Y a-t-il des abus licites de la liberté d'expression ?
Actes du Forum Légipresse du 2 octobre 2014
"L'affaire ""Dieudonné"" et l'interdiction de son spectacle par le Conseil d'Etat a posé magistralement la question du droit à l'humour et des limites du droit à la liberté d'expression. S'il a valeur constitutionnelle et se trouve consacré à l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'Homme, le droit à la liberté d'expression n'est pas absolu et doit se concilier avec d'autres principes d'égale valeur, ce que les juges rappellent régulièrement. L’expression de propos racistes discriminatoires entre, depuis l’adoption des lois Pleven de 1971 et Gayssot de 1990, dans le champ de la répression de la loi de 1881.
Pour autant les récentes modifications législatives tendent à poser un régime spécial au sein de ce régime déjà spécial. C’est enfin sur la question de la mise en œuvre des lois mémorielles, après l’intervention de la loi Gayssot, qui a posé le délit de négationnisme, au regard des dernières décisions de la chambre criminelle de la la Cour de cassation, de la Cour européenne ou du Conseil constitutionnel, qui mérite débat.
Par ailleurs, l'actualité du droit de la presse offre de nouvelles illustrations quant à la protection de la vie privée des personnes publiques, politiques en particulier et nous invite à nous interroger sur les informations qui relèvent du « débat d'intérêt général », et qui méritent d'être rendues publiques, de celles qui relèvent de l'intimité d'une personne, même investie d'une fonction publique. La mise en balance de la protection de l'intimité de la vie privée de personnalités politiques et du droit du public à l'information a fait l'objet de récentes décisions de justice au sujet des écoutes réalisées au domicile de Liliane Bettencourt, ou encore des enregistrements clandestins de conversations privées du couple Sarkozy, mis en ligne sur internet. Jusqu'où peut aller l'investigation journalistique ?
Enfin, comment évoquer l'évolution du droit à la protection de la vie privée et le droit à l'information du public sans évoquer l'arrêt de la CJUE du 13 mai 2014? La Cour de justice de l'Union européenne impose aux moteurs de recherche de supprimer de la liste de résultats, affichée à la suite d'une recherche effectuée à partir du nom d'une personne, des liens vers des pages web, contenant des informations relatives à cette personne, dès lors qu'elle en fait la demande. Il incombe désormais aux moteurs d'examiner le bien-fondé de chaque demande, en se faisant le juge de l'équilibre entre droit à l'information du public et protection de la vie privée. Toutes ces questions ont été débattues par d’éminents universitaires et praticiens réunis lors du Forum Légipresse. Ce numéro de Légicom sont les actes de cette journée."