Par sa nature même, l'oeuvre multimédia peut porter atteinte de multiples façons au droit moral des auteurs d'oeuvres préexistantes. Afin de ne pas porter préjudice à l'oeuvre multimédia en constituant par des abus un frein à son expansion, le droit moral doit être exercé de façon modérée par les auteurs, ce qui devrait permettre de concilier les intérêts de chacun.
1. D'un point de vue qui n'est pas sans emprunter à la caricature, la rencontre entre le droit moral et le multimédia1 pourrait prendre l'aspect d'une confrontation entre deux mondes, l'un suranné et romantique, l'autre résolument moderne et tourné vers l'avenir.Parce que l'uvre est une émanation de la personnalité2 de son créateur, la loi3 reconnaît à l'auteur un droit moral qui lui permet d'empêcher que des tiers ne méconnaissent ou altérent l'expression de sa ...
Christophe CARON
Agrégé des Facultés de droit, Professeur à la Faculté de droit de Paris XII
1er avril 1995 - Légicom N°8
4621 mots
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(1) 1 Sur les rapports entre le multimédia et le droit moral(bibliographie sommaire) : Th. Dreier, L'analogue, ledigital et le droit d'auteur, Mélanges en l'honneur deAndré Françon, Dalloz 1995, p. 119, spéc. p.127 ; B.Edelman, L'uvre multimédia, un essai de qualification,D. 1995. chr. 109, spéc. n° 27 ; P.-Y. Gautier,Les uvres multimédia en droit français, RIDAavril 1994, n° 160, p. 91, spéc. p. 119, n° 10 ; E.Lauvaux, Droit moral et multimédia, Angle droit, janvier1995, n° 38, p. 11 ; X. Linant de Bellefonds, notesous CA Paris, 16 mai 1994, JCP 1995. II. 22375 ; A.Lucas, Droit d'auteur et multimédia, Mélanges enl'honneur d'André Françon, Dalloz 1995, p. 325, spéc.p. 330 ; A. et H.-J. Lucas, Traité de la propriété littéraireet artistique, Litec 1994, p. 331, n° 410 ; P.Sirinelli, L'auteur face à l'intégration de son uvredans une base de données doctrinales, De l'écrit àl'écran, D. 1993, chr. 323, spéc. p. 329 ; P. Sirinelli,L'adaptation du droit d'auteur face aux nouvellestechnologies, Colloque mondial de l'OMPI, Le Louvre1er - 3 juin 1994, p. 33 ; M. Scott et J. Talbott,Interactive multimédia : what is it, why is it importantand what does one need to know about it?, [1993] 8EIPR 284, spéc. p. 288 ; Rapport de la commissionprésidée par Pierre Sirinelli, Industries culturelles etnouvelles techniques, La documentation française1994, p. 76 ; Questions juridiques relatives auxuvres multimédias, Syndicat national de l'édition,1995, p. 33. Adde : Ch. Caron, Les conflits potentielsentre le multimédia et le droit d'auteur, Séminaire del'observatoire des industries du multimédia, Paris 11et 12 avril 1995, spéc. p. 6 ;2 L'expression est de : R. Saleilles, note sous : CAParis, 1er février 1900, S. 1900. 2. 1213 Art. L. 121-1 du CPI4 F. Dareau, Traité des injures, Paris 1785, tome 2, p.71 : Un ouvrage pour un auteur est comme sonenfant, c'est sa production ; on ne peut se l'approprierà son préjudice sans lui faire une offense réelle5 J.-B. Say (attribué à), De la liberté de la presse,Paris, daté du 5 juillet 1789, p. 23. V. aussi : J.Stillinger, Multiple autorship and the myth of solitarygenius, Oxford Univesity Press, New York 1994.6 V. A. Lucas, op. cit., p. 326.7 Cf. E. Valuakas, Copyright clouds multimedia prospects,Library Workstation Report, January 1991, p. 7-128 Art. L. 121-7 du CPI. V. J.-C. Laydu, Un droitmoral édulcoré, ALD 1995. 