desmesures techniques instituée par l'article L. 331-7 du Code de la propriétéintellectuelle. », JO 5 avril 2007 ; Lucien Rapp « N a t u re et pouvoirs del'Autorité de régulation des mesures techniques de protection », RLDI j a nvier2007, n° 23 p. 64.
(35) « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en êtreprivé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exigeévidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » .
(36) En ce sens Jean-Michel Bruguière, « Le droit à l'interopérabilité » ,Communication Commerce Électronique, Février 2007, p. 11. Ce dernierémet également, à raison, des doutes sur le caractère d'utilité publique dela privation de propriété qui serait ainsi réalisée et sur la compétence del'ARMT pour régler les conséquences d'une telle atteinte compte tenu de lavocation de « gardien de la pro p r i é t é » du juge judiciaire .
(37) A rticle L. 341-1 du CPI.
(38) La notion de privation de propriété s'agissant d'une communication forcéenon assortie d'aucune véritable dépossession est elle-même critiquable.
(39) Ce qui, au demeurant, ne pourrait relever de l'office de l'ARMT mais desjuridictions judiciaires.
(40) Comme cela est prévu par l'article L. 331-7 al. 7
(41) Pour un aperçu et une analyse de ces décisions : Lionel Costes, GuideLamy Droit de l'Informatique et des Réseaux, 2006, n° 4507 ; AntoineL a t reille « Droit de la consommation et protection technique : pas de deux àt rois temps, RLDI 2005 n°45; Eric Caprioli, « M e s u res techniques de pro t e ctionet d'information des droits d'auteur » Communication Commerce Élec -tronique, 2006, étude 30.
(42) TGI N a n t e rre 15 juin 2006, UFC Que Choisir c/Sté Sony France et SonyU K, Légipresse n° 239, I, p. 27.
(43) Voir Eric Caprioli : « Le jugement du TGI de Nanterre du 15 décembre2006 et la question de l'intero p é r a b i l i t é », Communication Commerce Élec -tronique, Av r i l 2007, comm.64; Olivier Pignatori : « Les consommateurs enont rêvé, les juges nanterrois l'ont fait : un pas vers l'interopérabilité grâceau droit de la consommation », Revue Lamy Droit des Médias.
(44) «Il est interdit de refuser à un consommateur la vente d'un produit ou laprestation d'un service, sauf motif légitime, et de subordonner la vente d'unproduit à l'achat d'une quantité imposée ou à l'achat concomitant d'un autreproduit ou d'un autre service ainsi que de subordonner la prestation d'un ser -vice à celle d'un autre service ou à l'achat d'un produit. »
(45) Il importe de préciser que le régime mis en place par la loi du 1er août2006 ne pouvait être pris en compte dans le cadre de ce jugement dès lorsque la saisine du TGI était antérieure à l'adoption de la loi.
(46) La qualification de téléchargement de fichiers musicaux en prestation des e rvices est également critiquable du point de vue du droit de la propriétéintellectuelle. Sony soutenait qu'il s'agissait de la concession d'un dro i td'usage, ce qui est certainement plus proche de la réalité.
(47) Apple prétend ainsi qu'accorder une licence de son DRM Fair Play à destiers l'empêcherait de garantir la protection des fichiers comme l'exigent lesmaisons de disque. Sans pre n d re cette aff i rmation pour argent comptant,force est de re c o n n a î t re qu'aux termes de la loi DADVSI, c'est aux titulairesdes droits sur l'oeuvre que revient le pouvoir d'imposer les limites d'utilisationdes fichiers et, par conséquent, d'imposer les DRM, le distributeur étantuniquement responsable de leur mise en oeuvre. Il nous semble que cette problématiquemérite un débat dépassan t la simple perspective consumériste.