1.9 V. B. Edelman, Le crépuscule du droit d'auteur, LeMessager Européen, Gallimard, 1994, p. 37110 V. pour l'instauration de licences non volontaires :S. M. Jennen, Multimedia licensing, LES nouvelles,déc. 1993, p. 185.11 Sur le danger des régimes spécifiques : P. Sirinelli,Brèves observations sur le raisonnable en droitd'auteur, Mélanges en l'honneur de André Françon,Dalloz 1995, p. 397, spéc. p. 40512 M. Vivant, Pour une épure de la propriété intellectuelle,Mélanges en l'honneur de André Françon,Dalloz 1995, p. 415, spéc. p. 424 : un absolu dogmatiqueest bien difficile à tenir13 P. Sirinelli, Brèves observations sur le raisonnableen droit d'auteur, Mélanges en l'honneur deAndré Françon, Dalloz 1995, p. 397. V. aussi : G.Khairallah, Le raisonnable en droit privé français,RTDCiv. 1984. 43714 Vocabulaire juridique, publié sous la direction deG. Cornu, PUF 1987, p. 645 : sens n° 2 par extension,en pratique, modéré, mesuré, qui se tient dansune juste moyenne15 P. Sirinelli, op. cit., Mélanges en l'honneur deAndré Françon, Dalloz 1995, p. 397, spéc. p. 409 :Les créateurs eux-mêmes doivent se rendre compteque leurs revendications ne peuvent qu'être mesurées16 D'ailleurs, le multimédia devrait donner une nouvellejeunesse à l'uvre composite. V. A. Lucas et H.-J. Lucas, op. cit., p. 200 , n° 21317 Cf. art. L. 113-4 du CPI : L'uvre composite estla propriété de l'auteur qui l'a réalisée, sous réservedes droits de l'auteur de l'uvre préexistante18 A. Françon, Cours de propriété littéraire, artistiqueet industrielle, Les Cours du droit 1994/1995, p. 217: le tiers a le devoir strict de reproduire ou de représenterl'uvre avec le plus de fidélité possible. V.comme illustration une très curieuse affaire anglaise :le fait d'attacher des rubans de noël aux cous desoixante oies composant une sculpture dans un centrecommercial constitue une atteinte à l'honneur et à laréputation de l'artiste (Snow v. Eaton Centre Ltd[1911] 1 KB 771).19 Cass. 18 floréal an XII, Dictionnaire del'Académie, Rép. An XII, p. 47520 V. en dernier lieu l'arrêt de renvoi dans l'affaireHuston : CA Versailles, 19 décembre 1994, RIDAavril 1995, n° 164, p. 389, note Kérever. V. aussi : CAParis, 25 octobre 1989, Jurisprudence Légipresse,2ème éd., 1994, p. 98 (inscrustation du logo de lachaîne), TGI Paris, 24 mai 1989, JurisprudenceLégipresse, 2ème éd., 1994, p. 99 (coupures publicitaires).21 Th. Dreier, op. cit., p. 12122 A. Lucas, op. cit., p. 33023 V. par exemple la relation de respect qui s'établitentre le visiteur d'un musée et les uvres d'art.24 Th. Dreier, op. cit., p. 12725 TGI Paris, 15 mai 1991, JCP 1992. II. 21919, noteDaverat26 CA Paris, 7 avril 1994, D. 1995, somm. 56, obs.Colombet27 CA Paris, 26 avril 1977, RIDA 1978, n° 95, p. 134.28 Rapport préc. p. 76. V. aussi, pour la difficile cohabitationentre des uvres au sein d'une banque dedonnées doctrinale : P. Sirinelli, L'auteur face à l'intégrationde son uvre dans une base de données doctrinale.De l'écrit à l'écran, D. 1993. chr. 323, spéc. p.329.29 V. M. Vivant, Pour une épure de la propriété intellectuelle,Mélanges en l'honneur de André Françon, p.415, spéc. p. 420 : Quels que soit le système en causeou la nature de la création, ce droit à la paternité doit,selon nous, être posé et ne devrait en aucun cas pouvoirêtre mis à l'écart et P.-Y. Gautier, Les uvresmultimédia en droit français, RIDA avril 1994, n°160, n° 10, p. 119. V. cpdt : A. Lucas et H.-J. Lucas,op. cit., p. 331, n° 410, qui constatent qu'il est difficile,en pratique, de faire respecter le droit à la paternité30 V. la note de P. Sirinelli sous : Civ. 1ère, 14 mai1991, RIDA janv. 1992, n° 151, p. 27231 V. J. Raynard, note sous : Civ. 1ère, 10 mars 1993,JCP 1993. II. 22161. V. la réponse de M. Françon :note sous : Civ. 1ère, 10 mars 1993, D. 1994. 78.32 Nous n'entrerons pas, dans le cadre de cette étude,dans ce vaste débat. Signalons seulement que la questionest controversée en jurisprudence (pour l'abus dedroit : Civ. 1ère, 14 mai 1991, préc. et contre l'abusde droit : Civ. 1ère, 5 juin 1984, D. 1985. IR. p. 312,obs. Colombet) comme en doctrine (pour : A. Lucaset H.-J. Lucas, op. cit., p. 307, n° 379 et contre : F.Pollaud-Dulian, Abus de droit et droit moral, D. 1993,chron. 97)33 V. Civ. 1ère, 14 mai 1991, préc.34 V. l'article L. 121-3 du CPI et P.-Y. Gautier,Propriété littéraire et artistique, p. 274, n° 169 et s.35 Ph. Malaurie, Les obligations, Cujas 1994/1995, p.342, n° 622 : L'article 1134, al. 3, interdit auxcontractants certains attitudes abusives (...) ou de natureà induire en erreur l'autre partie36 P.-Y. Gautier, op. cit., p. 350, n° 20237 H. Desbois, Le droit d'auteur en France, Dalloz1978, p. 831, n° 702 (l'observation, formulée à proposdes uvres collectives, peut être, à notre avis, étendueaux uvres composites)38 V. notamment l'intervention de M° François Blochlors du séminaire Droits d'auteur et multimédia,Observatoire des industries du multimédia, Paris les11 et 12 avril 1995.39 V. A. Weber, Pourquoi ne pas considérer touteuvre multimédia comme une base de données ?,Ibid.40 Sur ce sujet V. l'excellente étude de X. Linant deBellefonds, note sous CA Paris, 16 mai 1994, JCP
(1996) chr. 109. V. aussi, P. Sirinelli, Rapport préc. p.76-77 et A. Lucas, op. cit, in Mélanges en l'honneurde André Françon, Dalloz 1995, p. 328.41 Art. L. 112-2, 6° du CPI : Les uvres cinématographiqueset autres uvres consistant dans desséquences animées d'images, sonorisées ou non,dénommées ensemble uvres audiovisuelles42 CA Paris, 16 mai 1994, préc. et Civ. 1ère, 26 janvier1994, RIDA juillet 1994, n° 161, p. 30943 Sur l'ensemble de la question : A. et H.-J. Lucas,op. cit., p. 187, n° 19844 V. surtout, P.-Y. Gautier, art. préc., supra note 4145 Comp. avec les termes de l'article L. 113-2, alinéa3, du CPI46 P.-Y. Gautier, Propriété littéraire et artistique, n°271, p. 44947 H. Desbois, op. cit., n° 173, p. 206.48 A. Latreille, note sous : Civ. 1ère, 18 octobre 1994,RIDA avril 1995, n° 164, p. 305, spéc. p. 32549 A. Latreille, préc. pour lequel l'uvre collectiveévoque la notion anglo-saxonne de work made forhire (p. 325)50 V. X. Linant de Bellefonds, note préc.51 V. P-Y. Gautier, Traité préc., n° 273, p. 45252 Civ. 1ère, 8 octobre 1980, RTDCom. 1981. 87,obs. Françon53 Civ. 1ère, 15 avril 1986, RIDA 1986, n° 130, p.
(145) Sur le droit à la paternité des contributeurs à uneuvre collective : CA Versailles, 20 mai 1988, D.1989, somm. 44, obs. Colombet.54 H. Desbois, op. cit., n° 702, p. 83055 P.-Y. Gautier, Traité préc., n° 27356 Civ. 1ère, 8 octobre 1980, préc. et Civ. 1ère, 16décembre 1986, D. 1988. 173, note Edelman. Cesdeux arrêts ont été rendus à propos du même litige quioppose un professeur de droit à une maison d'éditionjuridique depuis 1976 et dont le dernier avatar est unarrêt rendu par le 1ère chambre civile de la Cour decassation le 20 juin 1995 (inédit).57 Civ. 1ère, 8 octobre 1980, préc. et Civ. 1ère, 16décembre 1986, préc.58 Mais la personne morale ne parvient pas toujoursà justifier les modifications : TGI Paris, 17 mai 1984,RIDA oct. 1984, n° 122, p. 215 et en appel : CA Paris,6 novembre 1986, D. 1988, somm. 206, obs.Colombet59 Act of 19 october 1976, 17 USC ss 101-914 (1976)60 V. l'ensemble de cette question dans : S. M.Stewart, International copyright and neighboringrights, 2nd edition, Butterworth, London 1989, p. 614,21.47.61 H. Desbois, op. cit., n° 702, p. 830